Ce texte est un texte de Marielle Debos et Alice Goheneix publié en 2005 dans la revue Raisons Internationales. Ce texte porte donc sur la question de la fabrique de « l'opinion publique internationale » par les ONG. La multiplication de grands débats sur la scène internationale et l'irruption de mouvements sociaux transnationaux, à la fin des années 1990 (Davos, manif à Seattle, etc.) ont amené les observateurs à observer le développement d'un espace de débat international qui gagne de l'importance. Des mobilisations de grande envergure comme la signature de 22 millions de personnes en faveur de l'annulation de la dette du Tiers-monde sont assimilées à l'expression d'une opinion publique internationale. Les contours de cette opinion publique internationale sont flous et il est difficile d'en trouver une définition précise car elle recoupe des réalités diverses. D'après les auteurs elle est « pensée comme l'émanation d'un débat international en gestation » et va de pair avec le rôle croissant des partenaires civils sur la scène internationale, notamment des ONG. On se concentrera ici sur les seules ONGI qui possèdent les ressources nécessaires pour avoir une influence sur le processus de décision sur la scène internationale.
[...] Or, on estime que les ONG domestiques et internationales jouent un rôle central dans tous les réseaux de défense de cause. Ce sont des professionnels de la mobilisation transnationale elles ont gagné de la crédibilité, de l'importance (plus en plus de militants, budgets de plus en plus élevés), et une reconnaissance sur la scène internationale, puisqu'elles interviennent désormais au niveau des Organisations Internationales (OMC, Ecosoc, etc . En outre, certaines grandes ONGs ont leurs propres médias, et ont développé un réseau important. [...]
[...] Les ONGs vont donc adopter et diffuser un discours propre, un cadre d'interprétation de la situation qu'elles veulent modifier. (ex art 124 CPI dénoncé selon des normes morales : transparence, responsabilité, honnêteté) Bien sûr, le partage de référents essentiel à l'émergence d'une opinion publique internationale ne signifie pas la fin des lectures locales des problèmes internationaux mais cela permet simplement de partager un certain nombre de normes et de référents permet juste partage de normes et de référents (par exemple tous les militants partagent la référence des droits de l'homme) L'invocation d'une opinion publique internationale : une prophétie auto-réalisatrice Pour les ONG, l'opinion publique internationale est un acteur du système international dont elles veulent se prévaloir pour faire pression sur les Etats, les organisations internationales et les multinationales. [...]
[...] Un argument plus pertinent pour critiquer la représentativité des ONGs est de souligner que l'opinion publique internationale qu'elles créent souffre de forts biais géographiques. Les ONGs qui participent à ce processus de fabrication de l'opinion publique mondiale doivent posséder un certain nombre d'atouts, d'attributs, de ressources humaines et financières qui sont le plus souvent l'apanage des ONGs qui ont leur siège dans les pays du Nord (conférence de RIO en 1992 : seules les ONGs occidentales ont pu s'exprimer) On l'a vu en étudiant le processus de sélection des causes par les ONGs, l'opinion qu'elles contribuent à diffuser est l'opinion majoritaire dans les pays développés : elle est le résultat de rapports de force tels qu'il en existe dans les relations entre Etats : on retrouve ainsi la prédominance écrasante des ONG occidentales : environ 2/3 des secrétariats et des militants des ONGs Internationales se trouvent dans des pays de l'OCDE En outre le public que ces ONG touchent est aussi un public vivant dans les pays occidentaux. [...]
[...] Elles peuvent alors stimuler le développement de campagnes internationales à travers des moyens très variés : boycott, marche, manif, etc . En 1998, un collectif de 1400 ONG réparties dans une centaine de pays, a organisé une Marche globale contre le travail des enfants, depuis quatre régions du globe peu avant un sommet de l'OIT à Genève. Keck et Sinkikk proposent différents outils à la disposition des réseaux transnationaux pour promouvoir leurs causes tels que l'utilisation d'actions symboliques pour créer une histoire faisant du sens dans plusieurs régions du globe, ou la possibilité de faire appel à des acteurs plus puissants, etc . [...]
[...] En affirmant l'existence d'une opinion publique internationale, les ONGs forgent celle-ci, lui donnent une réalité qu'elle n'avait pas auparavant, l'auteur parle de prophétie auto-réalisatrice. Dans le discours des ONGs, la force symbolique et politique de la notion d'opinion publique mondiale suffit à la faire exister II-Une chance pour les mouvements locaux ? L'importance de la fabrique des causes internationales L'importance de l'internationalisation des revendications locales pour celle-ci n'est pas à négliger : le schéma de l'« effet boomerang développé par Keck et sikkink montre que ce processus permet de dépasser les blocages des autorités gouvernementales. [...]
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