Dans la mesure où après 1962, plusieurs lois et décrets d'amnistie ont été signés par l'Etat français : au fil des ans, toutes les condamnations prononcées pendant ou après la guerre d'Algérie ont été effacées, la loi de 1982, voulue par le Président Mitterrand, a même permis de réhabiliter les militaires condamnés pour crimes de sang, notamment lors du putsch d'Alger d'avril 1961, peut-on dire que le travail de mémoire a été entravé par le politique ?
Au moins quatre lois d'amnistie interdisent désormais tout recours judiciaire pour les victimes de la guerre d'Algérie. À la différence de ceux commis par Vichy, les crimes coloniaux ne sont pas qualifiés de crimes contre l'humanité ou de crimes ou guerre, si bien que personne ne se retrouvera devant un tribunal.
Le général Bigeard, par exemple, qui a été l'un des acteurs clefs de la bataille d'Alger (1957) à la tête de son régiment de parachutistes, ne peut pas être entendu ou éventuellement poursuivi devant les tribunaux. Quant au général Aussaresses, il n'a pas été condamné pour des actes de torture qu'il a lui-même revendiqués, mais pour « complicité d'apologie de crime de guerre », suite à ses écrits approuvant l'usage de la torture.
La guerre des mémoires n'a donc jamais cessé, mais elle restait recluse dans l'espace privé de la famille. Elle était cloisonnée, non assumée. La loi du 23 février 2005 qui porte reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés l'a déterrée.
[...] Néanmoins, il faut garder à l'esprit que cette peur est loin d'être nouvelle. Elle s'inscrit dans une tradition purement républicaine : la mission civilisatrice de la France envers ses territoires vierges. Beaucoup y ont cru. Le post-marxisme et le post tiers-mondisme ont permis un retour aux nostalgiques du bon temps des colonies, dessinant une régression généralisée qui n'affecte certes pas la seule mémoire coloniale. En effet, la nostalgie coloniale fait tout simplement écho à une nostalgie de la grandeur de la France, dans laquelle l'école et éventuellement l'armée intégraient, dans laquelle les hiérarchies étaient respectées et où l'on savait punir récalcitrants, délinquants et . [...]
[...] Face aux crispations de la société, il s'exprima, comme toujours, par des manifestations de xénophobie. Et puis, en 1995, avec l'arrivée au pouvoir de Jacques Chirac, les nostalgiques de l'Algérie française se sont réveillés. Avec son discours du 16 juillet 1995 reconnaissant la responsabilité de l'Etat français dans la déportation des juifs, le président Chirac a fermé la page de Vichy, mais il n'a pas ouvert véritablement celle de l'Algérie. Une nouvelle bataille mémorielle s'est engagée, l'extrême droite instrumentalisant la souffrance et la nostalgie des pieds-noirs, ouvrant petit à petit des espaces jusqu'à l'intérieur de l'UMP. [...]
[...] Groupe d'étude sur les rapatriés à l'Assemblée comprenant 57 députés (dont 6 PS) et dont les rencontres ont favorisé la formation d'une position commune des parlementaires de l'UMP concernant la loi du 23 février. Comment les élus en sont-ils arrivés à penser comme légitime et politiquement avantageux le recours à un discours de réhabilitation du passé colonial et de l'OAS ? De quelle façon, au terme de transformations, l'espace des possibles politiques s'est-il ouvert sur un propos qui était jusque-là considéré comme scandaleux ? La thèse de la minorité agissante ne permet pas de répondre entièrement à cette question. [...]
[...] Ce que peut affirmer sans faire scandale un homme politique au titre de maire excède beaucoup ce qu'il peut dire au titre de député. C'est en effet dans l'écart vécu (et souvent mal vécu) entre les injonctions contradictoires dans les rôles politiques locaux et nationaux, dans la tension forte entre l'impératif pressenti du franc-parler du maire en son fief et l'obligation formelle de la langue de bois du député à la tribune de l'hémicycle, que naît la possibilité du courtage parlementaire des requêtes des associations de rapatriés Le député va bien au-delà de la logique commémorative, abordant aux rivages escarpés de la réhabilitation officielle des condamnés de l'OAS. [...]
[...] Ainsi, la revendication d'une officialisation de la date du 19 mars a toujours suscité une opposition systématique et inflexible des associations d'anciens combattants et de rapatriés qui continuent de voir dans le 19 mars 1962 non la fin de la guerre d'Algérie mais le début de sa pire période. D'autre part, depuis les années 1990, un certain nombre fondations privées se proposent d'agir sur les opinions publiques et les pouvoirs publics des deux pays pour raviver la mémoire de certains événements et pour en revendiquer la reconnaissance par l'Etat français comme crimes contre l'humanité avec le soutien de certains historiens. Pourtant, depuis 2002, on peut observer un semblant d'amorce de politique commémorative nationale. [...]
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