Le deuxième tome de la Démocratie en Amérique (1840) se présente au premier abord comme une suite de questions sur des faits précis abordant l'influence de la démocratie sur quatre domaines qui constituent les quatre partie de l'ouvrage : le mouvement intellectuel aux Etats-Unis, les sentiments des américains, les mœurs et la société politique. Tout au long de ce deuxième tome, Tocqueville va s'attacher à montrer qu'il faut expliquer les phénomènes sociaux à partir des croyances et des actions des hommes. Or, ce qui caractérise avant tout les sociétés démocratiques est l'égalité. Analysant l'état social démocratique, Tocqueville va ainsi étudier les conséquences de cette égalité. L'analyse a pour but de saisir un monde nouveau : la démocratie est inéluctable, mais toute analyse scientifique sérieuse conduit aussi à en montrer les dangers.
[...] Cela amène Tocqueville à aborder jusqu'à la fin de ce chapitre 6 de la dernière partie de l'ouvrage d'une question fondamentale : le tiraillement de chacun des citoyens entre l'envie d'être guidé et la nécessité de faire valoir son libre arbitre. Selon lui, sans pouvoir trancher, on doit composer, d'où par exemple l'image d'un pouvoir tutélaire élu par le peuple : la souveraineté du peuple s'associerait alors à la centralisation. Mais alors c'est le peuple lui-même qui tient le bout de la chaîne au lieu d'un seul homme, ce qui ne change pas fondamentalement l'état de dépendance, si ce n'est qu'elle est ponctuellement et régulièrement choisie puis subie successivement. [...]
[...] Car à aucun moment il n'effectue de jugement de valeur : son analyse est rigoureusement menée et progresse logiquement. L'idéal démocratique s'accompagne d'une centralisation administrative poussée, qui elle-même entraîne une servitude quotidienne des citoyens qui au final remet en cause leur capacité à user de leur libre arbitre au moment de choisir démocratiquement celui qui sera à la tête de cette administration centrale. Voilà toute la perversité potentielle d'un système qu'il met au jour, en appuyant sur le point central : l'impératif de liberté doit dominer celui d'égalité, du fait même du risque qu'il s'est ingénié à dépeindre méthodiquement dans ce chapitre très connu de La démocratie en Amérique. [...]
[...] Le pouvoir en place force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître Voici poindre le refus du changement, du cycle, la stabilité en tant que mort de la société dans le propos de Tocqueville. Ce berger tyrannique se sert de règles compliquées, minutieuses et uniformes : voici le moyen de former les hommes et de réaliser leur idéal égalitaire. Donc ici le propos de l'auteur porte sans le dire, forcément, sur l'aliénation du citoyen par l'état social dictant les mœurs en vue de la réalisation des plaisirs individuels, devenu seul but d'une société fragmentée à l'extrême. [...]
[...] Donc toujours en creux Tocqueville précise sa pensée par des exemples : le tyran à venir sera un César décuplé dans son emprise, grâce aux lumières qui progressent et à une administration efficace. Mais il va plus loin encore dans la différenciation : ce César nouveau ne sera pas une simple copie améliorée de son prédécesseur, il sera d'un autre nature. En effet le despotisme antique était violent et restreint alors que celui à craindre serait plus étendu et plus doux Tocqueville explique cette affirmation non pas en se réclamant d'un quelconque humanisme des puissants, mais plutôt par un état social de médiocrité généralisée, au sens d'une absence de passions servant habituellement de cadre à la cruauté des princes. [...]
[...] Cela va l'amener dans un deuxième temps à chercher une définition positive de ce despotisme qui n'en est pas un. Dans une première partie que l'on peut extraire de cet extrait, Tocqueville décrit une crainte qui pèserait sur l'Etat social et démocratique tel qu'il existe aux Etats-Unis : un despotisme d'un nouveau genre. Ainsi les idées, les sentiments et les besoins liés à cet Etat social sont selon lui déjà utilisés par les princes européens au milieu du XIXe siècle pour augmenter leur pouvoir personnel. [...]
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