Prononcé par Jean-Pierre Chevènement le 29 janvier 1991, ce propos marqué par une familiarité presque théâtrale a le mérite d'être clair : le ministre est cantonné à un rôle d'exécutant. Faut-il comprendre dans ce propos l'idée que par la démission le ministre, qui par là même ne l'est plus, retrouve une forme de liberté propre à lui permettre justement « d'ouvrir sa gueule » ?
En outre, le propos de Monsieur Chevènement a-t-il une portée plus générale qu'il n'y paraît au demeurant et s'étend-il ainsi au Premier des ministres à l'égard du Président de la République et ou du Parlement ? La question de la faculté d'opposition et de discussion de la part des ministres à l'égard des directives ou décisions « venues d'en haut » soulève bien des interrogations auxquelles il nous faudra réfléchir.
Il est important de fixer une fois pour toutes ce qui a motivé une telle déclaration de la part de J.P. Chevènement ce 29 janvier 1991 puisqu'elle apparait surprenante d'autant qu'il s'y voit indubitablement une perspective autotélique. C'est en fait sa ferme opposition à l'engagement de la France aux côtés des Etats-Unis dans la guerre du Golfe pour libérer le Koweït envahi par l'Irak de Saddam Hussein qui en est à l'origine. Ce propos concerne ainsi sa propre démission du gouvernement Rocard II (1988-1991).
[...] Il décide de cette manière qu'elles seront les dépenses des différents services du ministère : ceci en fait un contrôleur de leur activité et un chef effectif de son administration. S'agissant du premier ministre, la question est plus délicate. En effet, l'Etat sous la Ve République est marqué par l'existence d'une dualité au sommet. Le Président de la République constitue la personnalité la plus éminente de cet Etat et dispose de pouvoirs considérables mais le premier ministre dispose seul en principe du pouvoir de diriger la politique de la Nation. [...]
[...] Il y a avant toute chose le premier ministre : il est le chef du gouvernement nommé par le Président de la République chef de l'exécutif. Ses fonctions et attributions sont prévues à l'article 21 de la Constitution. Il peut arriver que soient nommés au gouvernement des ministres d'Etat, ils jouissent alors d'une forme de prééminence protocolaire pour reprendre l'expression de Philippe Ardant, mais leur fonction et leurs attributions sont les mêmes que les ministres à portefeuille. Les ministres à portefeuille justement correspondent à la catégorie classique des ministres, ces personnes sont assistées par un Cabinet et doivent gérer, sous le regard du premier ministre, un domaine de l'administration d'Etat (finances, agriculture, affaires étrangères par exemple). [...]
[...] Dire que le ministre ferme sa gueule ou démissionne c'est formuler l'idée selon laquelle, s'il en vient à ne plus cautionner les directives du gouvernement en la personne du premier ministre, qu'ainsi il en vienne à les contester ou à compromettre les tâches qui lui ont été confiées, il n'a d'autre choix que de démissionner. En somme, le ministre ne peut s'installer dans un rapport d'opposition avec les ordres qu'il reçoit, pire encore avec celui dont il les reçoit : le cas échéant, le renoncement aux fonctions est la seule issue possible. [...]
[...] A titre d'exemple, s'agissant du premier ministre, Jacques Chirac a donné la démission spontanée du gouvernement à Valery Giscard D'Estaing. Dans les faits une telle situation est rarissime. C'est en effet la démission forcée qui s'entend comme un désaveu suivi d'une révocation qui prédomine lors même que la Constitution ne prévoit pas ce pouvoir dans les attributions du chef de l'Etat. Ainsi en 1962, Michel Debré est relevé de ses fonctions de premier ministre à la demande du Général de Gaulle. [...]
[...] Le ministre, chef de son département administratif Le ministre doit disposer d'une liberté d'action pour mettre en œuvre des politiques publiques. Il ne peut être chaque fois bridé, pourtant, et c'est là que se joue la difficulté, il doit agir en conformité avec les directives. Il dispose donc d'un certain nombre de pouvoirs qui échappent au contrôle préventif du chef du gouvernement ou du Président lorsque ledit ministre n'est autre que le premier ministre. Le ministre est chef de l'administration soumise à son autorité : il est le chef de son ministère. [...]
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