Que reste-t-il de l’esprit initial de la Cinquième République ?

Résumé du document

Voici qui résume « l'esprit initial de la Ve République » : il faut pallier les désastreux inconvénients d'un régime parlementaire et non pas en sortir. C'est à cette fin que l'exécutif est renforcé sous la Ve République, face au Parlement omnipotent des IIIe et IVe Républiques qui voit sa traditionnelle prééminence limitée par des mécanismes dits « de parlementarisme rationalisé». Pour reprendre Michel Debré, « l'ambition de créer un régime parlementaire (repose sur) quatre mesures ou série de mesures : un strict régime des sessions, un effort pour définir le domaine de la loi, une réorganisation profonde de la procédure législative et budgétaire, une mise au point des mécanismes juridiques indispensables à l'équilibre et à la bonne marche des fonctions politiques ». Juridiquement, l'esprit initial de la Ve République –et à travers elle du Comité interministériel chargé de la rédaction de la Constitution et dirigé par de Gaulle– est bel et bien d'instaurer un régime parlementaire, dans le but de mettre un terme à l'instabilité parlementaire des IIIe et IVe Républiques. Si l'apport essentiel de la Ve République a consisté à doter notre pays d'institutions stables –atteignant, en ce sens, l'objectif initial poursuivi par la rationalisation du régime parlementaire dont fait état Michel Debré–, il n'en demeure pas moins que la Ve République de 2006 n'est plus ce qu'elle était en 1958, ne serait-ce qu'en considérant l'orientation présidentialiste que lui donne le général de Gaulle, avant même la réforme introduisant son élection au suffrage universel direct de 1962. Bientôt 50 ans après l'instauration de la Ve République en France, il s'agit de dresser un bilan de l'évolution –depuis ses origines– de notre régime politique et de notre Constitution. Un état des lieux du texte fondateur nous est rendu nécessaire du fait de ses révisions –dont la fréquence s'est considérablement accrue ces dernières années– et surtout de sa pratique, qui a pris une tournure totalement différente à partir 1986, lorsque survient la première cohabitation. Ce sont ces modifications, survenues au gré des années et des configurations historiques, qui font dire à certains que nous avons subrepticement glissé vers une nouvelle République.
Problématique : Au vu des différences entre la Ve République de 2006 et l'esprit initial du régime de 1958, peut-on dire que nous sommes d'ores et déjà entrés en VIe République ?
L'évolution institutionnelle de la Ve République par rapport à l'esprit initial des pères fondateurs laisse parfois à penser qu'un glissement s'est opéré, à notre insu, vers une VIe République. Cependant, la pérennité de la Ve République ne saurait être remise en cause, grâce à elle l'esprit initial de la Ve République a pu être préservée.

Extraits

[...] La fréquence accélérée des révisions constitutionnelles a posé la question de la stabilité institutionnelle de la Ve République - De nombreuses révisions constitutionnelles se sont produit, touchant à l'exercice de la souveraineté nationale, en particulier pour cause de construction européenne, mais aussi pour faire la France une République à l'organisation décentralisée. - Il est important de noter que, depuis 1992, se déroule une inhabituelle cascade de révisions. Les régimes qui se sont succédés depuis 1791 n'ont jamais été autant affectés par une telle série de révisions (sauf peut-être le Second Empire dont nature transformée par plusieurs révisions constitutionnelles). Depuis 92, a lieu, en moyenne, une révision par an. La Constitution perd de son autorité morale. [...]

[...] Ce débat porte sur la question de savoir si la cohabitation doit être perçue comme une perversion de la conception gaullienne de la Ve République ou, au contraire, comme l'application de l'article 20 de la Constitution –selon lequel le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Pour Raymond Barre, par exemple, la cohabitation est une déviation néfaste par rapport à la Constitution de 58, doublée d'un non-respect de la conception gaullienne qui transparaît dans la phrase : Il ne saurait y avoir de dyarchie à la tête de l'Etat - Depuis 1986, les cohabitations à répétition ont fait dévier notre régime: trois cohabitations en 15 ans, qui ont entraîné des modifications fondamentales de nos institutions. [...]

[...] Enfin, les révisions en cascade qui se sont succédés ces dernières années semblent avoir effacé toute empreinte de l'esprit initial de la Ve République de notre Constitution. Bibliographie - La VIe République ? , Revue du Droit Public , numéro spécial ; spécialement l'article La Ve République entre pérennité et perfectibilité, Jean Rossetto, p.157 - Bilan de la Ve République, Revue du Droit Public, numéro spécial, - La Ve République, Revue du Droit Public, spécial - Vive la Ve République ! [...]

[...] Problématique : Au vu des différences entre la Ve République de 2006 et l'esprit initial du régime de 1958, peut-on dire que nous sommes d'ores et déjà entrés en VIe République ? L'évolution institutionnelle de la Ve République par rapport à l'esprit initial des pères fondateurs laisse parfois à penser qu'un glissement s'est opéré, à notre insu, vers une VIe République. Cependant, la pérennité de la Ve République ne saurait être remise en cause, grâce à elle l'esprit initial de la Ve République a pu être préservée. I. [...]

[...] - La survivance de la Ve République à la cohabitation souligne également la novation fondamentale qui s'est produite. La lecture du texte peut désormais s'effectuer à 2 voix, disposant l'une et l'autre de la légitimité populaire (élection directe et désignation d'une majorité de députés). C'est ce qu'illustre la déclaration de Jacques Chirac en 86 : les prérogatives et les compétences du Président de la République sont intangibles (mais) le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation Jean-Claude Colliard évoque même une Constitution-bis pour période de cohabitation, établie de façon coutumière Le fait majoritaire est devenu un élément constitutif de la stabilité du régime - Le rôle de l'invariant majoritaire est capital. [...]