La tyrannie de la majorité ne semble guère enviable, mais c'est paradoxalement le propre de la démocratie, qui donne pleine légitimité au nombre et non plus à la raison optimale/ optimum rationnel. Cette expression empruntée à Tocqueville serait le produit de la « croyance en l'égalité ». Tocqueville pensait que l'avenir de l'Europe était déterminé aux Etats-Unis. On le sait, il n'était pas un démocrate dévoué, mais un aristocrate lucide qui avait compris que le monde passé était condamné. Désormais, des signes avant-coureurs tendent à prouver que cette réalité a vécu, et que la démocratie dans sa quête absolue de liberté et d'égalité encourage l'avènement du droit des minorités. Malgré son géocentrisme (démocratie occidentale), ce sujet permet de réfléchir sur le concept même de démocratie. Le pouvoir au peuple n'est pas incompatible avec la prise de pouvoir des minorités. Ce nouveau conflit qui place l'identité au centre des droits fondamentaux oppose surtout le modèle multiculturel au modèle républicain.
La question qui nous est posé tient tant du descriptif que du normatif. Alors, y a-t-il une simple rhétorique conjoncturelle pro-minorités ou est-ce plus exactement une idéologie des minorités, sorte de « minoritarisme » si vous me permettez ce néologisme? La reconnaissance de chacun, des plus faibles, des moins intégrés est-elle le prolongement logique du concept démocratique? Est-ce une recherche d'égalité ou un élan de liberté ? Tout est-il à jeter dans notre modèle républicain ? Mais peut-on espérer voir apparaître une porte de sortie ? Et au fait, la « tyrannie de la majorité » n'est-elle pas un oxymore ?
[...] - De plus, ils font la différence entre les droits fondamentaux, les immunités, et les privilèges. Si ce modèle a eu autant de succès, c'est qu'il a d'abord été appliqué aux EU, qui fut une terre de minorités qui faisaient passer leur foi avant tout et qui fuyaient les brimades d'une Europe intolérante, puis une terre d'immigrants, venant du monde entier, et donc multiculturels. La culture américaine s'est construite à partir de multitudes culturelles, et c'est ce qui a fait sa force, notamment économique. [...]
[...] Dans la même lignée, Kymlicka pense que la France est irrespectueuse des identités. Une république unitaire serait une recette pour catastrophes. C'est parce que la France n'a pas de gestion libérale qu'émerge un nationalisme revendicateur, et récompense les revendications violentes plutôt que celles pacifiques (Corse/Bretagne). De plus, la France refuse de faire des statistiques sur la couleur, la religion, ce qui est propre à une politique de l'autruche. On se méprend sur l'existence de la nation, qui a été parfois un fantasme de l'Etat, pour fédérer les masses. [...]
[...] Derrière l'étendard de la tolérance et de la pleine dignité retrouvée, l'individu peut se trouver aliéné, de plusieurs façons. Avant tout, parce que le communautarisme enferme les individus dans une identité de groupe, enferme les individus dans tel ou tel système de normes, il soumet les choix individuels aux préférences de groupe et limite voir détruit la liberté de penser et d'agir (Taguieff). Comme le souligne Taguieff, on assiste alors a une délégitimation du principe individualiste et universaliste de libre examen, composante essentielle de l'idée rationnelle du penser par soi même Un seul message subsiste : c'est bien, c'est beau, c'est juste parce que c'est notre L'argument d'autorité paralyse toute délibération collective. [...]
[...] De la tyrannie de la majorité à la tyrannie des minorités ? Les minorités émergent sur le débat public revêtues d'un aura totalitaire des revendications identitaires légitimant une approche multiculturelle II/ . et menaçant la communauté des citoyens Les méfaits de la privatisation de l'espace public La République nous appelle Bibliographie - Tocqueville, De la démocratie en Amérique, - John Rawls, théorie de la justice, Seuil - Charles Taylor, Multiculturalisme, différence et démocratie, Aubier - Dominique Schnapper, la communauté des citoyens, Gallimard - Jean-Luc Mélenchon, causes républicaines, Seuil - Ton van Luin (collectif), Hoe nu verder visies op de toekomst van Nederland na de moord op Theo van Gogh, Spectrum - Alain Dieckhoff, la constellation des appartenances, Presses de Sciences Po - Michael Walzer, Sphères de Justice, Seuil - Pierre-André Taguieff, La République enlisée, pluralisme, communautarisme et citoyenneté, Editions des Syrtes De la tyrannie de la majorité à la tyrannie des minorités ? [...]
[...] De fait la République ne peut pratiquer une politique de reconnaissance, car son projet est de faire vivre la communauté des citoyens c'est à dire une communauté de citoyens qu'il a fallu former par un système d'instruction et d'éducation fondé sur le principe méritocratique, système ordonné à la réalisation d'un type d'individu se caractérisant par son autonomie, capable précisément de prendre une distance suffisante vis-à-vis de ses origines et de ses appartenances, de ses héritages culturels et de ses croyances religieuses ou non. Cette communauté assure une transcendance des particularités, et elle ne peut exister sans un refroidissement des passions identitaires ni sans relativisation des opinions. Il ne s'agit pas d'une tyrannie de la majorité. On valorise l'intériorisation des identités pour produire du lien social, entre citoyens, entre individus se percevant comme semblables, en privilégiant une citoyenneté active à un individualisme passif. Comme on vient de le voir, le multiculturalisme factuel n'est en rien incompatible avec le modèle républicain. [...]
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