Cet article de Diane Singerman est extrait de Résistance et protestation dans les sociétés musulmanes, ouvrage dirigé par Olivier Fillieule et Mounia Bennani-Chraïbi. Ce livre étudie les mouvements protestataires dans les sociétés musulmanes (Maroc, Irak, Egypte, Iran, Palestine), et montre qu'ils ne sont pas fondamentalement différents des mouvements occidentaux. Les auteurs analysent aussi bien les résistances individuelles que les protestations organisées et visibles, les mouvements politiques que les mouvements religieux. Ils s'interrogent sur les réseaux, les espaces et les pratiques quotidiennes qui pavent les voies de la contestation. Quels sont les parcours individuels ? Comment se constituent des générations militantes ? Quelles sont les stratégies, nationales et internationales, des organisations contestataires ?
On étudie ici le chapitre 5 de cet ouvrage, intitulé « Réseaux, cadres culturels et structures des opportunités politiques. Le mouvement islamiste en Egypte » et rédigé par Diane Singerman, politiste et enseignante à l'American University de Washington DC.
Dans cet article, Diane Singerman s'intéresse plus particulièrement au mouvement islamiste égyptien. Elle veut montrer que les structures sociales sont les arènes dans lesquelles se jouent l'art de la persuasion et la mobilisation. Comment les cadres culturels ancrés dans les structures sociales et appropriés par les islamistes sont-ils diffusés dans la communauté ? Il s'agit d'interroger la relation entre espaces communautaires et cadres culturels, dans le cas du mouvement islamiste égyptien.
[...] En ce qui concerne la littérature anglo-saxonne, on avait vu qu'elle se plaçait dans le cadre d'analyse de Tarrow. Elle reprend aussi des acquis de la sociologie politique américaine, notamment sur l'importance de la structure des opportunités politiques : Tarrow, Euben, Beattie, Fandy, Mais, elle critique la déconnexion opérée entre les dimensions sociale et religieuse du mouvement islamiste. Elle reproche aux analyses occidentales, en particulier à la notion de capital social de Robert Putnam, de ne pas prendre suffisamment en compte la dimension politique des réseaux informels sur lesquels s'appuie le mouvement islamiste. [...]
[...] Comment les cadres culturels ancrés dans les structures sociales et appropriés par les islamistes sont-ils diffusés dans la communauté ? Il s'agit d'interroger la relation entre espaces communautaires et cadres culturels, dans le cas du mouvement islamiste égyptien. Méthode Diane Singerman a mené une enquête de terrain portant sur la vie d'un quartier cha'bi du Caire, entre septembre 1985 et août 1986, et qui portait sur environ 300 hommes, femmes et enfants qui travaillaient, vivaient ou fréquentaient le quartier choisi. [...]
[...] Elle sert d'institution politique pour les hommes et les femmes des classes populaires. L'État promeut son propre discours, essayant de créer un citoyen docile et malléable, mais les familles et les communautés, de leur côté, tentent de bâtir un environnement dans lequel les individus se sentent autorisés à exprimer leurs opinions et croyances. Ainsi, la tentative de l'État d'influer sur les valeurs et les normes suscite des tensions entre normes communautaires et normes officielles, marque la vie quotidienne des quartiers cha'bi : l'opposition entre une vision séculière et islamiste de la bonne vie constitue des batailles culturelles sur des questions d'importance cruciale. [...]
[...] Mais les réseaux informels ne sont pas en eux-mêmes des mouvements sociaux. Ils enracinent le mouvement social islamiste dans le terreau des communautés, en revanche le succès du mouvement dépend de changements fortuits dans les structures d'opportunités politiques, des répertoires populaires d'action collective, et des cadres culturels d'interprétation qui permettent de rassembler de larges soutiens. Les structures des opportunités politiques Diane Singerman s'appuie sur la définition de Tarrow : une série de dimensions cohérentes de l'environnement politique, qui peut encourager ou décourager les individus d'avoir recours à l'action collective. [...]
[...] Elle insiste sur le fait que ce mouvement est spécifique par sa double dimension sociale et religieuse. Réseaux informels Les réseaux sociaux égyptiens se sont développés dans un cadre de restriction de l'espace politique formel, c'est-à-dire que le gouvernement limite la liberté associative des citoyens. Les associations n'ont donc pas de statut légal et sont informelles. Ils fournissent néanmoins une grille organisationnelle aux communautés populaires égyptiennes. Ils constituent un environnement social favorable au développement du mouvement islamiste, car, dépassant les frontières de classe et de genre, ils facilitent la consolidation de sa base sociale et matérielle, offrant support et solidarité et assurant un recrutement. [...]
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