Altiero Spinelli est né à Rome le 31 août 1907. Son père était un socialiste convaincu, admirateur de Karl Marx, et il va contribuer de manière significative à sa formation politique, en lui faisant lire des ouvrages de ce même Marx.
C'est donc son environnement familial, mais également le contexte social et politique dans lequel se trouve l'Italie dans les années 1920 (avec la montée du fascisme et l'arrivée au pouvoir de Benito Mussolini les 29 et 30 octobre 1922) qui vont pousser le jeune Spinelli à rejoindre les rangs du Parti Communiste Italien, dont il sera d'ailleurs secrétaire des mouvements de jeunesse pour l'Italie centrale.
Spinelli fait preuve dans les années 1920 d'un antifascisme militant et montre ouvertement son opposition au Duce et au nouveau régime.
Il est arrêté à Milan le 3 juin 1927 et sera jugé, puis condamné le 6 avril 1928 à seize ans et huit mois de prison. Il n'en effectuera au final que dix, car il bénéficie d'une amnistie partielle en 1937. Malgré celle-ci, il sera maintenu en détention d'abord à Ponza, puis il sera transféré en juin 1939 sur l'île de Ventotene.
Ces années de détention ont incontestablement marqué une évolution majeure dans les convictions d'Altiero Spinelli. En effet, il va progressivement abandonner le Parti Communiste, du fait notamment des dérives totalitaires staliniennes et des purges menées à grand fracas en Union Soviétique.
C'est en 1937, selon François Saint-Ouen 1, qu'Altiero Spinelli a décidé de quitter le Parti Communiste.
Ainsi, dans son ouvrage Como he tantato 3, Spinelli écrivait que « le pouvoir totalitaire de l'Union Soviétique grandissait et continuait à grandir, avec une logique implacable ; cette tendance était présentée comme irrésistible dans les rangs communistes du monde entier ; à l'égard de Staline s'était développé, de manière aberrante, un respect obéissant, qui se transformait toujours plus en une véritable adoration. A mes yeux, quelles ressemblances avec le Duce et le Führer prenait le Velikij Vojd »
Mais ce rejet du Parti Communisme ne s'explique pas seulement par les dérives autoritaires de l'URSS de Staline et par les purges menées par celui-ci à l'intérieur du Parti, c'est-à-dire par des raisons conjoncturelles.
En effet, selon les termes de Bernard Vayssière 2, « il y [avait] à ce moment-là dans la démarche de Spinelli la recherche d'une nouvelle forme de pensée apte à satisfaire sa vision du monde ».
Comme il le confesse dans une lettre à Albert Camus du 18 mars 1945 et également citée par Bernard Vayssière 2, Spinelli souligne en effet qu'à cette époque, il a abandonné « l'optimisme historique du marxisme […] qui était sûr que l'Humanité était guidée vers des buts toujours plus élevés par la Providence […] ». « Je suis arrivé à la persuasion », écrivait Spinelli, que toute l'activité de l'homme civilisé est une construction audace (sic) et frêle au-dessus d'un gouffre qui menace de l'engloutir continuellement ».
Cette nouvelle vision du monde, sans doute plus pessimiste mais également plus réaliste, Spinelli va la trouver à la lecture d'un certain nombre d'auteurs fédéralistes britanniques des années 1930, ou encore américains de la fin du XIXème siècle : on pense ici notamment à l'un des pères de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique Alexander Hamilton. Spinelli lira notamment ces auteurs durant ses années d'emprisonnement dans les années 1930, mais sa conversion définitive au fédéralisme peut-être située à sa période d'internement dans l'île de Ventotene.
(...)
[...] Ainsi, la démarche d'Altiero Spinelli va devenir, d'une certaine manière, plus constructive car en admettant les succès des institutions déjà bâties, il se donne la possibilité d'influencer leur évolution de l'intérieur dans le sens de la construction d'un état fédéral. L'époque maximaliste du Congrès du Peuple Européen semble donc révolue. Néanmoins, Spinelli va continuer dans les années 60 à dénoncer l'un des principaux problèmes perdurant dans la construction européenne, à savoir l'absence de dimension politique à cette construction, et va tenter de proposer des solutions à cette carence. [...]
[...] S'il y a un espoir, il peut éventuellement repose sur le noyau France-Allemagne comme le qualifie Spinelli le 30 septembre 1949 dans un numéro de la revue Europa federata. Le plan Schuman Parallèlement à la mise en place du Conseil de l'Europe, dominée par une logique d'influence britannique de coopération entre les Etats se met en place, sous l'impulsion notamment de Jean Monnet et Robert Schuman, de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) dont la logique (sectorielle) est une logique d'intégration entre les états et qui va donc a priori davantage dans le sens des fédéralistes. [...]
[...] Mais la déception d'Altiero Spinelli vient également de l'attitude de la Commission européenne et de son président Walter Hallstein qui ont selon lui cédé beaucoup trop facilement aux revendications des états et notamment de la France. De cette déception naissent ou plutôt se renforcent les critiques de Spinelli vis-à-vis d'une Commission incapable de développer des liens avec la base et qui [s'est enfermé] dans une argumentation juridique et technicienne concernant la Politique Agricole Commune Autrement dit, comme le souligne François Saint-Ouen la Commission Européenne a été incapable de mener bataille sur un terrain directement politique et s'est enfermée dans des discours que l'on pourrait finalement qualifiés de technocratiques (on retrouve finalement déjà dans l'argumentaire de Spinelli certaines critiques adressées de manière récurrente à la Commission, encore aujourd'hui). [...]
[...] Mais le meilleur hommage que l'on puisse rendre à Altiero Spinelli est peut-être de ne jamais oublier ces mots qui avaient donné lieu au titre de l'un de ses ouvrages, à savoir l'Europa non cade del cielo (l'Europe ne tombe pas du ciel). Non, effectivement l'Europe ne tombe pas du ciel, et c'est grâce à des hommes comme Altiero Spinelli, dévoués toute leur vie durant à cette noble cause qu'est la construction d'une Europe pacifiée et unifiée, que l'Union Européenne s'est construite hier, qu'elle se construit toujours aujourd'hui, et qu'elle continuera à se construire demain . [...]
[...] Pourtant, les premières résolutions adoptées par les membres du Conseil de l'Europe semblaient incontestablement aller dans le sens souhaité par Spinelli, c'est-à-dire vers une Europe sinon fédérale, du moins politique. Ainsi, durant la première session de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe, le travailliste britannique Ronald Mackay et le socialiste français André Philip ont proposé un amendement approuvé par vote unanime. Cet amendement, portant sur les structures institutionnelles du Conseil de l'Europe, souligne notamment que le but du Conseil de l'Europe est la création dune autorité politique européenne ayant des fonctions limitées, mais des pouvoirs réels Pour Spinelli et les fédéralistes, il s'agit d‘une avancée importante dans l'optique de la construction d'une fédération européenne. [...]
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