Alors que les enquêtes d'opinion montre une sensibilisation accrue des populations occidentales à une question du développement durable de plus en plus médiatisée, curieusement, les hommes politiques, interrogés dans le cadre des mêmes enquêtes, se montrent relativement timorés. C'est, dans un contexte français marqué par la canicule de 2003 dont les effets ont été à tort attribués au réchauffement climatique, et international, marqué par le refus des Américains et de quelques autres pays de signer le protocole de Kyoto envisageant une réduction de 5,2% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2012, précisément pour faire le point sur la question et alerter les décideurs que s'est tenu un colloque franco-canadien co-organisé par M.C. Smouts, spécialiste bien connue des relations internationales, en 2005. Le but du colloque fut ainsi tout autant de faire une mise au point pour définir une notion à la mode utilisée partout à tort et à travers comme un nouveau mantra politico-économique et comme brevet de responsabilité (le développement durable, c'est la croissance sans l'inflation, selon un édito du Financial Times !), que pour convaincre les décideurs notamment politiques que dans sa version rigoureuse, le développement durable est un enjeu majeur immédiat mais non utopique. Le colloque a d'ailleurs été publié tel quel, ce qui souligne la volonté des auteurs d'alerter l'opinion, en particulier des futurs décideurs (la collection Civis s'adresse surtout aux étudiants, en particuliers des facs de droit et des IEP, les futurs cadres du public et du privé, en somme !).
Clairement, la vision qui est proposée ici, sans nier le moins du monde (au contraire !) le caractère d'urgence de la question socio-environnementale, propose une version relativement neutre, en tout cas, assez peu polémique et "acceptable", propre à la rendre politiquement opératoire, tout en la définissant avec rigueur. Au contraire, les versions dures, "deep", sont rejetées, de même que le jargon scientifique propre à embrouiller les esprits et prouver tout et n'importe quoi. Le point de vue est résolument anthropocentrique, même si celui-ci est fortement corrigé par une croyance en les droits de la nature, pour en revenir à l'origine même du mot écologie proposé en 1866 par Ernst Haeckel et repris par Mobius : les effets imprévisibles de l'homme sur l'environnement, effets pour l'homme bien sur. Les communications insistent beaucoup sur un certain nombre d'exemples vertueux, espérant ainsi un effet d'entraînement (...)
[...] En fait, la vision écocentrique est curieusement tout aussi anthropocentrique que la vision techniciste, mais en inversant les signes (du positif au négatif) ! Tout se passe comme si l'environnement avait un jour (quand atteint un équilibre idéal, immortel et stationnaire à la fois, robuste par définition, que l'homme viendrait perturber, voire bouleverser. C'est ce qui est communément reproché à la version la plus honnête de cette conception : l'hypothèse Gaïa de James Lovelock, qui fait de la nature un ensemble fixe (le système Terre), ayant atteint un état optimal, qu'il serait dangereux de faire évoluer (ce ne peut être que vers le pire) ; l'homme apparaît alors comme une sorte de force géologique extérieure qui vient tout bouleverser. [...]
[...] Du coup, les services de secours et d'urgence sont quasi inexistants ou insuffisants (cf. le tsunami), les habitations et infrastructures pas adaptées (car cela coûte trop cher), les populations les plus démunies, qui sont aussi les plus méprisées, s'installent où elles le peuvent (sur les pentes, sur les cloaques et décharge comme à Manille, etc.) soit dans les endroits les plus dangereux. Tout ceci ne relève pas de la protection de la nature, mais des hommes ! [...]
[...] Il est vrai que dans son autobiographie (1999), le même annonçait pour 2030 une situation apocalyptique à laquelle on ne pourra échapper qu'en étant soit très sage, soit très chanceux ! Toute la question est en effet de les faire travailler ensemble pour ne pas compromettre nos propres capacités à se développer : après tout, l'équité intergénérationnelle doit passer après. Nos arrières-petits-enfants seront plus riches que nous ! Nordhaus, pour critiquer certaines conclusions très drastiques en termes de mesures à prendre hic et nunc du rapport Stern, alors même qu'il est farouchement pour le développement durable tout en récusant les visions catastrophistes, soutient qu'il y a un côté pervers à faire financer par les plus pauvres les besoins des plus riches : si l'on retient l'hypothèse d'une croissance mondiale à le PIB/tête sera de $ en 2200 contre 7600 aujourd'hui Alors que 20% de la planète consomme 80% des ressources non renouvelables, qu'un milliard d'hommes n'a pas accès à l'eau potable ni à l'hygiène, qu'autant ou presque (800 millions) est sous-alimenté, la question se pose avec acuité maintenant ! [...]
[...] On notera l'utilisation des points de suspension, montant que la liste n'est pas limitative voire infinie ! La chronologie (les années 1950) choisie indique également clairement les responsables désignés de cet état de fait selon Bourg : l'utilisation du pétrole (voiture, énergie, etc. et toutes les industries extractives associées) ; la consommation de masse, ici vue comme inséparable d'une certaine forme de gaspillage (électricité en plein jour, etc.) : par conséquent, ce qui est en cause ici, c'est moins la technologie elle-même que les modes de vie, écho inversé à la formule de G. [...]
[...] C'est d'ailleurs pour cela que Katrina fut un tel choc en Amérique et dans le monde : pour le nombre (plus de 10 000) anormalement élevé de victimes dans un pays riche ! Qu'on ne dise pas que cela est du à la plus grande exposition aux risques naturels des pays pauvres de manière intrinsèque, dans une sorte de géographie des climats à la Montesquieu. Les Islandais seraient hilares Il n'y a qu'à comparer pour s'en convaincre : au Japon, pays peu épargné par la colère de la nature, le nombre de morts moyen pour des séismes de grande ampleur est de 63 contre 2900 au Pérou selon la Banque Mondiale ! [...]
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