L'élection est un processus essentiel du mécanisme républicain. Dans toute démocratie, l'élection au suffrage universel a une double fonction : elle permet de légitimer les autorités politiques, mais elle garantit également la souveraineté du peuple qui participe directement à la désignation ou à la destitution du pouvoir. Le vote pour l'élection de représentants a longtemps été censitaire, un droit offert aux plus privilégiés, puis il s'est ensuite élargi à l'ensemble du peuple. En France, le suffrage universel a été proclamé en 1848, puis ne s'est étendu aux femmes qu'en 1944. Lors de la dernière présidentielle, les électeurs français ont d'ailleurs largement joui de ce droit de participation à la vie politique, avec un taux de participation record ayant atteint près de 85%.
Depuis près d'un siècle, de nombreuses approches tentent d'expliquer les raisons qui poussent les électeurs à voter pour un parti ou un représentant politique précis. L'explication du comportement électoral est une activité centrale de la science politique. Elle permet de comprendre la régularité ou l'instabilité choix politiques des électeurs par le biais notamment de facteurs sociaux, culturels et conjoncturels. Les outils méthodologiques utilisés sont la cartographie, les études statistiques, mais également les entretiens qualitatifs.
En France, les premières explications de la permanence du vote ont été développées par le géographe André Siegfried sous la 3ème République, dans son fameux ouvrage " Le tableau politique électoral de la France de l'Ouest " (1913). Cette enquête pionnière aura ensuite une portée significative sur la suite des études portant sur les comportements des électeurs. La géographie électorale, longtemps ancrée en France, laissera sa place, dès les années 60, à la sociologie électorale. Ainsi, à l'espace comme facteur explicatif du vote, se substitueront des facteurs sociologiques. Jusque dans les années 70, les explications du comportement électoral étaient avant tout centrées sur le déterminisme du vote. Les individus agiraient en fonction de ce qu'ils sont, de leurs appartenances sociales. Les comportements seraient assez indépendants des motivations et des perceptions de chacun. Depuis une trentaine d'années, les sciences sociales insistent davantage sur la rationalité et l'autonomie de l'individu, se basant notamment sur les travaux de Max Weber qui adoptait une démarche compréhensive par la subjectivité. Les explications du vote ont alors suivi l'évolution de la sociologie, passant d'une approche holiste à une approche individualiste.
Nous tenterons alors de comprendre quelles ont été les évolutions du comportement électoral des Français, à la lumière des évolutions des analyses en la matière. Les électeurs français ont-ils évolué, sont-ils devenus plus autonomes et rationnels ou leurs choix de vote demeurent-ils déterminés par des facteurs sociologiques ?
En premier lieu, nous parcourrons les études pionnières ayant mis l'accent sur le déterminisme du vote des Français. Celles-ci permirent de construire un certain nombre de variables dites lourdes du comportement électoral. En second lieu, nous verrons si la thèse de l'avènement d'un électeur plus rationnel et individuel est justifiée. Il s'agira de comprendre si les facteurs sociologiques déterminants ont encore un poids dans le choix de vote.
[...] En effet, le concept ne connaît pas de définition claire et de mesures identiques[12]. Nous nous concentrerons sur deux types de mesure : celle à partir des résultats des élections et celle à partir d'enquêtes électorales. Une première manière d'appréhender la mobilité électorale consiste à analyser les résultats des élections. Ce type de mesure pose un problème : soit on considère les résultats en pourcentage des suffrages exprimés sans tenir compte des abstentions, soit on raisonne en pourcentage des inscrits afin de faire apparaître les abstentionnistes au même titre qu'une force électorale. [...]
[...] La probabilité de voter pour la gauche ou pour la droite dépend encore très largement du rapport des individus aux moyens de production et d'échange. Seul le vote pour le FN semble faire exception. En effet, le vote FN échappe au conflit patrons-ouvriers qui a structuré le débat politique français et incliné les premiers vers les partis de droite et les seconds vers la gauche. On remarque aujourd'hui que le niveau de vote lepéniste est identique chez les agriculteurs, les patrons, les employés et les ouvriers, seuls résistent les salariés moyens et supérieurs Le poids actuel de l'appartenance religieuse L'appartenance religieuse, considérée comme une variable traditionnelle du vote des Français, a été occultée ces dernières années. [...]
[...] Cette enquête pionnière aura ensuite une portée significative sur la suite des études portant sur les comportements des électeurs. La géographie électorale, longtemps ancrée en France, laissera sa place, dès les années 60, à la sociologie électorale. Ainsi, à l'espace comme facteur explicatif du vote, se substitueront des facteurs sociologiques. Jusque dans les années 70, les explications du comportement électoral étaient avant tout centrées sur le déterminisme du vote. Les individus agiraient en fonction de ce qu'ils sont, de leurs appartenances sociales. Les comportements seraient assez indépendants des motivations et des perceptions de chacun. [...]
[...] L'idée d'un vote sur enjeu implique un certain nombre de conditions : l'électeur doit avoir une compétence politique suffisante afin de se forger une position claire sur les enjeux, il doit percevoir des différences entre les candidats et devrait voter pour le candidat le plus proche de ses préférences sur les enjeux en question. On peut distinguer différents types d'enjeux. On oppose les enjeux conflictuels, qui correspondent à des questions controversées comme notamment l'avortement ou le mariage homosexuel aux enjeux consensuels, c'est-à-dire dont les objectifs sont partagés par l'ensemble de la population. On distingue également les enjeux proches, touchant à la vie quotidienne des électeurs, des enjeux éloignés, qui concernent des questions plus techniques. Enfin, un autre modèle, l'électeur stratège, résulte également d'un calcul, mais selon une logique entièrement différente. [...]
[...] La sociologie électorale française a également construit des théories qui mettent l'accent sur la stabilité des attitudes politiques des individus Les variables lourdes du comportement électoral Depuis le milieu des années 80, on parle classiquement dans la sociologie électorale française des variables lourdes du comportement électoral pour désigner les facteurs sociaux et culturels qui semblent les plus prégnants et explicatifs du vote Les traditionnels votes de classe et religieux Les deux variables traditionnelles, nées dès les premières études portant sur la stabilité des votes, sont le clivage ouvriers - non ouvriers et catholiques - non pratiquants. Elles sont représentatives du clivage qui oppose le parti de l'ordre souvent marqué par la force du catholicisme, d'une part, et le parti du mouvement, identifiable au vote de gauche, particulièrement implanté dans les régions industrielles et ouvrières, d'autre part. La construction des partis de gauche est considérée comme l'expression des attentes de la classe ouvrière. [...]
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