Michel Terestchenko, maître de conférences de philosophie à l'université de Reims, est l'auteur de plusieurs ouvrages de philosophie morale et politique comme « Un si fragile vernis d'humanité. Banalité du mal, banalité du bien » salué comme l'un des essais les plus importants de l'année 2005. Le livre que je vais présenter est paru en 2008.
Si j'ai choisi ce livre, c'est tout d'abord par ce que c'est un sujet au cœur de l'actualité avec la fermeture, par le nouveau Président américain Barack Obama, d'une des prisons les plus tortionnaires, celle de Guantanamo, ouverte par l'administration Bush dans le cadre de la « guerre globale contre la terreur ».
C'est un sujet délicat et qui fait polémique, la rédaction d'un ouvrage entier sur l'usage de la torture peut paraître surprenant, comme si la prohibition dont elle fait l'objet pouvait le moins du monde être discutée. En effet, la torture est un crime de guerre, une expression de la barbarie humaine au même titre que le génocide, qu'aucune démocratie ne peut pratiquer, moins encore légitimer sans renoncer aux principes qui la fondent. Et pourtant, le débat de la torture d'État - requalifiée par euphémisme de « technique d'interrogatoire coercitive » - existe bel et bien aux États-Unis.
Pour d'éminents penseurs américains, la torture serait un mal nécessaire, voire un bien, dans certaines situations de menace extrême. Comment comprendre cette dramatique régression de la « première démocratie » ?
[...] L'intention explicite de ce paradigme est de présenter la torture comme une action rationnelle, résultant d'une décision qui prend en considération le seul calcul des intérêts du plus grand nombre. Que vaut le principe de décence face à des individus dont le mépris de la vie humaine va jusqu'à être prêt à sacrifier celle de milliers d'hommes ? Ce ne sont pas là des soldats, agissant dans le respect des lois de la guerre. Analyse Philosophique et morale Le tortionnaire noble Il faut avoir conscience que c'est un mal nécessaire, un moindre mal, être disposé à se salir les mains et à assumer pleinement les conséquences personnelles, à la foi morale et pénale de sa décision. [...]
[...] Ces pratiques mènent la démocratie à sa propre ruine. Les relations entre les États démocratiques et les organisations qui les attaquent entrent dans une logique sanguinaire sans fin, de la vengeance illimitée, bien plus cruelle que les guerres traditionnelles qui étaient encadrées par des lois et des coutumes, une espèce de criminalisation universelle. Aucune pratique d'État ne produit d'effets aussi puissamment destructeurs de nos principes et de nos institutions que la torture, c'est pourquoi elle ne saurait jamais être autorisée ou justifiée. [...]
[...] Les organisations non gouvernementales ne peuvent être partie prenante d'aucun accord international concernant les lois de la guerre. Cependant, l'Afghanistan, sous la gouverne des talibans peut être qualifié Etat déchu étant donné que c'est devenu une société violente, au bord de l'effondrement, dénuée de toute infrastructure politique et économique. Bien que cette conception fut contestée par de nombreux juristes, le droit international humanitaire impose les restrictions les plus strictes concernant le traitement des détenus et des prisonniers. En particulier, toute personne privée de liberté doit être traitée avec humanité et le respect dû à la dignité de toute personne humaine Septembre 2006: adoption de la loi de la torture Le Président a autorité d'établir des commissions militaires et de maintenir en détention pour une durée illimitée tout individu suspecté d'être un ennemi combattant illégal Cette loi autorise les aveux forcés à condition que les méthodes d'interrogatoire employées n'équivalent pas à un traitement cruel, inhumain et dégradant de plus le juge est autorisé à ne pas divulguer aux avocats les conditions dans lesquelles les preuves ont été obtenues, et à leur substituer un résumé censuré. [...]
[...] L'information est dénuée de toute fiabilité. Quant au tortionnaire, ce qu'il recherche, plus que le renseignement, c'est la soumission totale du sujet. En réalité, le but de la torture n'est pas de faire parler le détenu, mais de le désaffilier de toute apparence collective et de répandre la terreur, terroriser la communauté à laquelle il appartient. S'en tenir à des principes non négociables Essence de la démocratie repose sur le respect de la dignité humaine qui interdit d'humilier, et a fortiori, de soumettre quiconque à des actes de torture, physique ou psychologique. [...]
[...] C'est une tradition américaine, débutée dans les années 50 avec la lutte contre la subversion communiste. Les EU étaient bel et bien engagés dans une politique criminelle d'État, qui se confirmera au lendemain des attentats de septembre 2001, lorsque apparut un nouvel ennemi : l'islamiste radical , incarné par Al-Qaida et Oussama Bel Laden. Les vieilles méthodes seront ainsi actualisées lors des interventions militaires américaines en Afghanistan, en octobre 2001, puis en Irak en mars 2003. Analyse juridique Des juristes au service de la torture En 2004 le monde entier a découvert les techniques humiliantes et dégradantes, incluant des sévices sexuels, utilisées par l'armée américaine contre les détenus de la prison irakienne d'Abou Ghraib et dont certaines étaient également en usage à Guantanamo et dans des centres de détention en Afghanistan. [...]
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