Ressources et politiques de puissance : le pétrole

Résumé du document

À bien des égards, le pétrole sert à faire la guerre : « son contrôle, qui a longtemps semblé synonyme de pouvoir absolu, a déclenché des crises et justifiés des conflits ». Le pétrole est la ressource géopolitique par excellence, tout à la fois enjeu de sécurité nationale et enjeu stratégique majeur pour les pays producteurs et les pays importateurs.

Le pétrole est d'abord une matière première incontournable. L'or noir est ainsi la principale source d'énergie pour les pays développés et les pays en voie de développement. Selon un rapport de l'Agence Internationale de l'énergie (AEI), le pétrole concerne 35 % de la consommation mondiale d'énergie primaire. A titre de comparaison, le gaz naturel est le second poste consommé avec 21%, suivent le nucléaire avec 7%, et plus loin les énergies renouvelables avec 0,5% . Le pétrole est devenu l'énergie dominante après la Seconde Guerre mondiale. Il est aujourd'hui un élément indispensable de la vie quotidienne.

Mais ce qui donne à cette ressource sa spécificité c'est sa dimension stratégique. « Avec le pétrole on achète et on vend de la sécurité économique et militaire, de la croissance industrielle, des moyens de se déplacer, on achète et on vend des possibilités de développement » : le pétrole est bien une arme politique permettant de maintenir des capacités militaires opérationnelles et d'exercer des pressions.

L'économie du pétrole et ses implications stratégiques sont donc des objets d'étude privilégiés de la géopolitique entendue comme une méthode d'analyse plus que comme un champ de recherche. La géopolitique s'intéresse à « l'analyse des rivalités pour l'appropriation des territoires et (...) des relations de pouvoir sur ce territoire ». La géopolitique tente ainsi de rendre compte « des rivalités de pouvoirs ou des rapports d'influence sur un territoire ».

L'objet de ce travail sera donc d'articuler les notions de ressources et de politique de puissance en s'appuyant sur l'exemple du pétrole. Dans quelle mesure le pétrole est-il utilisé par les Etats sur la scène internationale comme une arme au service d'objectifs de puissance ?

Dans cette perspective nous nous interrogerons sur la nature des relations entre les acteurs du secteur pétrolier ; dans un second temps, nous analyserons les structures du marché marquées par l'incertitude, l'instabilité et les interventions du politique ; enfin nous nous appuierons sur les orientations américaines et chinoises en matière de politique énergétique pour illustrer les enjeux en termes de puissance qui pèsent sur cette ressource (...)

Extraits

[...] Il est aujourd'hui un élément indispensable de la vie quotidienne. Mais ce qui donne à cette ressource sa spécificité c'est sa dimension stratégique. Avec le pétrole on achète et on vend de la sécurité économique et militaire, de la croissance industrielle, des moyens de se déplacer, on achète et on vend des possibilités de développement : le pétrole est bien une arme politique permettant de maintenir des capacités militaires opérationnelles et d'exercer des pressions. L'économie du pétrole et ses implications stratégiques sont donc des objets d'étude privilégiés de la géopolitique entendue comme une méthode d'analyse plus que comme un champ de recherche. [...]

[...] Le mouvement de nationalisation des compagnies pétrolières exploitantes à partir des années 1970 ne s'est jamais tari depuis : si les compagnies internationales contrôlaient dans les années 1970 environ 60% des réserves mondiales prouvées, ce chiffre est tombé à environ La principale conséquence de ces nationalisations, outre la dimension politique d'émancipation, est la déstructuration de l'industrie pétrolière Désormais, la production, assurée par les compagnies nationales des pays producteurs, et le raffinage et la distribution, garantie par les compagnies pétrolières internationales, sont découplés en deux pôles distincts. L'Occident a perdu la maîtrise de l'exploitation du pétrole et les conséquences en termes de puissance sont innombrables. Le deuxième évènement clé dans la reconquête de la souveraineté des ressources naturelles des pays producteurs de pétrole est la création de l'OPEP à Bagdad le 14 septembre 1960[11]. [...]

[...] III) Études de cas : pétrole et politiques de puissance aux États-Unis et en Chine Les États-Unis Le pétrole, pilier et faiblesse de l'hyperpuissance américaine Les Etats-Unis absorbent environ de la consommation mondiale d'hydrocarbure. Le pétrole est donc l'un des piliers de sa puissance en même temps que l' une de ses rares faiblesses La dépendance extérieure des Etats-Unis au plan pétrolier représente désormais plus de 60% de leur consommation pour le pétrole brut, auxquels s'ajoutent les importations de produits raffinés qui dépassaient 50% de la consommation nationale. [...]

[...] Au cartel des compagnies qui dominaient la scène pétrolière depuis le début de l'histoire industrielle du pétrole, succédait un cartel des pays producteurs La revendication de la souveraineté permanente des Etats sur les ressources naturelles s'appuient sur la résolution 1803 de l'Assemblée Générale des Nations unies du 14 décembre 1962[13]. L'objectif de l'OPEP aujourd'hui est assez éloigné de cette revendication tiers-mondiste de réappropriation des ressources. Deux fonctions sont généralement attribuées à l'OPEP et elles sont fortement corrélées avec des objectifs de puissance. En premier lieu, l'OPEP est perçue comme disposant d'une capacité de contrôle quasi hégémonique sur le prix du pétrole. [...]

[...] Toutefois, les pays industrialisés ont réussi à contourner la situation de dépendance dans laquelle ils ont été plongés depuis les chocs pétroliers de 1973 (Kippour) et de 1979 (révolution iranienne). En effet, la soumission du secteur pétrolier aux lois du marché a permis un rééquilibrage du rapport de force entre pays importateurs et exportateurs, d'autant plus que les économies pétrolières n'ont pas réussi à diversifier leurs activités[19]. Néanmoins, c'est le mélange des genres entre une activité parfaitement capitalistique a donc besoin des marchés financiers et un volet plus politique ( ) qui explique le caractère original et stratégique de l'activité des compagnies pétrolières et l'importance croissante du facteur géopolitique, à mesure que se profilent d'éventuelles insuffisances des approvisionnements . [...]