"Origines du totalitarisme", Hannah Arendt - "Idéologie et terreur"

Résumé du document

En 1952 Hannah Arendt entame un voyage de 4 mois en Europe. Quelques mois plus tôt, elle avait compris en lisant Montesquieu que la terreur était l'essence du régime totalitaire. Elle se met alors à rédiger un texte intitulé "Idéologie et terreur", qu'elle retravaille et publie à son retour aux États-Unis. Quelques années plus tard, c'est ce texte qui sert de base à la rédaction du dernier chapitre des Origines du totalitarisme, également intitulé "Idéologie et terreur", pour sa réédition en 1958.

Dans cet ouvrage Hannah Arendt prend position : pour elle le totalitarisme est bien un phénomène entièrement inédit, et le régime nazi aussi bien que le régime communiste peuvent être qualifiés de totalitaire. En effet, le régime totalitaire n'est pas tyrannique. Selon ces premières constations, la distinction des régimes totalitaires avec tout autre type de régime qui a existé par le passé semble être une question de rapport à la loi.

On se demandera donc en quoi la conception du droit dans les régimes totalitaires permet de voir en eux un phénomène inédit, différent de tous ceux décrits par la théorie politique jusqu'alors.

Extraits

[...] Laisser les individus libres suppose en effet de renoncer à les contrôler et d'accepter l'imprévisibilité de leurs mouvements. La liberté, source de ralentissement, s'oppose donc obligatoirement à la recherche du mouvement optimal. Ainsi pour Hannah Arendt le régime totalitaire ne fait pas qu'abolir les libertés, "il détruit le seul préalable indispensable à toute liberté, tout simplement la possibilité de se mouvoir qui ne peut exister sans espace". Dans sa quête du mouvement parfait, le régime totalitaire refuse la multiplication anarchique des individualités au profit d'un tout homogène et ordonné. [...]

[...] Les régimes totalitaires, dit Hannah Arendt, n'ont pas de principe d'action car ils n'en ont aucune utilité. "Ce dont a besoin le pouvoir totalitaire pour guider la conduite de ses sujets, c'est d'une préparation qui rendre chacun d'eux apte à jouer aussi bien le rôle de bourreau que celui de victime. Cette préparation à deux faces, substitut d'un principe d'action, est l'idéologie". On pourrait reprocher à Hannah Arendt la distance, parfois importante, entre ses théories et la réalité historique. Ainsi un auteur comme Raymond Aron parvient, à travers un ouvrage plus descriptif comme Démocratie et totalitarisme, à un résultat plus fidèle à la réalité. [...]

[...] La loi n'agit plus sur le comportement des hommes pour leur rendre intelligible le bien et le mal, mais elle agit directement sur le genre humain. Le genre humain lui-même devient incarnation de la loi. Selon Hannah Arendt, les régimes totalitaires veulent "transformer l'espèce humaine en un vecteur actif et infaillible d'une loi à laquelle, autrement, les hommes ne seraient à leur corps défendant que passivement soumis". Ainsi l'accomplissement de la loi s'affranchit de toute action ou de toute volonté humaine ; la recherche du consensus devient superflue puisque l'individu est nié. [...]

[...] "Origines du totalitarisme", Hannah Arendt - "Idéologie et terreur" Pour commencer quelques éléments sur l'auteur et le contexte de rédaction du texte étudié : Hannah Arendt est une professeur de théorie politique, juive allemande naturalisée américaine. Elle doit fuir l'Allemagne au moment de l'accession du parti nazi au pouvoir, et en 1941 elle est brièvement incarcérée dans un camp de concentration avant de parvenir à s'enfuire aux Etats-Unis. Elle est donc profondemment marquée par le phénomène nazi de par son expérience personnelle. [...]

[...] C'est en cela que le régime totalitaire se distingue, du point de vue du droit, de tous les autres régimes connus. Comme le souligne Hannah Arendt, "la politique totalitaire ne remplace pas un corpus de lois par un autre ; elle n'institue pas son propre consensus juris, elle ne crée pas une nouvelle forme de légalité". La révolution qu'elle introduit réside dans sa prétention à pouvoir se passer de tout consensus juris sans pour autant se résigner à la tyrannie. [...]