[...] - L'individu, paradoxalement pour des récits collectifs, est placé au centre de l'espace politique du récit moderne : arraché au Destin communautaire, il est désormais fils de ses oeuvres (voir Malraux, romans de la révolution, comme l'Espoir : les individus sont ce qu'ils font, non ce qu'ils sont ou pensent). Son Je et son corps sont ses propriétés : cela en fait le titulaire de droits individuels (les droits fondamentaux). Mais il est clivé entre son travail et le hors-travail (les loisirs). Son identité est au carrefour des deux (cf. fierté au travail des ouvriers et solidarités syndicales d'un côté, culture du divertissement, qui est une fuite partielle dans une « pseudo-réalité », comme au cinéma, de l'autre).
[...] - Post-modernité : un terme flou, « bon à tout faire » dit Umberto Eco (Apostille au nom de la rose), qui dit tout et son contraire selon son théoricien Featherstone. Son premier emploi se trouve sous la plume obscure de R. Panwitz, dans un ouvrage intitulé La Crise de la culture européenne, pour évoquer « l'homme post-moderne, mollusque encroûté entre décadence et barbarie »... ce magma annonce quelques uns des noyaux ultérieures de l'idée post-moderne : un nietzschéisme parfois hâtif ; l'idée de la crise des paradigmes de la modernité (donc de ses récits) ; l'idée de crise tout court, et de période de transition (vers un avenir pas toujours certain, où tout est possible). On retrouve ce terme dans la critique littéraire espagnole des années 1930, pour critiquer la génération 98.
[...] 1. L'expérience postmoderne du monde (une sensibilité/culture post-moderne ?)...
- L'expérience du discontinu : les grands récits sont désormais des mythes ; ils proposaient une vision du monde totalisante et unifiée. Après Auschwitz, ils ne sont plus tenables, et le récit en tant que tel disparaît. Les biographies individuelles et sociales ne sont plus linéaires. Le "moi" occidental unifié se perd dans la reconnaissance et l'acceptation de sa multiplicité (inconscient, etc.). Le Nouveau roman, et son indécision sur les focalisations ou le chevauchement de celles-ci le démontre, ou encore Plume, personnage de Michaux, qui est habité par 1000 Plumes difficiles à récoler/collationner en un Moi unique qui dirait « je suis Plume ». (...)
[...] Le terme qualifiera par suite l'Angleterre post-impériale du stop-and-go et du déclin géopolitique. Il y a bien cette idée que quelque chose a changé et que, confusément, les paradigmes modernes, quasiment traditionnels et stables (l'appartenance de classe, l'industrie, etc.), ont laissé place à d'autres, plus incertains et donc à un monde moins rassurant, plus risqué et plus désordonné (cf. discours sur la mondialisation, ou le terrorisme aujourd'hui : le monde est incertain, changeant volatil plus rien ne serait acquis, etc.) Le terme se répand outre-Atlantique dans les années 1970, sous la plume du critique Ihab Bassan, par exemple, pour qualifier d'abord le champ culturel/artistique marqué par le Pop art et le kitsch. [...]
[...] Par conséquent : recherche de la différence. D'autre part, au récit (social) se substitue le signe : sursaturation de signes, en général présentés sous forme de collage ou de pastiche. La conséquence en est un phénomène de dédifférenciation (F. Jameson) : en effet, en lien avec la diminution du temps de travail, le loisir et la culture (au sens large) acquièrent alors une place toujours plus grande et surtout transversale dans la société et la vie des individus. Ils deviennent le liant social, masquant plus ou moins l'ordre dominant/de domination (voir les enfants d'immigrés de la troisième génération, dont certains refusent l'affiliation identitaire à la France et revendiquent par exemple une beuritude inventée, alors même qu'ils sont rarement considérés comme Maghrébins, quand ils vont au Maghreb, mais comme Français[1]- mais prisent les produits de marque de la société de consommation) S'enracine dans d'importantes mutations socio-économiques. [...]
[...] ne pas trouver de sens d'où la dépression, maladie moderne par excellence ; 2. le retournement en mythe du progrès, et du sens construit (voir le rôle de la classe ou de la race dans le léninisme et le nazisme). Corollaire d'une modernité qui se définit par le fugitif, l'éphémère chers à Baudelaire, l'impératif de modernisation. Il implique l'adaptation permanente, pour être à la page certes, mais surtout toujours strictement contemporain, jamais en décalage : les transformations récentes d'une ville comme Berlin, profitant de la chute du Mur et des disponibilités spatiales ainsi offertes en est l'exemple-type, dans son souci de se doter de quartiers d'affaires ultra-modernes high-tech ; voir aussi aux États-Unis comme au Royaume-Uni, la rénovation permanente des anciens docks, transformés en quartiers hype Cette idée est inséparable de la promotion de l'idée d'efficacité (voir la LOLF, pour l'adaptation de cette idée au niveau de l'Etat, substituant une gestion par la performance, partiellement sur le modèle comptable de l'entreprise privée, à une logique de moyens). [...]
[...] Gauchet ou Weber) : le sens n'est plus donné dans un monde qui se dé-traditionnalise, et devient du même coup plus visible (il n'est plus une expression symbolique, de Dieu, la nature, ou que sais-je) : voir le regard porté sur les choses par le cinéma, et en particulier sur les rues. Le sens est désormais à trouver dans un espace vide et au fond à construire aussi patiemment que dans les polars de R. Chandler en explorant la communauté humaine. Ce qui importe c'est d'en assurer la vie, la persistance. [...]
[...] Son Je et son corps sont ses propriétés : cela en fait le titulaire de droits individuels (les droits fondamentaux). Mais il est clivé entre son travail et le hors-travail (les loisirs). Son identité est au carrefour des deux (cf. fierté au travail des ouvriers et solidarités syndicales d'un côté, culture du divertissement, qui est une fuite partielle dans une pseudo- réalité comme au cinéma, de l'autre). Enfin, il est sujet désirant le mimétisme (social, conventionnel, etc. ; voir Balzac) devient une pulsion fondamentale, mais n même temps un facteur de réification. [...]
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