Daniel Gaxie, rétribution militante, recrutement, entreprise politique, militants, science politique
Nombreux sont les régimes politiques qui s'appuient sur les entreprises partisanes pour faire vivre la démocratie d'un Etat. En effet, aujourd'hui, les partis sont nécessaires à la compétition politique et ce, afin de légitimer démocratiquement les membres qui détiennent l'exercice du pouvoir. Il en résulte que dans un Etat démocratique - la plupart du temps - les élus doivent leur victoire électorale à la structure politique à laquelle ils appartiennent et qui animent la compétition entre les différentes entreprises partisanes. Cependant, le parti politique n'est pas une entité qui va de soi, elle nécessite des membres qui animent et qui font vivre la vie du parti. Elle suppose une séduction citoyenne de l'offre qui pousserait les individus à intégrer un corps pour se donner pleinement à une activité qui enjoliverait leur existence. Daniel Gaxie dans un article paru dans la Revue Française de Science Politique volume 27 n° 1 en date de 1977 intitulé « Economie des partis et rétributions du militantisme » analyse l'architecture des partis politiques, leur hiérarchie, mais surtout les motivations des militants à se donner pleinement à une activité qui occupe l'essentiel de leur temps. Les travaux de cet imminent politiste français - né en 1947 qui a enseigné à l'université de Picardie puis rejoint en 1989 le département de science politique de la Sorbonne - rejoignent d'autres travaux auxquels il s'est livré. Daniel Gaxie a consacré ses études à la sociologie du vote dans certains ouvrages dont Explications du vote (1989), ou La démocratie représentative (2003) mais surtout dans Le cens caché (1978), ouvrage dans lequel il démontre l'inégalité des citoyens à accéder au domaine politique. Son analyse sur les comportements militants s'inscrit dans un contexte d'époque très particulier. Le parti communiste français (PCF), parti de masse, est sans doute le parti le plus militant à l'époque et son activité importante pose nécessairement des interrogations sur sa capacité à entretenir cette activité militante. Daniel Gaxie tend à démontrer que ce lien si fort au parti tient davantage à ce qu'il appelle des « bénéfices non collectifs » c'est-à-dire à des « rétributions militantes ». L'adhésion à un parti est donc commutative puisque le militant tire des bénéfices honorifiques qui ne sont que la conséquence du service qu'il rend au parti. Par conséquent, l'auteur montre que la place de l'idéologie est moindre que ce que l'on pourrait croire. Cet article revêt un intérêt non négligeable en ce sens où l'institutionnalisation des partis politiques témoigne de leur importance dans la structure juridique dans laquelle ils sont insérés et qu'a fortiori ils ont pour devoir d'assurer leur survie.
C'est la raison pour laquelle, nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure un parti politique conditionne sa survie à l'épanouissement de ses militants?
[...] Il s'agit donc d'un mécanisme bancale puisque si le parti ne peut assurer une rétribution militante équitable, l'entreprise politique risque d'imploser. Il en résulte que la possibilité de prendre ses distances avec la ligne officielle du parti n'est d'ailleurs à la portée que de ceux qui disposant d'autres ressources sociales peuvent se reconvertir dans d'autres champs Puisque ce mécanisme est bancale, l'entreprise politique a l'obligation d'assurer une activité continue. L'obligation d'activité continue de l'entreprise politique L'entretien des militants dans un parti de masse dépend des rétributions militantes. [...]
[...] Il fallut donc inventer une structure politique capable de s'affranchir de toutes les solutions partisanes classiques qui relevaient essentiellement de la puissance financière de l'entreprise politique. Cette solution fut une méthode selon laquelle l'entreprise politique s'appuie sur un travail militant exacerbé qui aura pour but d'ajuster le déséquilibre sinon l'inégalité d'accéder aux fonctions étatiques. Daniel Gaxie parle de rétributions militantes L'auteur prend soin de préciser qu'il s'agit que de bénéfices non collectifs avec un risque certain de penser que la massification militante résultera de l'attachement à la défense d'une cause alors qu'il n'en est rien. [...]
[...] Cependant, ces rétributions militantes témoignent que l'attachement au parti résulte moins de l'idéologie que de l'activité militante. II - Un attachement au parti qui résulte moins de l'idéologie que de l'activité militante Si l'activité militante est entretenue par le biais des rétributions militantes nécessairement, la défense de la cause - label partisan - n'est pas la raison essentielle à la motivation de l'activité militante. En effet, l'idéologie est subordonnée aux bénéfices non collectifs Néanmoins, cela suppose que l'entreprise ait une obligation d'activité continue Une idéologie subordonnée aux bénéfices non collectifs L'obtention des gratifications au sein des partis contraint les militants des partis de masse à une certaine discipline. [...]
[...] Le parti politique de masse qui offre - parce qu'il est bâti selon un modèle pyramidal - des postes où des militants sont à même d'amplifier leur notoriété et d'agir pour la chose publique à travers les réunions du parti, sa presse et ses écoles une certaine culture qui dépasse souvent le strict domaine politique peut donner [ ] des gratifications comparables au sein de leur groupe d'appartenance à celles du parti aux niveaux d'instructions élevés Le parti politique apparait dès lors comme une école de la seconde chance ou comme un second lieu professionnel plus valorisant qui épanouit davantage les individus puisqu'il remédie aux carences scolaires de ces derniers. Ces apports honorifiques, intellectuels, et sociaux engendrent chez ces militants une affection particulière et singulière pour leur entreprise politique puisqu'elle contribue à les élever au sein de la société. C'est parce que cela suscite chez les militants un ressenti d'épanouissement individuel que la fidélité au parti sera vigoureuse. Il ne faut pas occulter le fait que cela ne se fait pas à titre gratuit, que l'ensemble de ces apports résulte du travail militant qui n'est en réalité que récompenser. [...]
[...] Or, la diversité des militants amène forcément des positions idéologiques très différentes. Ces militants sont guidés par l'obtention de rétributions ; en conséquence, ils sont nécessairement obligés d'accepter les choix qui sont opérés par l'entreprise politique, ces choix qui peuvent être contraires à ce que eux auraient pu défendre. C'est également la raison pour laquelle la plupart des perdants de la lutte pour le pouvoir interne s'empressent de démissionner après le dénouement des crises qui la révèlent et que nombre d'attitudes concernant les discussions internes peuvent se déduire des stratégies de maximisation des rémunérations obtenues dans le parti L'idéologie est tellement subordonnée aux bénéfices non collectifs qu'on déduit d'une faible participation militante, non une foi faible aux idéaux du parti mais d'une faible intégration à un groupe qui ne permet pas à ces militants peu intégrés de participer aux mécanismes de rétributions. [...]
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