Le texte que nous allons étudier ici est un article de Fabrice Bardet, chargé de recherches à l'Étude Nationale des Travaux Publics de l'État, portant sur l'expertise dans le diagnostic des problèmes publics. "L'expertise est classiquement définie comme la production d'une connaissance spécifique pour l'action" (définition de Pierre Lascoumes).
Il apparaît que, historiquement, ce lien entre science et politique s'est réalisé très tôt, avec les premières études statistiques au XVIIe siècle, les premiers ingénieurs des ponts et chaussés (1682), la fondation de leur école en 1747 puis celle des mines en 1783. Il y a eu, enfin, l'académie des sciences, fondée en 1666, qui avait été elle-même conçue comme un laboratoire où s'articule le travail des savants avec les besoins de l'autorité publique. Ce phénomène s'est poursuivi et s'est amplifié tout particulièrement dans les années 70.
Cet article présente une nouvelle vision de l'expertise mise en place dans les années 90. Il s'agit d'une expertise qualifiée de "démocratie technique". L'expertise n'a plus comme figure centrale l'expert : au contraire, l'expert est entouré de divers acteurs, qu'ils soient politiques, particuliers ou encore professionnels. Fabrice Bardet revient pour cela sur un exemple bien précis, celui des ORT, les Observatoires Régionaux de Transport.
Nous allons ainsi nous interroger ici sur l'évolution de cette méthode d'expertise dans les années 90.
[...] L'action publique est construite collectivement, les objectifs mêmes de l'action sont négociés entre politiciens, expert et privés. Ce mode de prise de décision constituait véritablement une rupture avec l'ancien modèle technocratique». Pour autant, ce nouveau modèle de prise de décision a rapidement révélé certaines limites. Il apparaît que les ORT recrutent en grande majorité des jeunes diplômés, les effets sont assez évidents : manque d'expérience et manque d'autonomie. On note également une forte opposition entre d'un côté les ingénieurs et de l'autre les statisticiens. [...]
[...] Comme on peut le voir, dans cette situation traditionnelle de la prise de décision, on a une séparation très claire des tâches, des rôles : à l'expert de donner son avis, à l'autorité compétente de décider. Pour autant il y a beaucoup de limites à ce fonctionnement traditionnel : la définition même de l'expert reste très ambiguë, souvent son indépendance est remise en cause (difficile de rester neutre lorsqu'un enjeu est politique). Ces éléments jouent sur la légitimité même de l'expert en tant qu'individu, mais également de l'expertise en tant qu'outil d'aide à la décision. [...]
[...] Comme nous l'avons vu dans l'introduction, progressivement, nous avons assisté à une véritable évolution, amplification de son utilisation. L'expertise s'est en effet inscrite dans l'élaboration d'une politique du choix rationnel selon le modèle de Max WEBER. Elle correspondait à une nouvelle façon de gouverner où les modèles idéologiques sont devenus obsolètes. Gouverner semble ainsi consister désormais à s'entourer de compétences et d'avis fondés sur un savoir précis, une situation qui a eu pour effet de stimuler la recherche de nouveaux outils d'aide à la décision et donc de développer l'expertise. [...]
[...] Son recours a été très amplifié à partir des années 70, et ce, à cause de l'influence croissante du modèle politique anglo-saxon. Pour autant, comme nous avons pu le voir, l'expertise politique révèle de nombreuses limites. C'est pour cette même raison que se sont développées des tentatives comme celle des Observatoires Régionaux de Transport. Il apparaît selon l'analyse de Fabrice Bardet qu'elles aient été, dans ce cas précis, un échec. Pour autant, cette expérience a ouvert de nouvelles portes et laisse de nombreuses autres possibilités. [...]
[...] L'objectif était de développer une expertise économique capable de rationaliser, de rendre plus efficace l'action publique dans le domaine des transports, de réaliser le plus en amont possible de l'action publique une véritable concertation, mais surtout de lutter contre les contournements législatifs qui caractérisent ce secteur d'activité. Les ORT, dépendant du Ministère de l'Équipement, ont été installés dans l'ensemble des régions françaises en 1993 et ceci dans le cadre d'une politique nommée Contrat de progrès Il s'agit d'abord d'un lieu de concertation. Les acteurs professionnels, économiques devaient intervenir dans le processus même de la production de l'expertise. [...]
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