C'est sur les ruines d'un continent dévasté par deux guerres mondiales que le projet européen est né. Plusieurs dirigeants européens ont eu alors la conviction que seule l'unification économique et politique de l'Europe pourrait assurer une paix durable sur le continent. C'est ainsi qu'en 1950, le ministre français des affaires étrangères Robert Schuman a proposé d'intégrer les industries du charbon et de l'acier de l'Europe occidentale. De ce projet est née, en 1951, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) composée de six membres : la République fédérale d'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Depuis ces prémisses, l'Europe dans son processus d' « intégration » défini par Fabrice Larat comme le « rapprochement sur une base volontaire et pacifique des sociétés » s'est fortifiée. Elle compte 25 membres depuis le 1er mai 2004 ce qui représente 453,54 millions d'habitants. En l'an 2 000, elle produisait 30% de la richesse mondiale et réalisait à elle seule un tiers du commerce mondial. L'Europe serait-elle devenue le nouvel Eden de l'humanité ? Appuyée sur une économie prospère, elle constitue en effet l'un des pôles d'attraction des peuples. Face à eux, elle s'érige en véritable forteresse nourrissant tous les fantasmes et les imaginaires. Le thème de la forteresse nous incitera à nous interroger sur une Europe envisagée comme un espace à défendre de l'extérieur et à protéger de l'intérieur. Il nous questionnera ainsi sur notre rapport à la frontière et à la citoyenneté européenne. Mais, la forteresse représente aussi un symbole de puissance, d'unité, de rayonnement ne pouvant reposer que sur des valeurs. Quelle réponse offre l'Europe à cette ambition ? Pour répondre à ces questions, nous envisagerons l'Europe sous trois angles. Tout d'abord, nous décrirons la forteresse comme « espace sans frontière intérieure » pour analyser la conséquence qui en résulte : le développement de mesures sécuritaires. Puis, nous montrerons les faiblesses de cette forteresse en illustrant les rapports ambigus qu'entretiennent ses différents niveaux de pouvoir : le national, l'intergouvernemental et le supranational. Cela nous amènera en outre à questionner le concept de citoyenneté européenne. Enfin, dans la perspective de la ratification du nouveau traité Constitutionnel, nous verrons en guise de conclusion, si la forteresse répond aujourd'hui aux ambitions de puissance qui la définissent.
[...] La marche vers l'européanisation est entravée par la forte dépendance de chacun des Etats à l'égard de son opinion publique. Cela les amène à poursuivre des politiques d'immigration spécifiques définies par une législation nationale portant sur tout ce qui échappe à l'entrée (séjours, conditions de l'asile et de l'accueil, nationalité et citoyenneté, intégration) on parle d' Europe à la carte comme pour le Danemark. Ce dernier, membre de l'espace Schengen n'a pas souhaité prendre part aux délibérations du Titre IV du traité d'Amsterdam sur l'immigration et l'asile, bien qu'il participe à la politique commune des visas. [...]
[...] La Révolution Orange de 2004 en Ukraine a offert à l'Europe un rôle de médiateur entre les Etats-Unis et la Russie. De la même manière, c'est par une culture du dialogue menée par trois pays européens (Grande- Bretagne, France, Allemagne), que les Etats-Unis tentent actuellement de résoudre la crise iranienne sur le nucléaire. Se dirigerait-t-on vers une logique post-souveraine comme le souhaiterait Alvaro de Vasconcelos, qui ouvrirait l'Europe au monde et qui permettrait de partager le fardeau de la sécurité globale avec les Etats- Unis? [...]
[...] Les préoccupations sécuritaires ne sont pourtant pas nouvelles. Elles se développent dans les années 1970, dans un contexte marqué par le terrorisme (attentat de Munich en 1972). Des expériences de coopération intergouvernementale ont aussi vu le jour à l'instar des groupes de Trevi dès les années 1970, qui eurent une influence réelle sur l'énonciation des questions de sécurité au niveau européen. Cependant, c'est l'Acte Unique, qui fit émerger la sécurité comme une condition et un objet de la construction du nouvel espace communautaire. [...]
[...] Conclusion : quel rayonnement et quelle puissance pour la forteresse ? Comme nous l'avons montré, au fur et à mesure de sa construction et grâce à la sécurité intérieure qu'elle a su instaurer, l'Europe est devenue une véritable forteresse économique et commerciale. Cependant, un décalage subsiste entre sa puissance économique et sa puissance politique. Ce décalage résulte de l'attachement à la souveraineté nationale et aux difficultés qui en résultent (confusion, crispation comme nous l'avons vu dans les politiques liées à l'immigration et au droit d'asile). [...]
[...] Il semble en effet difficile pour les Européens de créer une identité européenne de sécurité et de défense (IESD). Si la PESC constitue le deuxième pilier de l'UE lors du traité de Maastricht en 1992 elle reste conditionnée, même après le Traité d'Amsterdam par les logiques de souveraineté des Etats. D'autre part où se situe l' étranger pour une union qui élargit sans cesse ses frontières ? En ce qui concerne la défense, les européens ont depuis la guerre froide gardé l'habitude de s'en remettre à l'OTAN pour leur système de défense. [...]
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