Aux détracteurs de Martin Luther King qui s'inquiétaient qu'il proclame l'obéissance à certaines lois et l'infraction à d'autres, Martin Luther King apportait la précision suivante : « Il existe deux catégories de lois : celles qui sont justes et celles qui sont injustes. Je suis le premier à prêcher l'obéissance aux lois justes. L'obéissance aux lois justes n'est pas seulement un devoir juridique, c'est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes. J'abonderais dans le sens de saint Augustin pour qui «Une loi injuste n'est pas une loi ». Cette situation est sans doute la plus redoutée par les juristes : pourquoi conserver une loi si elle est injuste ? Pire, comment l'appliquer ? Comment punir ceux qui l'enfreignent si on ne peut la justifier ? Moralement, on ne peut pas, aussi la réponse devient évidente : il faut à nouveau légiférer pour soit la supprimer, soit l'améliorer, soit encore changer totalement le système.
C'est ce que nous montre ici Madame Simone Veil. Ministre de la Santé du gouvernement de Jacques Chirac en 1974, elle prononce ici un discours, poignant, mais certainement pas dénué de toute la logique et de rigueur reconnue à cette ancienne magistrate. L'objet de ce discours est de présenter le projet de loi qui réglemente l'interruption volontaire de grossesse.
Ce texte fait écho aux « Manifeste des 343 avortées » en 1973, qui reconnaissaient avoir eu recours à l'avortement, auquel s'étaient déjà joints 252 médecins. Le « Manifeste des 331 » était rédigé par 331 médecins qui demandent leur inculpation pour avoir pratiqué des avortements, et qui écrivaient alors : « Décider si l'avortement est ou non un crime du ressort de la liberté individuelle ». Face à des citoyens qui veulent qu'on leur rende une dignité juridique et légale se trouve le blocus de nombreux députés français irrémédiablement contre une loi autorisant l'IVG.
[...] Honneur de cette femme, de ces hommes qui ne veulent pas contourner la loi, mais qui n'ont pas le choix. C'est donc à eux, parlementaire de leur offrir le bon choix. Ces hommes et ses femmes qui agissent illégalement ne sont pas de dangereux criminels, ils ne sont pas qui l'on croit qu'ils sont. Qui sait peut être s'agit-il d'une amie, d'une voisine ou d'une sœur qui est contrainte de s'exiler pour avoir recours à l'IVG. À moins que cela ne soit un parent, un homme respectable et respecté qui en secret pratique des IVG sur ses patientes ? [...]
[...] L'oratrice mise donc sur les valeurs et principes de la République : la justice, mais aussi la volonté des citoyens que l'on se doit en tant que membre du gouvernement ou du parlement de respecter. Il s'agit d'utiliser la logique, la raison, qui risque de toucher plus efficacement l'auditoire que si l'on avait là un discours d'une femme émotive. L'émotion est là certes, mais avant tout, il s'agit de raison. On a là un raisonnement déductif basé sur l'Humanité le Progrès et l'Efficacité ainsi que bien entendu l'argument clef pour défendre un projet de loi : la justice. [...]
[...] Éthos de l'auditoire, configuré par l'orateur. L'oratrice apostrophe les députés dès les premiers termes : Monsieur le président, Mesdames, Messieurs Ceci parait logique pour un discours à l'assemblée, bien que l'on puisse voir dans le choix de ne pas employer le mot député une humanisation de l'auditoire : des hommes et des femmes qui auront à décider humainement. Elle reprendra ensuite aux élus de la nation Il s'agit là de leur rappeler leur mission, ils sont là parce que la nation l'a voulu, ils doivent s'en rendre dignes, et faire des choix en conséquence. [...]
[...] C'est donc avec toute l'humilité du monde un profond sentiment d'humilité qu'elle intervient. Cette façon modeste de parler lui permet de gagner au possible une certaine sympathie de l'auditoire. Et le fait de le mettre en début ne fait que flatter l'ego de l'auditoire dont on sait qu'il n'est point très modeste et qui apprécie ce genre de commentaire qu'il considère déjà comme vrai. Pourtant sa façon de parler, sa prestance, les mots choisis, mais aussi sa réputation ainsi que son autorité (n'est-elle pas membre du gouvernement ? N'est-elle pas ministre ? [...]
[...] Comment rendre compte sinon de l'humanisation nécessaire pour voter cette loi ? Et pour ce faire l'oratrice n'hésite pas à utiliser de nombreuses techniques. Pour commencer, on peut signifier la présence de nombreuses questions oratoires. Des questions de rhétoriques, des questions structurées dans l'argumentation comme nous l'avons vu, mais qui a l'avantage en plus de conduire l'auditoire à la réponse voulue par l'oratrice à rythmé le discours, lui donner du souffle, sans pouvoir offrir la chance aux autres de couper lui couper la parole. [...]
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