Qu'est-ce qu'un Etat ? La définition classique « un territoire, un peuple, un gouvernement », « l'ensemble d'un pays sous la même domination », selon Littré, demeure valable. Elle est révélatrice du double fondement de l'Etat. Celui-ci repose d'une part sur la question du pouvoir (le gouvernement, la domination) et d'autre part sur une conception bien particulière de son étendue (peuple, territoire, « pays »). Dans le mot Etat subsistent les deux déterminations de l'Etat comme prince et de l'Etat comme peuple soumis à une autorité politique. Nous tenterons de retracer les grandes étapes de l'évolution qui a permis l'élaboration, l'institutionnalisation de cette dualité inscrite au sein de l'Etat moderne.
Essayer de savoir ce qu'est un Etat, c'est tenter de mettre au jour la manière dont s'organise ce pouvoir, la façon dont il s'institue et les modèles d'autorité politique qui en sont la conséquence. Cette interrogation suggère deux grandes directions de recherche qu'on pourrait qualifier, l'une de typologique, l'autre de génétique. En effet, il s'agit d'une part de montrer quel type de pouvoir politique s'exerce au sein d'un Etat. On peut rattacher à ce genre de préoccupation les travaux de M. Weber ou plus récemment de B. Badie et P. Birnbaum (L'Etat importé, essai sur l'occidentalisation de l'ordre politique, 1992 et Culture et politique, 1993).
[...] Le dilemme antique
Ainsi, dans la réflexion philosophique grecque domine la conception d'une politique tributaire d'une exigence de justice que la cité harmonieuse exprime. C'est l'expression de Platon dans La République : la justice est un attribut de la cité tout entière (La République, livre II), au point que Platon développe l'une des plus grandes oeuvres de philosophie politique, nullement à partir de la question du pouvoir ou de la société, mais à partir de la question de la justice. Or, en son fondement, la justice est don des dieux. Il est symptomatique que la République à son terme développe la perspective de l'immortalité de l'âme.
Il n'est de bonne politique que lorsqu'un dieu en est à l'origine, ou un mortel respectueux des dieux. C'est pourquoi il est dit dans La République que le meilleur gouvernement serait celui des philosophes car le philosophe est le mieux à même de comprendre la vérité d'essence divine, donc ce qui fonde la politique. Aristote, quoiqu'il tienne à distinguer plus nettement politique et métaphysique, souligne également que la Cité a pour but le « bien vivre » (Politique). Dans les deux cas, la politique n'est pas totalement affaire humaine car elle reçoit ses modèles d'ailleurs (...)
[...] Il repère plusieurs points qui vont caractériser les totalitarismes du 20ème siècle. L'effondrement des autorités traditionnelles tout d'abord. Ce sont en effet des masses qui ont vu leur monde bouleversé (la Révolution de 1917 en Russie ; en Allemagne, la défaite militaire puis la crise violente des années trente) que les totalitarismes manipulent. Singularité des totalitarismes L'analyse de Tocqueville connaît pourtant certaines limites. Le phénomène du parti monopolisant le pouvoir d'Etat, si important pour Aron, n'entre nullement dans sa réflexion. [...]
[...] Etat démocratique, société inégalitaire : une contradiction ? Dans la société, tout citoyen n'est pas l'égal de tout autre, et à mesure que la société industrielle se développe avec un prolétariat exploité, le citoyen est de plus en plus asservi. Ce constat souligne la délicate articulation du libéralisme politique et du libéralisme économique et est à l'origine de l'une des critiques essentielles que le marxisme a adressé à la démocratie libérale au 19ème siècle. La société en elle-même n'est pas un lieu démocratique, elle est le lieu d'une exploitation et d'une lutte. [...]
[...] De plus, il semblerait qu'aucun totalitarisme n'ait vraiment abouti dans son usage de la violence : il n'a jamais existé de régime totalitaire qui ait pleinement réalisé ses ambitions P. Hassner. Peut-être cette absence tient-elle à l'utopie qui caractérise les totalitarismes : absorber la société pour qu'il ne s'y manifeste nulle divergence, la phagocyter dans l'Etat, commandé lui-même par une idéologie. On comprend pourquoi la menace du totalitarisme s'est profilée à l'horizon des Etats modernes. Les techniques de surveillance, de propagande et d'encadrement des populations ont bénéficié des supports nouveaux de la modernité. [...]
[...] L'Etat moderne s'incarne selon lui dans la GB et la France de Napoléon. Il repose sur la centralisation administrative et gouvernementale et la garantie de la liberté des citoyens. L'Etat conserve l'individu comme une personne protégée par le droit et ramène la neutralité de l'individu à l'universel. C'est par l'Etat que les neutralités dépassent le particulier. Les fonctionnaires et les gouvernants concilient les forces contradictoires. Hegel permet de penser la totalité de la société dans le mouvement de l'histoire, de voir une dialectique dans toute réalité (négativité créatrice). [...]
[...] L'Etat gère de grandes étendues de manière uniforme. Or l'uniformité n'est pas la règle du pouvoir dans l'histoire. Elle a été impossible tant que les moyens de communication aux deux sens du terme : voies de transport et langages ont découpé des régions hétérogènes, mal jointes entre elles, également tant que la distinction des conditions rendait impraticable l'application à tous d'une même norme. L'éloignement du pouvoir supérieur impliquait alors la multiplication de ce que Tocqueville appelle les pouvoirs secondaires tels les préfets de Rome, les tétrarques d'Alexandre, ou encore les missi dominici de Charlemagne. [...]
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