En 1889, le gouvernement républicain a décidé de célébrer le centenaire de la Révolution française, qui donne lieu à des manifestations diverses dans le pays, parallèles à l'Exposition Universelle, inaugurée en mai.
Contexte : Ces célébrations ont en fait lieu dans un contexte assez troublé : la IIIe République en tant que régime semble certes bien implantée, depuis près de 15 ans. Mais elle est aux prises à des crises multiples (crise boulangiste de1885-1889, crise économique) et paraît s'essouffler (instabilité ministérielle). Il s'agit donc pour les républicains convaincus de profiter de l'occasion pour rappeler quelques grands principes et réaffirmer la légitimité du régime.
Texte et auteur : C'est ce à quoi s'emploie Martin Nadaud en prononçant dans un discours de mai 1889, dont nous avons ici quelques extraits (l'original est beaucoup plus long). L'objet du discours, qui s'adresse dans l'immédiat aux habitants du village de Bourganeuf, petit village de la Creuse, est de glorifier la République par un parallèle avec l'œuvre de la Révolution française.
Martin Nadaud, alors député de la Creuse depuis 1885 (et pour encore quelques mois), a déjà un riche passé politique derrière lui. Creusois, d'origine modeste et rurale, il a fait partie, dès les années 1830, de ces migrants saisonniers qui allaient chercher du travail en ville. Ayant travaillé comme maçon à Paris, il s'engage en politique à la fin des années 1830, en fréquentant les milieux socialistes, tout en poursuivant son instruction par des cours du soir. La Révolution de février 1848 contribue à lui donner une certaine notoriété : il se familiarise avec la prise de parole en public en tant que président du club des Creusois de Paris puis comme membre de la Commission du Luxembourg, chargée de réfléchir à une nouvelle organisation du travail ouvrier. Candidat malheureux à la Constituante en avril 1849, il est élu l'année suivante député de la Creuse, début d'une carrière politique qui n'est interrompue que par l'exil durant le Second Empire. Les débuts de la IIIe République le font réapparaître sur la scène politique et, redevenu député en 1876, il siège à l'extrême gauche, partisan d'une République sociale et laïque.
Ses Mémoires, rédigés à la fin de sa vie, retracent son parcours personnel mais parfois de façon discontinue. Ainsi, la retranscription de ce discours, livrée brute, occupe-t-elle tout un « chapitre » mais sans autre forme de commentaire ou d'explication de sa part.
[...] La Révolution et la/les liberté/s Pour Martin Nadaud, la grande tâche des révolutionnaires a d'abord consisté à accorder des droits aux Français : l la France n'étant en possession d'aucune de ces libertés, il fallut se mettre à l'œuvre Il évoque d'ailleurs la Déclaration des droits de l'homme (l. que l'on peut en effet considérer comme LE texte fondamental de la Révolution française, avec une portée et une postérité remarquables (ainsi, il a été repris dans le préambule de la Constitution de plusieurs régimes républicains par la suite). Ce texte, voté le 26 août 1789, puis promulgué en novembre, proclame l'égalité de tous en droit (cf. l égalité mettant donc fin à une société d'ordres. [...]
[...] Enfin et surtout, il existe chez les républicains un vrai mythe, celui d'une démocratie idéale, reposant sur cette catégorie de paysans- propriétaires, catégorie simple et travailleuse, tournée vers l'exploitation familiale, qui incarnerait les principes de la République et bénéficierait de ce régime. Cette phrase de Nadaud révèle son adhésion à l'idée d'une parfaite démocratie rurale de petits propriétaires. D'ailleurs, quand il affirme que leur vie et leur liberté sont assurées il faut également nuancer, car une partie de la classe paysanne, même parmi les propriétaires exploitants, vit très modestement, voire chichement. [...]
[...] La Convention a de fait décrété que chaque commune aura sa maison d'école (l. 17). Mais elle est allée plus loin : répondant à une demande exprimée dans les cahiers des Etats Généraux, les conventionnels ont même décidé d'établir un enseignement primaire, gratuit et obligatoire décision restée sans effet dans la pratique puisque le décret ne fut jamais appliqué et que la période thermidorienne revint sur la gratuité puis sur l'obligation. Il faut donc nuancer l'opinion de l'auteur, qui impute aux seuls Napoléons et les Bourbons (l. [...]
[...] dont il précise la date ce qui a moins pour but de rafraîchir la mémoire de son auditoire que de marquer le caractère symbolique de sa propre intervention, puisque c'est le 5 mai 1889, soit 100 ans jour pour jour après la réunion des Etats Généraux, qu'il prononce ce discours. Quel est cet événement auquel il fait allusion ? Il s'agit de la réunion des représentants des trois ordres de l'Ancien régime (noblesse, clergé, tiers-état), convoqués par le roi dans des circonstances exceptionnelles. [...]
[...] et non pas en tant que député de la Creuse, soulignant sa proximité avec son auditoire, masculin si l'on en croit le messieurs l Il rappelle que Bourganeuf est bien connue pour ses idées républicaines (l. 2). Il est vrai que le département de la Creuse appartient à cette zone des campagnes rouges mise en évidence par les élections de 1848 (et les suivantes), régions où les ruraux votent à gauche voire à ce qui constitue alors l'extrême gauche. Nadaud souligne ici le fait que dans son département, la tradition de soutien à la République et à la gauche républicaine remonte déjà à plusieurs décennies. [...]
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