Lorsque Étienne Balibar cite Carl Schmitt dans un article de la revue "Les Temps Modernes", le penseur politique Yves Charles Zarka, directeur de la revue "Cités", ne tarde pas à crier au scandale. Comment, en effet, celui qui est probablement le plus célèbre penseur marxiste français vivant peut-il se référer à un auteur clairement antisémite, défenseur et même théoricien momentané du nazisme ?
De toute évidence, l'héritage du juriste et politologue allemand Carl Schmitt est pour le moins controversé. Son adhésion en 1933 au Parti National Socialiste, dont il avait pourtant recommandé l'interdiction dans les années 1920, donne lieu à une vive polémique parmi ses commentateurs. Bien qu'elle ne soit nullement l'objet de cet exposé, il est important de la mentionner pour saisir l'ambiguïté de la postérité du texte que nous allons étudier.
Son ouvrage "La notion de politique" est publié une première fois en 1928, puis remanié en 1932. Dans ce texte court et fondateur, l'auteur livre sa définition du politique. Elève du grand théoricien Max Weber, Carl Schmitt se démarque alors de son maître en ce qu'il dissocie le politique de l'Etatique. Il voit en effet dans l'Etat une forme historique et provisoire du politique, l'essence de celui-ci se trouvant dans la perspective de la violence.
[...] Dans le chapitre IV de La Notion de Politique, l'État, forme de l'unité politique, remise en question par le pluralisme Carl Schmitt revient sur les différentes théories pluralistes qui, réalisant l'importance des acteurs économiques, ont critiqué les conceptions métaphysiques de l'État. Il cite d'abord le juriste français Léon Duguit (1859-1928), pour qui l'État n'est qu'une modalité politique, et qui écarte les notions de souveraineté ou de personne morale. Schmitt explique que pour lui, ces visions de l'État ne sont que des résidus de l'absolutisme princier. [...]
[...] "La notion de politique", Carl Schmitt (1932) - étude des chapitres IV et V Lorsque Étienne Balibar cite Carl Schmitt dans un article de la revue Les Temps modernes, le penseur politique Yves Charles Zarka, directeur de la revue Cités, ne tarde pas à crier au scandale. Comment, en effet, celui qui est probablement le plus célèbre penseur marxiste français vivant peut-il se référer à un auteur clairement antisémite, défenseur et même théoricien momentané du nazisme ? De toute évidence, l'héritage du juriste et politologue allemand Carl Schmitt est pour le moins controversé. [...]
[...] C'est le conflit avec l'ennemi qui fonde l'existence même de l'État. Ce n'est pas lui qui crée le regroupement en vue des hostilités, mais le regroupement en vue des hostilités qui le crée, et qui fortifie le peuple dans son identité. Pour certains lecteurs critiques de Schmitt, sa théorie pose un problème fondamental : l'État, dans une logique schmittienne, a tout intérêt à se désigner un ennemi, puisque d'une certaine manière, faire en sorte que l'on ait un ennemi, c'est se rendre sûr d'être un État. [...]
[...] Cette conception conduit nécessairement à écarter toute vision du politique qui le réduirait à l'administration des choses. En aucun cas le politique ne peut renoncer à sa dimension polémique, qui constitue son essence même La souveraineté métaphysique de l'État comme artifice théorique Cette définition du politique détonne dans le cadre d'une pensée politique allemande qui, depuis le XIXe siècle, avait eu tendance à assimiler le politique et l'étatique, notamment dans le cadre de la doctrine de la souveraineté de l'État. [...]
[...] C'est là que la théorie pluraliste devient insuffisante. En effet, elle conduit soit à penser l'unité de l'État par fédération de groupes sociaux, soit à prophétiser la désintégration de l'État. Carl Schmitt reproche aux penseurs du pluralisme de ne pas s'être interrogés sur la raison pour laquelle, entre toutes les associations religieuses, culturelles, économiques, les hommes continuent à constituer des états, et sur la signification spécifiquement politique de ceux-ci. Par ailleurs, il critique les multiples origines épistémologiques du pluralisme, dénué d'un présupposé central et fondateur, nécessaire à toute théorie de l'État, qui serait une conception du politique. [...]
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