À l'occasion du centenaire de Mariátegui en 1994, s'est tenu en France un colloque qui lui était consacré. Le premier intervenant rappelle que José Carlos Mariátegui a été le véritable fondateur des sciences sociales et politiques en Amérique latine. Cet intellectuel péruvien a beaucoup écrit sur la France et pourtant son nom et son oeuvre y demeurent inconnus.
Dans sa jeunesse, une mauvaise fracture à la cheville lui a valu d'être soigné par un médecin français dans un établissement religieux. Immobilisé pendant quatre années, il acquiert une solide culture grâce à son goût des livres. Il maîtrise le français. Adolescent, il entre dans le journalisme comme chroniqueur hippique.
Avec des amis poètes, il s'amuse à provoquer la bourgeoisie liménienne en mettant en scène un spectacle avec une danseuse dans un cimetière, en 1917. Ses articles en faveur de la diminution du budget des armées lui valent d'être agressé deux fois par des militaires. En 1919, le dictateur Leguía ferme le journal La Razón pour lequel il travaille et le force à quitter le Pérou.
Mariátegui passe trois années en Europe. En France, il rencontre Henri Barbusse et Romain Rolland. En Italie où il reste deux années, il assiste aux occupations d'usine en 1920, au Congrès de Livourne du Parti socialiste au terme duquel, après une scission naît le Parti communiste. Il voit la montée du fascisme. Le philosophe Benedetto Croce l'initie à la pensée marxiste.
[...] Autrefois les théologiens de l'école de Salamanque avaient proclamé les droits de l'Indien. Les ecclésiastiques du XXe siècle n'ont même plus cette ambition, ils sont d'ailleurs débordés par les adventistes. Il dénonce aussi ce qu'il nomme le prêche humanitaire des sociétés antiesclavagistes qui ont dénoncé les crimes des colonisateurs. Il est inutile d'espérer apitoyer les oppresseurs au point qu'ils reconnaissent les droits des opprimés. Les discours humanitaires ne gênent en rien les impérialistes. La solution de la question indienne par l'école et l'éducation est une illusion pédagogique dans un tel contexte économique. [...]
[...] "Mariátegui à livre ouvert", Roland Forgues, Colloque de Talence, avril 1994 Schéma de l'évolution économique. Après la période coloniale, les bases économiques de la République Caractères de l'économie péruvienne en 1928, après la période du salpêtre et du guano. II) Le problème de l'Indien Un éclairage nouveau. Faillite des religieux, faillite du prêche humanitaire, faillite de l'illusion pédagogique. III) Le problème de la terre Persistance de structures anciennes. L'impuissance de la République libérale Bibliographie - Forgues Roland, Mariátegui à livre ouvert (Colloque de Talence, avril 1994). [...]
[...] Il dénonce avec fermeté le concept de race inférieure, voilé derrière l'argument ethnique. L'indépendance est un fait politique qui n'a en rien amélioré la condition des Indiens. Elle a été le fait des colonisateurs et n'a pas modifié l'infrastructure de l'économie coloniale. La question indigène trouve ses racines dans le régime de propriété de la terre. Mariátegui dénonce le gamonal, le grand propriétaire terrien au comportement de seigneur local auquel les représentants de l'État, juges, sous-préfets, percepteurs sont inféodés. Il s'ensuit que les paysans sont contraints au travail gratuit et forcé. [...]
[...] C'est avec le Pérou que les échanges commerciaux ont été les moins intenses en raison de l'éloignement géographique par rapport à l'Europe. Caractères de l'économie péruvienne en 1928, après la période du salpêtre et du guano À l'époque coloniale, les richesses tirées du Pérou par l'Espagne étaient l'or et l'argent. Le guano et le salpêtre dont le trafic était contrôlé par les Britanniques ont constitué une manne fiscale pour la République. Une classe capitaliste s'est constituée à partir de l'exploitation de ces richesses d'autant plus faciles à exporter qu'elles étaient proches du littoral. [...]
[...] Mariátegui pense que la solution libérale qui consisterait à morceler les latifundia n'est pas adaptée au cas péruvien en raison de la survivance éléments de socialisme pratique dans l'agriculture. Il évoque les œuvres collectives de la période précolombienne (canaux d'irrigation, cultures en terrasses) ainsi que la propriété collective des champs. Il parle d'un communisme inca dont les ayllus sont les cellules de base. Les ayllus étaient de petites communautés rurales composées de plusieurs familles. À l'époque inca, la circulation des produits s'organisait selon un principe de réciprocité entre communautés. [...]
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