Florent Guénard est normalien, philosophe, spécialiste de la philosophie du XVIIIème et en particulier de Jean-Jacques Rousseau. Au regard des articles qu'il leur a consacrés à lui et à son oeuvre, et des multiples références aux auteurs que nous avons déjà abordés, notamment le Capitalisme, Socialisme et Démocratie de Joseph Schumpeter, on pourrait penser que Guénard viendrait "boucler la boucle" de ce séminaire. En s'interrogeant sur les difficultés de la théorisation de la démocratie (donc sur le problème de sa définition en tant que concept), et sur sa promotion tant scientifique que politique, l'auteur vient mettre en lumière une problématique essentielle à l'étude contemporaine de la démocratie, au regard des différentes stratégies politiques qui rythment la vie politique internationale notamment depuis la moitié du XXème siècle. Mais pour étudier la promotion de la démocratie, l'auteur s'est avant tout interrogé sur ce que l'on entend d'abord par démocratie.
La promotion de la démocratie, ce serait sans doute l'étape ultime du déroulement de la pensée politique, comme l'exportation le dernier maillon de la chaîne d'un produit. Cependant Guénard évoque également "l'impasse théorique" que cette promotion implique, et propose ainsi d'emblée un problème insoluble. Une impasse, c'est évidemment un problème inextricable, mais c'est d'abord au sens strict une voie sur laquelle on s'engage, ici celle de la théorisation de la démocratie, qui serait dès lors un concept à part entière et non plus simplement l'interprétation que chacun peut en faire.
Si on peut constater que la démocratisation est étudiée selon un mode transitologique, c'est également le cas en ce qui concerne l'étude de la démocratie et sa promotion. En effet, Guénard met ici en avant l'évolution et les ajustements que connaissent les democratization studies depuis leurs origines. Si l'auteur a choisi une progression chronologique dans ce raisonnement, on peut ici essayer de lui préférer une approche plus dialectique, en mettant tout d'abord en avant les difficultés de la mise en place d'une idéologie démocratique à part entière, au regard de l'analyse de l'évolution du Journal of Democracy. Enfin, on pourrait considérer la mise à jour de certains critères propres à qualifier une démocratie et des limites qui en incombent, au regard de l'évolution des democratization studies depuis plus de deux décennies. (...)
[...] On en revient donc toujours au problème de la définition de la démocratie, qui reste le cœur, même en filigrane, de l'ensemble de la recherche proposée en particulier par le Journal of Democracy. * Finalement, il reste encore une fois à définir la démocratie, preuve sans doute qu'il est aporétique, pour reprendre l'adjectif même que Guénard utilise, de prétendre faire de ce «régime» ou de cette «valeur» un objet aisément manipulable au point d'en faire un étendard, ou un standard. [...]
[...] La science politique est donc mise à profit, et utilisée pour promouvoir la démocratie, mais également l'étendre, la consolider, la développer, au regard de la périodisation que les auteurs du Journal of Democracy ont pu en faire, et de sa construction dans de multiples pays, ou Etats, bien que justement la notion «Etat démocratique» soit ici problématique. Travailler à la science de la démocratie, ce serait avant tout faire de la politique, et faire du militantisme. Pour reprendre les termes de Hannah Arendt dans Idéologie et Terreur, «l'idéologie est exactement ce qu'elle prétend être : la logique d'une idée». La logique de l'idée démocratique (pour ne pas parler d'idéal démocratique) ici défendue est donc celle de l'Occident libéral, quelque peu motivé par la perspective de l'extension de son régime démocratique à un maximum d'Etats. [...]
[...] Aussi, s'il n'y a pas de démocratie sans Etat démocratique, comme s'interroge Guénard, il semble difficile de pouvoir analyser transition et consolidation démocratique. Charles Tilly propose lui une définition de l'Etat moderne, comme support standard de la démocratie. Ce serait «une organisation qui contrôle la population occupant un territoire défini est un Etat dans la mesure où : il se différencie des autres organisations intervenant sur le même territoire ; il est autonome ; et chacune de ses divisions est coordonnée avec une autre»[10]. [...]
[...] En considérant les bienfaits d'un calque démocratique dans de nouvelles régions, se posent les problème de l'absence de culture démocratique et de légitimité des régimes importés. On peut définir ainsi cette dernière : légitimité de l'auto gouvernement se manifeste dans une société par l'acceptation inter-sociétale, le libre dialogue public, la coexistence paisible mais active [ ] et l'absence d'insurrection»[6]. La routinisation et l'internalisation des normes démocratiques sont donc particulièrement importantes, d'autant plus qu'à l'instar de Linz et Stepan, on pourrait considérer que fait qu'une majorité de citoyens attendent que les règles démocratiques restent en place fonctionne comme une prophétie auto- réalisatrice»[7]. [...]
[...] La promotion de la Démocratie : une impasse théorique ? - Florent Guénard Florent Guénard est normalien, philosophe, spécialiste de la philosophie du XVIIIème et en particulier de Jean-Jacques Rousseau. Au regard des articles qu'il leur a consacrés à lui et à son oeuvre, et des multiples références aux auteurs que nous avons déjà abordés, notamment le Capitalisme, Socialisme et Démocratie de Joseph Schumpeter, on pourrait penser que Guénard viendrait boucler la boucle de ce séminaire. En s'interrogeant sur les difficultés de la théorisation de la démocratie (donc sur le problème de sa définition en tant que concept), et sur sa promotion tant scientifique que politique, l'auteur vient mettre en lumière une problématique essentielle à l'étude contemporaine de la démocratie, au regard des différentes stratégies politiques qui rythment la vie politique internationale notamment depuis la moitié du XXème siècle. [...]
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