La cause ne dispose pas dans le code civil d'une définition précise. Elle figure pourtant dans l'article 1108 où il est précisé que sans « cause licite dans l'obligation », une convention n'est pas valide, dans l'article 1131 qui pose que l'absence de cause ou une cause illicite est sans effets et enfin dans la'rticle 1133 qui précise qu'est illicite une cause contraire à l'ordre public ou au bonnes mœurs. Les rédacteurs nous renseignent donc sur le rôle de la cause (rôle tellement important que l'absence de cause ou la cause illicite provoque l'annulation du contrat) mais pas sur la nature de celle-ci. On ne dispose pas, comme par exemple pour définir l'objet (article 1127, 1128 et 1129) d'article exprimant ce qu'est ou n'est pas la cause. La seule chose qui s'impose par logique est que la cause est « l'intérêt du contractant au contrat » (Carbonnier, les obligations, n°16). Comme souvent, cette notion si floue fut l'objet de bien des débats pour en déterminer le sens et la fonction. Il en résulte que furent rapidement projeté sur cette notion des définitions et des concepts assez divers. Xavier Lagarde insiste d'ailleurs saur l'intensité des efforts doctrinaux déployer pour obtenir un consensus sur la cause1. Il est évident que ce mélange détonnant entre la sanction de nullité qui y est suspendue et la faiblesse de contenu de la notion a favorisé sa prise en main par les juges qui y ont sans doute vu un expédiant, un instrument fort utile pour mieux contrôler ce qui se fait à l'intérieur du contrat. La cause est un moyen idéal car elle contient un potentiel de forçage. Dans l'article 1108, la validité du consentement et la capacité de celui s'engage sont des conditions de validité formel qui ne permettent pas de voir « dans » le contrat. En revanche, l'objet est déjà un élément concret du contrat dont les juges n'ont pas mis longtemps à utiliser le potentiel de forçage (indétermination du prix). Pourtant, c'est avec la cause/les causes que les juges vont avoir la possibilité de pénétrer, d'intervenir le plus profondément dans le contrat sans doute guidés par un idéal de justice contractuelle et d'équilibre des prestations. La cause partage avec l'objet un certain flou de définition qui a poussé la doctrine à adopter une conception dualiste dans les deux cas. Et de la même manière que l'objet du contrat a servi à évaluer la licéité de l'objet, la cause du contrat est utilisée pour évaluer la licéité de la cause. Et inversement : l'objet de l'obligation a servi à vérifier l'existence de l'objet comme la cause de l'obligation a servi à évaluer l'existence de la cause. Pourtant l'instrumentalisation de l'objet a eu des limites : si la notion d'objet du contrat a permis de déclarer illicite un contrat portant sur un objet licite (le commerce d'organe), elle est impuissante pour évaluer des finalités cachées mais contraires à l'ordre public. De même, la notion d'objet de l'obligation a permis dans un premier temps de sanctionner l'indétermination du prix mais la Cour de Cassation y a par la suite renoncé devant les ravages que cette notion causait à la sécurité juridique. Il semblerait donc que pour compléter le contrôle permis par l'objet, les juges se soient tournés vers la cause.
Comment les juges et certains auteurs ont-ils voulu instrumentaliser la cause et dans quels buts ? A quelles limites l'instrumentalisation et plus généralement la théorie de la cause se sont-elles heurtées ?
On verra dans un premier temps que ce sont les insuffisances de la conception traditionnelle de la cause qui ont rendu possible l'instrumentalisation (I) puis, dans un second temps, que les excès de cette instrumentalisation ont poussé la doctrine à remettre en cause de manière radicale les conceptions contemporaine de la cause (II).
[...] Mestre, RTD com Les grands arrêts de la jurisprudence civil, les obligations n°157, Civ 1er 7 octobre 1998 Les grands arrêts de la jurisprudence civile, les obligations n°156, Com octobre 1996 Daniel Cohen, JCP 1997, II et Sériaux, D cités dans obs. arrêt Com octobre 1996, précité, n°10 C. Mouly, RJDA et sp. n°29 cité dans obs. Chronopost Xavier Lagarde, Sur l'utilité de la théorie de la cause Recueil Dalloz 2007 n°11 D. Mazeaud, La protection par le droit commun, in Les clauses abusives entre professionnels p.45, cité dans l'obs. de l'arrêt Chronopost D. [...]
[...] Capitant, F. Terré et Y. Lequette, 155 (Civ. 1re 12 juillet 1989), 156 (Com octobre 1996) et n°157 (Civ. 1re 7 octobre 1998), Les grands arrêts de la jurisprudence civile, II, 11e ed.,Dalloz Rémy Cabrillac, Droit des obligations, 7e éd. Dalloz Xavier Lagarde, Sur l'utilité de la théorie de la cause Recueil Dalloz 2007 p et s. J. Ghestin, L'absence de cause de l'engagement : absence de la contrepartie convenue La semaine juridique Edition Générale, octobre G. [...]
[...] L'arrêt du 12 juillet 1989 reprend ces conditions en décidant que la clause impulsive et déterminante de ce contrat étant illicite (en l'occurrence, l'ouverture d'un cabinet de divination, activité illicite selon l'article R.34 du code pénal) et que le cocontractant ne pouvait l'ignorer ce mobile illicite. Cette dernière condition était une constante de la jurisprudence depuis un arrêt du 4 décembre 1956[4]. Il ne doit pas forcément s'agir d'un projet illicite commun mais au moins connu de l'autre contractant. La doctrine a sévèrement critiqué ces conditions. Tout d'abord, la notion de mobile déterminant n'a pas remporté l'unanimité. [...]
[...] Pal Flour et Aubert, n°275 Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Les obligations Civ. 1re 7 octobre 1998, op. cit. J. Ghestin, La formation du contrat, 3e ed., n°895 Civ. 1er 3 juillet 1996, D note Ph. Reigné D. Mazaud, Defrénois B. [...]
[...] A l'inverse, prendre en considération la raison lointaine revient à retenir une cause subjective, variant pour chaque type de contrat, d'un contractant à l'autre. La première, du fait de son immédiateté est la cause de l'obligation (recevoir le prix oblige le vendeur à mettre la chose à disposition de l'acheteur et inversement) et la deuxième, puisqu'elle rend compte d'une vision plus finaliste du contrat est appelée cause du contrat. Devant le constat de cette coexistence rendue possible par les textes, le débat a été de savoir laquelle des deux solutions était la plus efficace ou la moins partielle pour rendre compte de la licéité de la cause (article 1108) et de son existence (article 1131). [...]
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