Dans Les fondements de la pensée politique moderne, Quentin Skinner, professeur à l'Université de Cambridge, entend satisfaire un triple objectif qu'il présente dès les premières lignes de sa préface.
Couvrant une période s'étalant du XIIIème au XVIème siècle, cette somme d'histoire de la pensée politique vise, dans un premier temps, à « résumer les textes principaux de la pensée politique de la fin du Moyen-Âge aux débuts de l'ère moderne ». Ainsi, par l'étude et la présentation des grands écrits politiques de Dante et Suàrez, en passant par ceux de Machiavel, Marcile de Padoue ou Bodin, Skinner entend rendre compte de la production intellectuelle d'une période peu étudiée et dont est pourtant héritière la pensée politique moderne. Il s'agira donc d'abord, pour l'auteur, d'analyser dans quelles conditions s'est effectué le passage entre la pensée politique médiévale et la pensée moderne du contrat social.
De l'étude de ces textes découle logiquement le deuxième objectif poursuivi par l'auteur. En effet, Skinner s'attache dans un second temps à apporter un éclairage plus spécifique sur la manière dont s'est formée, pendant cette période, la conception de l'État moderne. Déjà analysée sous de nombreux angles par les théoriciens de la philosophie politique moderne tel Hobbes, Machiavel ou Marx, Skinner s'appuie, lui, sur des textes antérieurs pour expliquer comment, entre le XIIIème et le XVIème siècle « l'idée du souverain défendant son État » a laissé place à « celle d'un ordre légal, constitué et séparé, celui de l'État, que le souverain a le devoir de défendre ». Rejoignant le concept wébérien de monopole de la violence légitime détenu par l'État, Skinner s'attache à montrer comment le pouvoir de l'État et non plus celui du souverain est devenu « l'unique source de la loi et de la force légitime sur son territoire ». (...)
[...] RENS Ivo, Histoire des doctrines politiques, cours dispensé à l'Université de Genève en 2000 mis en ligne sur le site http ://www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales/ en 2005. VILLEY Michel, La théologie de Thomas d'Aquin et la formation de l'État moderne Théologie et droit dans la science politique de l'État moderne, Publications de l'École française de Rome, pp. 31-49. Webographie Site de persee, www.persee.fr Site cairn, www.cairn.info Site des Nations Unies, http://www.un.org/fr/ [1]SKINNER, Quentin, Les fondements de la politique moderne, Albin Michel p op. [...]
[...] Nous avons vu quels étaient les objectifs fixés par l'auteur, tant sur le plan théorique que méthodologique. Parmi ces objectifs se trouve notamment la volonté d'analyser l'émergence du concept d'État moderne. Il s'agit dès lors, de s'attarder sur l'aristotélo-thomisme, courant de pensée qui, d'après Skinner, a fortement influencé la construction d'une réflexion autour de l'émergence de l'État moderne et de la pensée politique en général. Comme son nom l'indique, l'aristotélo-thomisme est la combinaison des idées d'Aristote à celles de Thomas d'Aquin. [...]
[...] Par la combinaison de ces deux pensées, nous allons voir dans quelle mesure l'aristotélo-thomisme a contribué à forger une conception de l'État moderne. Il est possible d'identifier des éléments de ce courant dans le contexte italien des XIème et XIIème siècles. En effet, face à l'impérialisme du Saint-Empire romain germanique, les Cités du Nord de l'Italie ont revendiqué des libertés, celle de leur droit à conduire leur vie politique sans aucune ingérence extérieure d'une part, et de leur droit concomitant à se gouverner comme bon leur semblait[12] d'autre part. [...]
[...] La question du meilleur gouvernement posé par Aristote redevient alors d'actualité, propulsant l'État moderne au cœur de la pensée politique, mais désormais considéré, sous l'angle du républicanisme. En effet, si Marsile de Padoue admet qu'il puisse être nécessaire d'instaurer le gouvernement des rois[18] dans un grand État, il ne considère pas, comme Thomas d'Aquin, que la monarchie soit toujours la meilleure forme de gouvernement (ibid., p.93) et affirme que dans les cités de dimensions modestes, le type le plus approprié de gouvernement est celui du corps tout entier du peuple[19] Il apparaît alors que les scolastiques considèrent le républicanisme romain comme l'ère d'excellence de Rome comme l'indique Bartole pour qui c'est sous la République, et non sous l'Empire que la cité de Rome atteignit à la grandeur[20] Skinner montre alors dans quelle mesure la crainte d'une usurpation du pouvoir républicain est partagée à la fois par Aristote, Thomas d'Aquin, et les scolastiques, d'où notamment des réflexions communes sur le maintien de la paix dans les Cités. [...]
[...] Plus qu'un compte-rendu de l'importance de l'aristotélo-thomisme dans la pensée politique contemporaine, Skinner apporte, dans Les fondements de la pensée politique moderne, un réel éclairage sur l'émergence d'une conception moderne de l'État. Analysé par la suite sous le prisme du contrat social hobbesien ou rousseauiste, Skinner parvient en effet, à rendre à l'aristotélo-thomisme la place qui est sienne dans l'analyse de la construction d'une conception moderne de l'État. Bibliographie BIRNBAUM Pierre et BADIE Bertrand, Partie 1 : l'État dans la théorie sociologique Sociologie de l'État, Hachette GUILHAUMOU Jacques, Entrée : Cambridge (Ecole de) Dictionnaire des idées, Encyclopaedia Universalis pp. [...]
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