Les propositions du Comité Balladur relatives à la « modernisation des institutions » prétendaient notamment vouloir renforcer les pouvoirs du Parlement. Mais les modifications voulues aux articles 5 et 21 de la Constitution ont tout de suite suscité de vives réactions. En effet, celles-ci visaient à conformer le texte constitutionnel à la pratique concrète des institutions. Elles entendaient ainsi enlever au Gouvernement son rôle primordial de détermination de la politique de la nation au profit du président de la République.
Sous la IIIe République, aucun statut de premier ministre n'est prévu par la Constitution. Il naitra cependant de la pratique et jouera un rôle très important. Sous la IVe République, ce statut est reconnu formellement par la Constitution sous l'appellation du « Président du Conseil ».
Il dispose ici des compétences habituellement attribuées au chef du Gouvernement dans un régime parlementaire, exception faite du droit de dissolution qui, bien qu'une compétence réelle du premier ministre, est encadré par des conditions très restrictives.
Avec la Constitution de 1958, la Ve République semble vouloir correspondre à un régime parlementaire. En effet, le premier ministre y est défini comme celui qui « dirige l'action du Gouvernement » (article 21).
[...] Depuis, les parlementaires pensent devoir leur légitimité du Président et lui sont par conséquent soumis. De même, loin d'être un arbitre au dessus des partis comme le décrivait De Gaulle, le Président est le leader de la majorité. Certes, il n'est pas le leader naturel de la majorité, mais dans la mesure où il dispose du droit de dissolution, il peut contraindre la majorité parlementaire à la discipline ce qui fait bien le Président le leader de la majorité. De surcroit, le scrutin majoritaire pour l'élection de l'Assemblée nationale favorise fortement le bipartisme. [...]
[...] Il arrive que le Premier ministre réussisse à s'imposer, comme le texte le veut, comme le chef du Gouvernement. Cette variabilité résulte de la cohabitation qui détermine, dans la pratique, le chef du Gouvernement. Marie-Anne Cohendet définit la cohabitation comme la coexistence entre un chef de l'Etat et une majorité parlementaire représentant des tendances politiquement antagonistes Ainsi, on s'aperçoit que, hors cohabitation, le Président arrive à s'arroger le statut de chef de l'exécutif. Cet écart entre la règle et la pratique résulte de la combinaison du régime politique (les règles constitutionnelles, notamment l'élection directe du Président et son droit de dissolution) avec le système de variables déterminantes. [...]
[...] Le Président redevient un arbitre comme le veut la Constitution et perd ainsi pratiquement toute son influence sur la politique de la nation. Pratiquement, car malgré un large retour au texte de la Constitution, des abus persistent. Ainsi, lors de la première cohabitation, François Mitterrand même dans ce contexte, violer la Constitution plusieurs fois : il a utilisé un droit de veto sur les nominations alors que, juridiquement, il n'en a pas ; il a également refusé de signer des ordonnances. [...]
[...] Le Premier ministre, loin de diriger le Gouvernement, est sous la tutelle présidentielle, il est sous influence subordonné du Président. Hors cohabitation, il résulte que le Premier ministre exécute une politique déterminée par le Président. De surcroit, alors que juridiquement il n'est responsable que devant le Parlement, il résulte qu'il est, hors cohabitation, également responsable devant le Président, auquel il doit sa fonction. Jusqu'aux expériences de la cohabitation, on a même cru que le Président disposerait du pouvoir de révoquer le Premier ministre. [...]
[...] Or, on ne saurait apprécier la légitimité d'un organe à diriger la politique qu'au regard des fonctions qui sont les siennes. Ainsi, le Président est conçu comme un arbitre et non comme un dirigeant. Aussi, l'élection au suffrage universel direct lui donne la légitimité d'un arbitre, plus puissant qu'en régime monoreprésentatif certes, mais un arbitre tout de même. De surcroit, le Président est irresponsable. Or, le pouvoir implique responsabilité, ce qui renforce le fait que le Président n'a aucune légitimité de dirigeant, laissé au Premier ministre, légitime et responsable. [...]
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