Lorsqu'il affirma : « Il faut des fêtes bruyantes aux populations, les sots aiment le bruit, et la multitude, c'est les sots », Napoléon Bonaparte traduisit à sa façon, non sans un certain cynisme, la conception par les dirigeants français des fêtes politiques de l'époque.
En effet, si 1789 marque l'effondrement de l'absolutisme en France, il s'agit conjointement de l'émergence du peuple dans la vie politique ; les gouvernants lui accordent donc une nouvelle place, qui se situe notamment au premier rang des festivités politiques. Si les premières années de la République sont ponctuées de nombreuses fêtes rassemblant des dizaines de milliers de Français, la renaissance des espoirs libéraux et nationaux à partir de 1830, dont l'apogée se situe en 1848, marque une nouvelle irruption populaire dans la sphère politique, dont les fêtes sont à chaque fois une occasion unique de communier aux valeurs nouvelles de la France. Désormais, la fête politique est conçue pour le peuple, et ne consacre donc plus une image sublime du monarque souverain, père de la Patrie par la grâce divine.
Il est ainsi possible de s'interroger sur les changements provoqués par cette entrée du peuple dans la vie politique et ses fêtes, et plus particulièrement sur les transformations dans la manière dont les artistes vont choisir de les représenter. Il paraît également intéressant de s'intéresser à la manière dont l'image de la fête politique transcrit la volonté
En concevant dans un premier temps la fête comme le « moment de l'unité », apparaîtra ensuite la volonté pédagogique qui transparaît de la représentation des fêtes politiques de l'époque. Nous verrons enfin en quoi ces images consacrent une vision utopienne de la France postrévolutionnaire.
L'argumentation sera appuyée par les œuvres les plus représentatives et que l'on trouvera en annexe.
[...] Or, c'est par la représentation de cette fête que se fait cette transmission autant que par la fête elle-même. Ainsi, la peinture annule le caractère éphémère de la fête. Ce caractère symbolique et de mise en avant des valeurs révolutionnaires est particulièrement visible dans les deux œuvres que nous allons voir, en commençant par La Fête de la Fédération de Charles Thévenin. Ce tableau, d'une taille impressionnante (1,27 m sur 1,83 est caractéristique de cette tentative de raconter une histoire, d'inculquer certaines valeurs. [...]
[...] D'un côté s'exposent les maréchaux représentant le pouvoir politique, et de l'autre les hommes d'église pour le pouvoir religieux. De plus quatre-vingt-cinq d'entre eux ont pu être identifiés, ce qui montre l'application dont a fait preuve David dans leur représentation et ainsi leur importance. À travers ces innombrables caractéristiques, les représentations des fêtes révolutionnaires possèdent un caractère éducatif qu'il faut lier à la force de l'image, encore plus prégnante à l'époque où la moitié de la France est analphabète. L'enseignement des valeurs postrévolutionnaires va ainsi de pair avec une certaine ambition utopienne d'une victoire contre le temps et contre l'espace. [...]
[...] Car le temps n'est pas seulement le cadre formel dans lequel se sont déroulés les événements politiques à l'origine des fêtes, il constitue aussi la matière sur laquelle le concept même de fête évolue. Dès l'origine en effet, la fête se pose comme rapport au temps : elle représente un événement temporellement fixé, destiné à prendre une place particulière dans l'Histoire, c'est-à-dire le déroulement du temps, mais aussi à se répéter tout au long de celui-ci. La fête a d'emblée une valeur itérative, en même temps que de scansion du temps qui passe. [...]
[...] Cette célébration était, au départ, destinée à maintenir l'ordre. Elle dérivera bien vite, selon Mona Ozouf, vers un enthousiasme collectif, profitable à tous, aussi bien aux révolutionnaires qu'à la royauté. Les deux s'en accommoderont et cette fête constitue ainsi l'apothéose de la toute nouvelle monarchie constitutionnelle. Cela est particulièrement bien représenté dans le tableau de Thévenin (La Fête de la Fédération) : l'union se fait à la fois autour de l'ancien et du nouveau, du roi et de la garde nationale (et surtout de La Fayette). [...]
[...] La fête, le moment de l'unité A. Des régimes en quête de légitimité La période 1789-1848 constitue, pour la France, une période d'instabilité politique très marquée. En cinquante-neuf ans, l'Hexagone aura connu la monarchie absolue, la République, l'Empire, la monarchie constitutionnelle et à nouveau la République, le tout entrecoupé de trois révolutions. Il s'agit ici d'un panorama très sommaire car il ne prend pas véritablement en compte les subtilités des différents régimes mais il a le mérite de faire ressortir le caractère agité de cette période. [...]
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