Retrait ou redéploiement de l'Etat, Critique internationale, Béatrice Hibou, marchés, globalisation, décharge de l'Etat, ressources économiques
Lorsque Béatrice Hibou, diplômée de Sciences Po en 1987, rédige cet article paru dans le premier numéro de Critique internationale à l'automne 1998, elle vient d'obtenir son doctorat en économie politique à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (1995). Son objet d'étude est principalement centré autour de la problématique de la transformation de l'Etat dans les pays du sud. Relativement à cette thématique, l'auteur va ici observer les enjeux de redéfinition de l'Etat dans les pays du sud, à la lumière de leur privatisation.
[...] Ainsi, contrairement aux présupposés, la privatisation relève davantage d'un processus dynamique instrumentalisé par l'Etat et situé « au cœur du politique », entraînant une redéfinition du rôle étatique, que d'un retrait de ce dernier. Par la renégociation permanente des influences publiques et privées l'Etat entretien un brouillage des frontières lui permettant d'asseoir sa légitimité et d'organiser « un contrôle discontinu mais non moins efficace ». Ce nouvel interventionnisme étatique relève donc d'une réelle stratégie de pouvoir maîtrisée du fait d'une structure hiérarchique étatique restreinte adaptée, relevant du réseau ; que J.F Bayart qualifie d' « Etat-rizome ». [...]
[...] A terme, on pourrait alors se demander si ce n'est pas le concept même d'Etat, et l'impossibilité à s'en détacher qui nous empêche de percevoir et de concevoir d'autres modes d'organisations. [...]
[...] Par ailleurs, en s'appropriant la définition des modalités du développement, sans pour autant la maîtriser, les ONG permettent aux acteurs étatiques les mieux placés de conserver le contrôle des relations et d'orchestrer une appropriation privée des financements qui en découlent. Enfin, par l'appropriation des ressources économiques, les acteurs privés et par certains acteurs publiques disposent d'un instrument de contrôle de la relation politique. La privatisation de la coercition ainsi que le recours à la violence, dont la guerre constitue « la forme extrême », constituent alors des modes développés d'accaparement des ressources par les différents acteurs, mais également une stratégie politique qui entraine une « renégociation des espaces publics et privé ». [...]
[...] Tout d'abord, on observe une délégation du monopole de la fiscalité par contrat qui, impulsée par les bailleurs de fonds dans une optique de rentabilité est très vite poussée au-delà. Ces dépassements s'effectuent de façon bilatérale dans la mesure où les acteurs privés cherchent à étendre leurs domaines d'influence et où les logiques de privatisation permettent l'accès à des techniques modernes à moindre coût financier, mais aussi politique pour les dirigeants. C'est la raison pour laquelle le financement privatif est parfois institué comme faveur nécessaire au consentement étatique pour l'établissement d'une activité privé. [...]
[...] Les acteurs privés ou publics qui relèvent de cette nouvelle forme de gouvernementalité font dès lors intégralement partie de l'Etat et permettent à la fois son « appropriation par une masse sociale de plus en plus large » et son enracinement. La redéfinition mouvante des relations public/privé qui en découlent relèvent donc du remodelage de l'Etat et participent bien à sa formation. S'il apparaît désormais évident que ces pratiques ne peuvent plus être considérés ni comme un état déviant de l'appareil étatique, à la lumière des repères occidentaux normés, ni comme un facteur d'affaiblissement voir de dépérissement de l'Etat, l'auteur introduit elle-même les limites de son raisonnement. [...]
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