Le 14 juillet 1915 demeure dans l'histoire française une journée marquée par la symbolique républicaine. Pour la première fois, les troupes françaises défilent sur les Champs Elysées pour célébrer la fête nationale qui a lieu chaque année depuis sa consécration en 1880.
La fête nationale commémore d'abord le 14 juillet 1789, date de la prise de la Bastille qui est considérée comme la première journée révolutionnaire et marque la victoire du peuple de Paris contre un symbole de l'Ancien Régime. Depuis le début de la Première Guerre mondiale, l'accent est mis sur le caractère patriotique et militaire de la manifestation afin de prouver la grandeur de la France, mais aussi de commémorer les victimes du conflit. Ensuite, c'est le 14 juillet 1915 que les cendres de Rouget de Lisle sont transférées aux Invalides, symbolisant ainsi l'importance accordée à la Marseillaise, sa principale œuvre. Ce chant révolutionnaire a été officiellement adopté en 1879 comme hymne national. Il s'agit avant tout d'un hymne à la liberté et à l'unité française malgré les difficultés. Il semble donc que le choix de cette journée par le président de la République pour prononcer un discours politique d'importance ne soit pas un hasard.
[...] Dès les premières phrases de son discours du 14 juillet 1915, Raymond Poincaré insiste sur le statut de victime de la France dans son conflit. En effet, pour lui, la France n'a jamais voulu la guerre et ne l'a jamais encouragé. Au contraire, c'est une nation humble, restant sourd face aux provocations, et dévoué aux autres, ne cherchant pas à nuire à ses voisins. Elle s'est présentée comme une grande nation pacifiste, rejetant tout conflit et prônant les valeurs républicaines et démocratiques. [...]
[...] De même, on constate une exacerbation du sentiment national dans tous les pays européens rendant la guerre inévitable. Pour Poincaré, la France n'a rien à se reprocher, car elle a toujours soutenu la paix et des valeurs justes, mais elle est la victime des volontés impérialistes de l'Allemagne et de ses complices. Après avoir analysé les causes de la guerre, le président de la République concentre son discours sur le conflit en cours. En tant que chef des armées, il insiste sur les motivations, l'objectif à atteindre et les méthodes à mettre en œuvre pour y parvenir. [...]
[...] Toujours penser à la France, voilà le premier et le dernier mot de la République déclare-t-il alors. Poincaré-la-Guerre ce surnom donné d'abord par les communistes lui restera. Président du Conseil de janvier 1912 à janvier 1913 puis président de la République dans la foulée, il est aux affaires pendant toute la guerre, et on l'a longtemps jugé responsable de la montée des hostilités avec l'Allemagne. Cependant ce patriotisme ne fait aucun doute. Lorrain d'origine, il est hanté par le souvenir de la défaite et de l'occupation de 1870. [...]
[...] En effet, un an après le début du conflit, des voix critiques commencent à s'élever. L'époque où les sensibilités politiques se sont unies momentanément pour la cause nationale s'éloigne. Les gouvernements sont accusés d'incapacité à résoudre le conflit, élément révélateur d'une inquiétude. Poincaré demande aux Français à ne pas croire aux mauvaises nouvelles à propos de la guerre et qui ne sont que des tentatives pour diviser la population et la distraire de son objectif. Il appelle à une unité de pensée. [...]
[...] Dans son discours, Raymond Poincaré met en scène la guerre, il travestit la réalité et exalte l'image du soldat icône afin de mobiliser la population pour permettre la victoire. Les succès sont glorifiés et exagérés et les défaites sont tues ou minimisées. Le discours véhicule trois idées principales : la cause défendue et juste, la défaite amène le triomphe du mal et la victoire est certaine. Le chef d'État ne veut pas que les Français se démoralisent et se révoltent, car la guerre nécessite l'union. Pour terminer, le chef de l'État ne cache pas que le futur sera difficile et douloureux. [...]
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