« Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Si elle définissait originellement la démocratie selon Abraham Lincoln, cette célèbre citation décrit la pensée rousseauiste, et par la même occasion vient renverser toutes les théories du pacte social antérieures. Par son modèle juridique de l'État, Rousseau a marqué la pensée contractualiste, d'une part parce qu'il l'imprègne de son sentimentalisme littéraire, mais également par la rupture qu'il opère, au nom de valeurs qui lui sont chères, avec tous les postulats, notions politiques et concepts juridiques qui étaient considérés à son époque comme absolus. Une rupture qui l'engage dans l'escarpé chemin de la « reconstruction rationnelle de l'État ».
Lorsque l'on se lance dans un travail de recherche sur le concept d'État dans "Le contrat social", et donc dans le courant contractualiste en général, le sujet doit faire face à trois difficultés préliminaires. Tout d'abord, il faut assimiler la relativité de la notion d'État, car elle s'inscrit, ici, en rupture avec le sens commun pouvant ainsi fausser les recherches ; ensuite, il faut faire face à une masse documentaire impressionnante et, enfin, on se doit de prendre en compte l'absence d'objectivité des sources doctrinales servant pourtant de base à l'étude du sujet.
Ce dernier élément d'absence d'objectivité complexifie une recherche qui se voit alors transformée en quête constante d'objectivité. Quête qui conduit à s'interroger sur les motivations de l'auteur, ce qui tout au long de sa vie l'a poussé à écrire, mais également sur le contexte dans lequel s'inscrit le contrat social afin de comprendre l'état d'esprit de l'auteur au moment de l'écriture.
Dès lors, on comprend mieux pourquoi la liberté fait office de valeur fétiche de l'auteur, et le sens que celui-ci lui donne. Ces éléments alors conduisent à se pencher sur l'originalité de l'œuvre de Rousseau au sein même du courant contractualiste auquel il appartient.
La philosophie politique de Rousseau a en tout temps déchaîné la doctrine et le sujet semble aujourd'hui épuisé au regard de la multiplicité de sources, d'ouvrages anciens ou contemporains, manuels ou articles, traitant le sujet. Mais on se rend compte, à la lecture de ces ouvrages de doctrine, qu'aucun consensus n'a été trouvé depuis 1762, date de publication du contrat social, sur l'interprétation de l'œuvre.
On observe une relativité de la notion d'État puisque, là où le droit constitutionnel le définit comme la « personne morale titulaire de la souveraineté », les théories contractualistes le définissent comme un des noms possibles à ce qui était autrefois appelé cité, Rousseau préférant quant à lui parler de république ou de corps politique.
[...] Le souverain est alors le nom du corps politique actif, or pour le corps politique, et donc pour le citoyen, agir c'est légiférer. Il agit par les lois et non autrement, de ce fait seul le pouvoir législatif lui est conféré. On s'écarte donc des théories classiques où la souveraineté englobait non seulement ce dernier, mais également d'autres pouvoirs (Bodin place le pouvoir législatif comme première marque de la souveraineté, mais cette dernière comprend également tous les autres pouvoirs souverains). [...]
[...] Pour cela, il faut la diviser en plusieurs conseils et renouveler fréquemment les représentants, et ce, sur le modèle athénien. Rousseau va alors être confronté à un dilemme entre un renouvellement vital des représentants et une nécessité de continuité de la force exécutive pour l'efficacité administrative. Rousseau va alors rééquilibrer les pouvoirs en rappelant la soumission des représentants du corps exécutif au souverain, se mettront donc en place des assemblées fixes et périodiques qui se réuniront sur demande du peuple afin de renouveler ses représentants quand ceux - ci tentent de dépasser le rôle qui leur est attribué, violant ainsi la souveraineté populaire. [...]
[...] - Le conditionnement de la démocratie : un cadre utopique La vertu est alors réservée à la démocratie directe, l'Homme devant se concentrer sur le pouvoir législatif. Rousseau insiste alors sur la nécessité de se passer de tout gouvernement au niveau du pouvoir souverain. Ceci n'a rien de contradictoire avec ce qui a été dit précédemment puisque l'auteur avoue le caractère utopiste et conditionné de cette entreprise. L'idée est ici que l'élément humain, s'il n'est pas pris dans sa généralité va monopoliser le pouvoir, va l'orienter en sa faveur, et se détachera de l'intérêt général. [...]
[...] Malaurie, Anthologie de la pensée juridique, Paris, Cujas L. Althusser, Cahiers pour l'analyse Paris, Seuil I. Fetscher, Rousseaus politische Philosophie, Neuwied, H. Luchterhand S. Goyard - Fabre, Qu'est - ce que la démocratie ? La généalogie philosophique d'une grande aventure humaine, Paris, A. Colin R. [...]
[...] Sur ce point, Rousseau ne tombe pas dans une vision dirigiste de l'État et refuse tout contrôle des croyances par ce dernier. Chaque membre de la cité peut avoir ses croyances, c'est ici le socle de la laïcité, cependant l'État aurait le droit de proscrire toute religion ne permettant pas à l'homme d'être fidèle à ses devoirs citoyens dans la cité. La conception rousseauiste de la religion ne s'entend donc pas au sens de la domination de la cité par la religion. [...]
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