Les critères d'acquisition de la nationalité sont des éléments essentiels pour comprendre comment se forge une nation, dans la mesure où ils permettent de définir qui est dans la communauté nationale, et qui en est exclue. Ainsi, des critères souples d'acquisition de la nationalité, ce « lien juridique entre qui rattache un individu à un Etat », sont le plus souvent liés à ceux de la citoyenneté, et ils permettent de forger une identité nationale inclusive, et sont souvent perçus comme le signe d'une volonté d'accueil, d'ouverture à l'autre. A l'inverse, lorsque ces critères sont particulièrement stricts, ils sont vécus comme une volonté d'exclure. Il convient de nuancer ce paradigme en remarquant qu'il existe tout un panel de critères permettant d'inclure ou d'exclure pour une nation, et que la réalité est souvent bien plus complexe qu'on ne le pense. Les deux principaux modèles d'acquisition de la citoyenneté, souvent opposés de manière quelque peu artificielle, sont le Jus soli et le Jus sanguini. En ce qui concerne l'Allemagne, c'est ce dernier modèle qui a été pendant longtemps retenu en priorité. Si bien que R. Brubaker, dans un ouvrage désormais classique, n'hésite pas affirmer, en 1992 : « il n'y a guère de chance pour que le système français de jus soli […] soit adopté [en Allemagne] : la transformation automatique des immigrés en citoyens demeure impensable en Allemagne » . C'est ainsi que le nouveau code de la nationalité allemande, apparu en 2000, semble pour beaucoup une révolution dans l'histoire de la citoyenneté allemande. Mais pour mieux déterminer dans quelle mesure il en va réellement ainsi, il convient de revenir aux sources de l'histoire de la nationalité allemande, apparue alors que l'Allemagne elle-même n'était pas un Etat à part entière, mais une partie d'un Empire.
[...] La loi fondamentale de la République Fédérale allemande de 1949 semble particulièrement intéressante puisqu'elle montre une volonté de rétablir une Allemagne semblable d'avant la guerre, en réintégrant ceux que le 3ème Reich avait déchu de leur nationalité, ainsi que leurs descendants, mais aussi en facilitant largement l'attribution au droit d'asile pour les personnes provenant d'Allemagne de l'Est par exemple. D'autre part, il convient de souligner que même au cours du 20ème siècle, la nationalité allemande n'a jamais été exclusivement fondée sur le droit du sang. [...]
[...] Mais pour mieux déterminer dans quelle mesure il en va réellement ainsi, il convient de revenir aux sources de l'histoire de la nationalité allemande, apparue alors que l'Allemagne elle-même n'était pas un Etat à part entière, mais une partie d'un Empire. I Le Droit du sang, ou comment on fonde l'identité d'une nation allemande avant même l'apparition d'un Etat allemand En 1913, l'Allemagne n'est pas un Etat à part entière alors qu'est publiée la première loi sur la nationalité allemande, qui sera modifiée en 1993. [...]
[...] Cela permet de nuancer notamment l'opposition idéal-typique entre droit du sol et droit du sang. C'est ce que souligne R. Brubaker lorsqu'il affirme : si le jus soli en France et le jus sanguinis en Allemagne sont conçus comme des traditions et défendus en tant que tels [ c'est parce qu'ils expriment des habitudes d'auto- définition nationale profondément ancrées. On ne les défend comme traditions juridiques que parce qu'ils sont en harmonie avec les traditions politiques et culturelles En ce qui concerne la pérennité de la loi de 1913, on peut remarquer que les national- socialistes, au pouvoir à partir de 19933, ont encore durci cette conception ethnico- raciale de la nation en y ajoutant les deux critères du sang et de la fidélité Blut and Treu. [...]
[...] Brubaker, Citoyenneté et nationalité en France et en Allemagne p Loi sur les étrangers de 1990, qui introduit un élément de droit du sol dans la législation allemande et permet d'aménager une possibilité d'accès historique au peuple allemand pour les immigrés. Toutefois, la possibilité d'une double nationalité demeure exclue dans ce texte. Ainsi, en tout, on estime à 700000 par an le nombre de personnes entrées régulièrement sur le territoire allemand entre 1990 et 1993 En 1993, a lieu la tragédie de Solingen : cinq femmes et fillettes turques sont tuées par incendie criminel perpétré par quelques extrémistes de droite. [...]
[...] En effet, dès la loi de 1913 on trouve des critères qui se rapporteraient plus au droit du sang. Il en va ainsi pour les enfants trouvés sur le sol allemand et dont on ignore l'origine des parents. Toutefois, ce n'est qu'après la réunification en 1990 que semble réellement s'ouvrir la fenêtre d'opportunité permettant –enfin à l'Allemagne de se détacher d'un droit de la nationalité qui semble discrédité. Si la réforme du droit de la nationalité est inscrite sur l'agenda politique, les négociations sur ce thème revenant à l'ordre du jour de chaque nouveau gouvernement, force est de constater que les décisions tarderont à venir. [...]
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