Licence Sciences politiques, L'Amérique juive, Pierre-Antoine Cousteau, Histoire contemporaine, politique antisémite, Hitler, Allemagne, nazisme, extermination des juifs, antiaméricanisme, Reich
La lecture de l' « Amérique juive » de Cousteau, de nos jours, apparaitrait pour un lecteur non averti au mieux comme une farce, voire comme un ouvrage complotiste peu sérieux : antisémitisme marqué sous fond de clichés tels que le prétendu complot juif et son contrôle de l'Amérique, sympathie sans réserve aux doctrines des régimes autoritaires des années 1930... Pourtant, cet ouvrage fut publié à une époque où ces théories apparaissaient comme beaucoup plus sérieuses ; et même, c'est certainement l'opposition aux dires de Cousteau qui aurait été censurée à l'époque.
[...] Pourquoi alors ne le fait-il pas, et pourquoi, surtout, sa politique se limite-t-elle à de « timides condamnations morales » ? Il en démontre une première indication dès 1937 en déclarant que « c'est une chose terrible de regarder derrière son épaule quand on essaye de gouverner et de s'apercevoir que personne ne vous suit. » . lorsqu'il parle bel et bien de la possibilité d'intervenir en Europe, que le Congrès et l'opinion lui refusent. Lorsqu'il donne son opinion sur l'expansion japonaise en Chine, le Wall Street Journal lui rétorque sèchement : « Arrêtez de vous mêler des affaires du monde. [...]
[...] Avec les Juifs, l'autre ennemi du bloc de l'Axe, les Etats-Unis, sujet principal de l'ouvrage, est également évoqué. Il ne s'agit pas seulement, en effet, de rendre les Français antisémites : il faut leur faire craindre une victoire du pays qui conduirait, toujours selon Cousteau, les Juifs à la victoire, à savoir les Etats-Unis Alors que l'Amérique est la principale chance de victoire contre l'Axe, les Français doivent la voir comme un ennemi Parce que l'Amérique est alors le plus menaçant des adversaires de Hitler, elle doit être décrédibilisée de par, là encore, son contrôle prétendu par les Juifs, comme nous allons le voir. [...]
[...] Il y aurait donc eu une mainmise progressive de l'opinion américaine, jusque dans ses hautes sphères, empêchée de s'exprimer sur les risques éventuels de la communauté juive en Amérique, d'où une impossibilité pour l'antisémitisme de se développer aux Etats-Unis. En réalité, si l'idée selon laquelle cette absence d'antisémitisme, tellement contraire à ce qui se passe alors en Europe, aurait pu se justifier par un activisme de la communauté juive, cette idée ne tient absolument pas tout simplement parce que l'antisémitisme existe bel et bien en Amérique. [...]
[...] Prétendre qu'il pousse la France et l'Angleterre à assouvir son souhait à sa place pour épargner ses intérêts est par contre beaucoup plus douteux. En témoigne son discours prononcé à Chicago en octobre 1937, affirmant que « ceux qui chérissent leur liberté, reconnaissent et respectent les droits égaux de leurs voisins à être libres et à vivre en paix, doivent travailler ensemble pour le triomphe du droit et des principes moraux. » Une formule alambiquée mais qui montre que Roosevelt n'exclut pas d'intervenir en Europe. [...]
[...] Il est donc probable que Cousteau n'aurait même pas eu l'idée de parler de Blum dans son ouvrage si celui-ci n'avait pas été juif. Mais intéressons-nous à présent à l'Amérique même : Cousteau décrit, de manière assez systématique, la proximité systématique de Juifs dans les cercles de la diplomatie américaine, comme Strauss et Bullitt, ambassadeurs à Paris, comme des personnes qui se concentreraient sur les intérêts de leur communauté dans leurs actions ; ce qui, encore une fois, ne tient pas vraiment : Bullitt n'a-t-il pas lui-même choisi de rester à Paris lors de l'arrivée de l'armée allemande en juin, et même de rejoindre son poste à Vichy, du moins jusqu'au moment où les pleins pouvoirs sont accordés à Pétain ? [...]
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