L'accès de chaque citoyen à la conscience de l'intérêt public est capital dans toute démocratie, puisqu'il a des conséquences pratiques. Mais cet accès est difficile, non seulement en raison de la tendance qui invite chacun à l'égoïsme, mais aussi parce que les questions réglées au niveau de l'État peuvent paraître trop lointaines. Une, voie n'est-elle pas offerte par les questions relevant de la coopération locale? C'est ce qu'affirme Tocqueville : en réglant de petits problèmes avec son voisinage, le citoyen comprend l'imbrication du bien commun et du bien particulier, et s'habitue à une entraide permanente qui ne peut que renforcer sa conscience d'appartenir à un corps authentiquement politique.
[...] L'effacement des instincts égoïstes] Relativement à l'État, le citoyen montrait une indifférence qu'il ne peut manifester par rapport à ses voisins. En d'autres termes, la conscience d'appartenir à la communauté est due, non aux directives venant d'en haut mais aux pratiques s'exerçant au niveau même de l'existence de chacun: c'est parce qu'on appartient à la vie locale et qu'on participe à la solution de ses difficultés qu'on finit par éprouver la nature du bien commun que l'État paraît peu apte à enseigner. [...]
[...] Le personnel de l'État cohabite peu] Pour s'occuper des affaires générales d'un pays les responsables se réunissent sans doute, mais cette réunion n'est que temporaire. De surcroît, elle a lieu dans un lieu arbitraire (une capitale, nationale ou régionale) avec lequel ils n'ont pas nécessairement de relation constante: ainsi, les députés, en France, proviennent de tous les départements et n'ont souvent qu'un bureau à Paris. Aussi les liens de ces responsables entre eux ne sont-ils pas durables: en dehors de leurs réunions plus ou moins périodiques, rien ne les oblige à se préoccuper les uns des autres, ou à continuer à collaborer. [...]
[...] Tout cela passe un peu au-dessus de la tête» du citoyen de base, auquel échappe aussi bien la formulation des problèmes à résoudre que leur solution. Depuis Tocqueville, les choses ne se sont pas simplifiées, et la théorie de la technocratie, formulée par James Burnham dès 1941, est en un sens le résultat de cette complexification: il conviendrait que les décisions politiques soient désormais prises par des spécialistes du savoir scientifique. Comment éviter d'en venir à une telle séparation entre le petit nombre de ceux qui sauraient comment réaliser le bien public et une masse de citoyens simplement appelés à obéir passivement ? [...]
[...] Au contraire, lorsqu'il s'agit de la population qui vous entoure la proximité favorise l'amour et le respect: les gens se connaissent. Mais de tels sentiments ne sont gagnés qu'à long terme, à condition de déployer des qualités incontestables (bienveillance et désintéressement) et de pratiquer des conduites qui, pour être positives, manquent d'éclat immédiat: petits services et bons offices obscurs Le local est modeste, il ne brille pas et ne se laisse pas éblouir par action d'éclat [III - Des libertés locales à la communauté politique] [A. [...]
[...] De la démocratie en Amérique, Tocqueville Explication de texte Les affaires générales d'un pays n'occupent que les principaux citoyens. Ceux-là ne se rassemblent que de loin en loin dans les mêmes lieux; et, comme il arrive souvent qu'ensuite ils se perdent de vue, il ne s'établit pas' entre eux de liens durables. Mais quand il s'agit de faire régler les affaires particulières d'un canton par les hommes qui l'habitent, les mêmes individus sont toujours en contact, et ils sont en quelque sorte forcés de se connaître et de se complaire. [...]
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