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- Le noyau sémantique du vieux mot de république
L'idée républicaine (venant tout droit des Romains, et structurée depuis la Renaissance par la synthèse idéologique que leur attribue les humanistes - en s'appuyant notamment sur la célèbre injonction des Douze Tables : salus populi suprema lex esto - le salut (sécurité, il n'y a rien de chrétien dans ce terme) du peuple est la loi suprême) précède l'existence des deux premières républiques (France, EUA) : cités italiennes de la Renaissance, Bodin. Toujours elle désigne plus qu'une forme de gouvernement ou un régime une certaine manière de concevoir et d'ordonner le corps civique dans son ensemble, d'un côté, la source (origine et puissance) de la souveraineté de l'autre. Ce qu'il y a derrière cela : l'idée d'un corps civique de citoyens libres dans une Cité autonome (se dotant d'institutions et de gouvernants) et libre (non soumise à une puissance étrangère, politique ou non, quitte au contraire à être une puissance conquérante : il y a toujours quelque chose d'un peu autarcique, ou inversement impérialiste, dans l'idée républicaine).
Corrélativement, elle postule partout une partition publique/privée, avec suprématie des intérêts publics sur les privés.
- Des différences entre République, démocratie et libéralisme
Du coup, la République est indifférente a priori à l'organisation des pouvoirs publics, sauf la question de la participation populaire (quelle qu'elle soit : le peuple est souverain, le référent ultime - ce qui ne signifie en rien qu'il doive nécessairement gouverner directement ou via ses représentants : cf. Bodin)
L'idée libérale = organisation des pouvoirs (Locke, Montesquieu, etc.) : le check and balance, les parlements comme moyens de juguler la spontanéité populaire (et l'empêcher de s'exprimer directement (donc avec violence et/ou mû par ses émotions) : donc moyens de l'assagir et de le dépassionner et rationaliser. C'est Gauchet qui le dit, et il n'est pas vraiment marxiste...).
L'idée démocratique = expression particulière de la participation du corps social dans le cadre d'une souveraineté populaire, notamment concernant la prise de décision collective (...)
[...] La solution est cependant fort simple. Il faut de concilier les deux comme le fait Eric Weil dans Philosophie politique, en posant que l'intérêt général ne saurait provenir que de la confrontation des intérêts particuliers ce par quoi d'ailleurs la critique tocquevillienne se trouve levée. En effet, les groupes sociaux, voire les individus, expriment bien leurs propres intérêts, intérêts de classe : ils proposent de remplir l'espace ouvert qu'on appelle politique, ce quasi-lieu vide, ne demandant qu'à être rempli, de leur particularité. [...]
[...] La Double ouverture du politique et du social - L'ouverture du social : la cité divisée Pour qu'il y ait république, il faut qu'il n'y ait plus de pasteur ou de grande fileuse comique/politique, qui assigne sa place à chaque chose (selon la logique de la cause finale aristotélicienne) et à chacun. L'ordre du monde (politique, social, etc.) ne va plus de soi. L'opposé de la République c'est l'idée d'arcana imperii. Mais alors, l'ordre de la Cité devient objet de discussion, débat, et surtout d'options différentes (cf. les grands débats de la Révolution anglaise des années 1640). En deux sens : 1. [...]
[...] La norme et le fait se confondent, pour poser un système axiologique quasi naturel Or le fondement de ce système est la loi d'interdépendance dans la mesure où comme le dit Bourgeois chacun est le débiteur de tous (Solidarité p. 113). A partir de ce postulat, Duguit peut dissiper les vieux fantômes de la souveraineté illimitée et de la transcendance absolue de la puissance publique L'Etat a en effet pour seule fonction de mettre en œuvre des activités indispensables à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale L'Etat n'est donc rien d'autre qu'une collection ou mieux une coopération comme dit le juriste Bonnard de services publics, et qu'il ne dispose éventuellement de puissance que pour mener à bien cette tâche : c'est-à-dire l'intérêt général. [...]
[...] La Culture de la Généralité C'est ici que surgit la nécessité d'un critère procédural qui seul peut assurer à l'intérêt général la stabilité nécessaire pour se porter fondation de l'idée républicain, comme l'avait vu Habermas et l'avaient compris les révolutionnaires. Par critère procédural, il ne faut pas entendre des institutions ; Duguit, raillant la croyance qu'une loi est loi par la vertu de la seule expression des parlementaires, disait d'ailleurs : la loi n'a pas le caractère d'un ordre donné par le parlement parce que c'est le Parlement qui le formule [ ] La loi ne s'impose que si elle est l'expression d'une règle de droit ; elle ne peut être obligatoire que si elle formule une norme juridique antérieure à elle, créée par la conscience même de ceux auxquels elle s'adresse, c'est-à-dire spontanée Autrement dit, fait de conscience collective, l'intérêt général doit être découvert. [...]
[...] A ce compte, la République ne saurait donc non plus se détacher de tout engagement social, contrairement à ce que pensait Habermas, imaginant une époque où la discussion était pure de tout intérêt ou Arendt, pour qui le politique n'aboutissait qu'à des catastrophes quand il se mêle de social. Mais pour devenir raisonnable, le critère déterminant est bien entendu la publicité des énoncés, leur capacité à être engagé dans la discussion rationnelle. Le discours, y compris oratoire, est donc un soubassement majeur de l'intérêt général. On comprend alors pourquoi la IIIe République fut un temps de grands orateurs, au parlement surnommé par N. [...]
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