Dès l'introduction, l'auteur nous prévient que deux forces antagoniques traversent le modèle politique français : une abstraction, une idée d'une « culture politique de la généralité » issue de la révolution qui s'apparente au « Jacobinisme » et la réalité, celle de plusieurs facteurs qui ont nécessité des entorses à ce modèle. C'est à ce titre que P. Rosanvallon peut parler, « derrière la façade rhétorique immuable de l'État Jacobin, d'un État rationnalisateur corporatiste autrement plus complexe. » Cette réalité prend forme, principalement, dans l'existence des corps intermédiaires qui permettent une cohésion sociale plus forte, une gouvernabilité plus efficace et qui traduisent une volonté de liberté. Ainsi, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 se trouve à l'opposé sur l'échelle idéologique de la loi sur les syndicats le 21 mars 1884 et de la loi sur les associations en 1901. Tout l'objet de cet ouvrage sera de démontrer comment ces deux forces ont réussi, au fil du temps, à se rapprocher, voire à se réconcilier. L'histoire du « Jacobinisme français » de 1789 à nos jours, prônant « la généralité », qui se décline sous de multiples formes : centralisation, suprématie de la loi, haine des corps intermédiaires, est celle d'une acculturation permanente pour être en phase avec les réalités politiques, économiques et sociales de la nation. La prise en compte de ces nécessités atteint son paroxysme avec le vote des lois de 1884 et de 1901.
[...] Dans une deuxième partie, l'auteur va confronter cette utopie de la généralité aux réalités politiques, économiques et sociales de la nation sous la monarchie de juillet. La réalité impose déjà un impératif de gouvernabilité. En effet, dans la pratique, il y a une remise en cause du bien-fondé de la suppression des corporations dès les années 1800 : en et 1821. L'argument principal, comme celui d'un Levacher- Duplessis est celui d'une nécessité de réglementation ne nombreuses professions dans un double souci hygiéniste et de protection de la consommation. [...]
[...] Il y a une réduction de l'écart tant juridique que sociologique entre la forme syndicale et le format associative. Il y a en effet, un développement d'associations auxiliaires dans le but de décongestionner l'Etat. Après 1968, le monde de l'association est vu comme un monde dynamique. Il y a un véritable enthousiasme pour le phénomène associatif (René Lenoir, Bloch-Lainé). Malgré le peu de réformes et l'absence d'un changement majeur du statut des associations depuis 1901, la reconnaissance du rôle des associations se fait au fur et à mesure : loi sur le handicap en 1975, en 1988 avec la création du RMI, en 1990 avec la loi sur le logement, en 1998 à l'occasion de la lutte contre l'exclusion, il y a une universalisation d'une forme pensée en 1884 comme une exception. [...]
[...] L'Eglise, dit de façon très représentative Jules Roche, un proche de Clemenceau, est un Etat, c'est-à-dire une vaste société dirigée par un pouvoir organisé, un corps politique ayant ses lois propres, ses fonctionnaires hiérarchisés et d'un dévouement sans borne, son budget aux milles sources, ses corporations thésaurisâtes qui absorbent toujours et ne rendent jamais, son souverain tout-puissant obéi par-dessus les frontières, et ce formidable pouvoir est en contradiction irréductible avec les principes essentiels de la société moderne. [ ] Contre lui, la France n'est pas moins en état de légitime défense qu‘elle le serait contre tout autre empire en guerre déclarée. P. Rosanvallon ajoute que la vision française de la laïcité doit être comprise dans cette perspective. Elle ne procède que de manière dérivée d'un sentiment anticlérical, c'est d'abord une conception de la souveraineté morale et politique qui la fonde. [...]
[...] Elle forme une sorte de chaîne continue entre les plus hautes autorités et les plus basses. Grâce à ce mode d'organisation, la loi s'applique partout et en même temps : c'est un impératif d'égalité. Selon Vital-Roux, le libéral Etatisme est le plus efficace. Pour contrecarrer les arguments en faveur du rétablissement des corps intermédiaires, bien qu'il y ait nécessité à une réglementation, il y a l'idée que les signaux du marché sont plus efficaces et moins coûteux que l'organisation des corps intermédiaires. [...]
[...] Rosanvallon a expliqué le long cheminement de 1789 et de la loi Le Chapelier à nos jours où syndicats, associations et plus généralement corps intermédiaires sont reconnus. Ce Jacobinisme amendé est bel et bien une combinaison, un équilibre entre généralité et particularité, entre égalité et liberté. Un autre point mérite une attention particulière. A la fin de son ouvrage, l'auteur explicite la dichotomie existante entre la réalité du modèle politique français et la façon dont il est perçu, la dichotomie entre l'organisation Jacobine et la culture politique ambiante. [...]
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