Il est des termes qui reviennent constamment dans le lexique historiographique propre à l'Amérique latine du 20ème siècle. « Populisme » en fait partie. Néanmoins, son utilisation abusive et systématiquement péjorative de nos jours en Europe a largement galvaudé son sens. Aussi trop souvent notre première approche du populisme en Amérique latine est-elle influencée par notre européocentrisme, ce qui la fausse complètement. En effet, l'« extrême occident » (comme aime le dire Alain Rouquié pour désigner l'Amérique latine) n'est pas un occident caricaturé, un avatar des sociétés européennes ou étasuniennes dont les traits auraient été plus ou moins forcés, aboutissant au final à une reproduction imparfaite des modèles traditionnels « occidentaux ». Il répond au contraire à des caractéristiques propres; bref, il constitue un système à part entière. L'enjeu majeur du cours sur le populisme aura donc été d'en saisir les imbrications, les marges de variance, les adaptations, en se gardant de transposer les paradigmes européens à une étude portant sur l'Amérique latine.
Jusqu'à quel point peut-on néanmoins envisager le populisme comme un phénomène global, c'est-à-dire comme un modèle général permettant d'expliquer la situation des Etats latino-américains, grossièrement des années 1920 aux années 1960? On le voit déjà: dater le populisme s'avère très délicat puisque tous les pays latino-américains n'ont pas suivi un développement similaire. En soi « populisme » est un terme hypéronyme. Peut-on pour autant affirmer qu'il existe un idéal-type du populisme au sens wébérien, avec ses causes, ses manifestations ou encore ses articulations et ses effets? Autrement dit, le fait que « populisme » soit une désignation générique ne lui fait-il pas perdre toute sa pertinence? Bref, qu'appelle-t-on populisme? Voici probablement la question centrale dans la mesure où de la réponse qu'on y apportera dépendra notre compréhension de l'évolution des sociétés latino-américaines depuis les années 1920-1930. Essayons donc ici de tracer les contours de cette expression, notamment avec l'aide des auteurs qui se sont penchés sur le phénomène, au premier rang desquels figure Alain Touraine.
[...] Le leader populiste ne représente pas à proprement parler le peuple, il s'en veut plutôt l'incarnation. Il n'y a pas d'intermédiation mais bel et bien fusion. En Colombie, Gaitán dira ainsi : je ne suis pas un individu mais le peuple L'envergure prise par ce phénomène est telle que l'on évoque par exemple aujourd'hui le péronisme ou le gétulisme pour désigner les régimes de rapport direct entre le leader et les masses, instaurés par Juan Domingo Perón et Getúlio Vargas, respectivement en Argentine et au Brésil, preuve de l'hypertrophie du pouvoir exécutif dans de tels régimes. [...]
[...] Bref, le populisme émerge alors qu'apparaissent véritablement en Amérique latine les masses populaires. Par ailleurs, les tensions se font constamment davantage sentir au sein de la population, que ce soit à travers des révoltes paysannes ou indigènes, ou bien par des manifestations ouvrières ; et ce sont de réelles carences de représentativité qui se manifestent alors. Le rôle de la conjoncture internationale n'est pas pour autant négligeable dans l'avènement massif de pratiques populistes en Amérique latine, mais elle revêt une importance variable selon les auteurs. [...]
[...] Mentionnons enfin que s'il est d'usage aujourd'hui de parler de néopopulisme (par exemple pour désigner le régime actuel de Chavez au Venezuela) l'étude rigoureuse de la notion de populisme apparaît comme un préalable indispensable à la compréhension des caractéristiques et des implications de cette dénomination. Achevons en dernier en lieu en rappelant que le cas du populisme est révélateur de la nécessité de s'affranchir de la tentation de transposer les modèles d'analyse européens ou nord-américains sur les sociétés latino-américaines. Un véritable entendement des phénomènes latino-américains nécessite au contraire l'élaboration de paradigmes propres à cette zone géographique. Eléments bibliographiques TOURAINE A., La parole et le sang : politique et société en Amérique latine, Éditions Odile Jacob, Paris p. [...]
[...] En soi populisme est un terme hypéronyme. Peut- on pour autant affirmer qu'il existe un idéal-type du populisme au sens wébérien, avec ses causes, ses manifestations ou encore ses articulations et ses effets ? Autrement dit, le fait que populisme soit une désignation générique ne lui fait-il pas perdre toute sa pertinence ? Bref, qu'appelle-t-on populisme ? Voici probablement la question centrale dans la mesure où de la réponse qu'on y apportera dépendra notre compréhension de l'évolution des sociétés latino-américaines depuis les années 1920-1930. [...]
[...] LAVAUD J.-P., Les populismes en Amérique latine au XXème siècle in Historiens et Géographes 374, Paris, mai 2001. TRÍAS V., Getúlio Vargas, Juan Domingo Perón y Battle Berres-Herrera : tres rostros del populismo in VILAS, Carlos (comp.), La democratización fundamental El populismo en América Latina, Claves de América Latina, México D.F Néanmoins, comme toute modélisation, la grille de lecture que nous propose Alain Touraine se veut omni compréhensive, c'est-à-dire qu'elle cherche à donner une cohérence à des éléments et des événements dont l'époque et la géographie varient. [...]
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