Dans son ouvrage, Les abus de la mémoire, Tzvetan Todorov fait cette remarque inquiétante : « En cette fin de millénaire, les Européens, et tout particulièrement les Français, sont obsédés par un nouveau culte, celui de la mémoire ». Nous serions donc devenus des « hypermnésiques », des maniaques de la mémoire, des adeptes de la « boulimie commémorative ». C'est vrai qu'à l'heure où l'office national des Anciens combattants crée des emplois-jeunes nommés « emplois mémoire » chargés d'entretenir le devoir de mémoire, on peut se poser la question si notre affirmation d'un « devoir de mémoire » n'est pas allée trop loin et s'il ne faut pas revenir à un plus discret mais sincère « travail de mémoire ».
[...] Bibliographie * Bensoussan, Georges, Auschwitz en héritage ? D'un bon usage de la mémoire, Paris, Éditions Mille et une nuits * Bloch, Marc, Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, Paris, Armand Colin * Grosser, Alfred, Le crime et la mémoire, 2ème édition Paris, Flammarion, 1991Kattan, Emmanuel, Penser le devoir de mémoire, Paris, PUF * Le Goff, Jacques, Passé/Présent et Mémoire Histoire et mémoire, Paris, Gallimard p.31-58 et p.105-177 * Namer, Gérard, Mémoire et société, Paris, Klinksieck * Noiriel, Gérard, Savoir, mémoire, pouvoir Sur la crise de l'histoire, Paris, Belin p.173-208 * Ricoeur, Paul, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil * Theullot, Jean-François, De l'inexistence d'un devoir de mémoire, Paris, Éditions Pleins Feux * Todorov, Tzvetan, Les abus de la mémoire, Paris, Arléa * Brossat, Alain, Mémoire et oubli: une histoire de couple in : Lignes, mars 2003 * Marcabru, Pierre, A-t-on encore le droit d'oublier? [...]
[...] Travail d'investigation, de compréhension Selon l'historien Marc Bloch, fondateur du courant de l'histoire pragmatiste, l'histoire est une science des hommes dans le temps et qui a sans cesse besoin d'unir l'étude des morts au monde des vivants (Marc Bloch, Apologie pour l'histoire ou métier d'historien). Pour Marc Bloch, l'historien se définit avant tout comme un traducteur qui fait communiquer les vivants avec les morts. Dès lors l'historien se voit attribué deux fonctions : - Premièrement, l'historien doit effectuer un travail de mémoire, il doit produire du savoir il doit faire des recherches scientifiques au sens strict du terme. [...]
[...] Libre à chacun de se faire un travail de deuil ou de se faire un devoir de mémoire du défunt ou même un devoir de défendre ou de perpétrer la mémoire du défunt. Selon Kant, les survivants ont une dette envers les morts et doivent défendre la mémoire des défunts, tandis que Nietzsche part du principe qu'un travail de mémoire contribue à comprendre qui l'on est. Le choix entre un travail ou un devoir de mémoire d'un défunt n'affecte a priori que peu la société dans son ensemble, seulement l'individu dans son rapport avec la mort et le souvenir A une démarche collective Cette démarche, à l'origine très introspective, très personnelle, est peu à peu devenue une démarche collective visant essentiellement à affirmer l'identité du groupe. [...]
[...] Devoir ou travail de mémoire ? Dans son ouvrage, Les abus de la mémoire, Tzvetan Todorov fait cette remarque inquiétante : En cette fin de millénaire, les Européens, et tout particulièrement les Français, sont obsédés par un nouveau culte, celui de la mémoire Nous serions donc devenus des hypermnésiques des maniaques de la mémoire, des adeptes de la boulimie commémorative C'est vrai qu'à l'heure où l'office national des Anciens combattants crée des emplois-jeunes nommés emplois mémoire chargés d'entretenir le devoir de mémoire, on peut se poser la question si notre affirmation d'un devoir de mémoire n'est pas allée trop loin et s'il ne faut pas revenir à un plus discret mais sincère travail de mémoire Cette idée d'un devoir de mémoire apparaît dans les années 70 en réaction à une crainte développée par les associations d'anciens déportés que le souvenir d'Auschwitz ne disparaisse progressivement, le terme de devoir de mémoire a été en France très vite généralisée à d'autres événements historiques. [...]
[...] Devoir de transmission, d'éducation L'idée de devoir de transmission de la mémoire pose pourtant deux problèmes fondamentaux : - on peut d'abord très facilement passer de l'affirmation que la connaissance et la transmission du passé peuvent servir à prévenir de nouveaux crimes à la croyance qu'il suffit de se souvenir pour empêcher le retour de l'horreur. Or empêcher le retour de l'horreur et des erreurs nécessite une attention de tous les instants. - Ensuite, s'imposer un devoir de transmission de la mémoire n'est- ce pas la preuve que nous ne sommes pas en mesure d'assumer cette mémoire nous-mêmes ? Ne nous déchargeons-nous pas sur les générations futures d'une exigence à laquelle nous ne sommes pas aptes à répondre ? [...]
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