Définition de notre démarche (et de ce qu'elle n'est pas)
On va prendre nos distances avec deux approches :
1) LA PHILOSOPHIE POLITIQUE ET LA QUESTION MORALE : on peut se référer au livre essentiel de WALZER, Guerres justes et injustes. Approche morale sur la question de la guerre, est-ce qu'il a un principe de proportionnalité, est-ce que les Etats-Unis avaient le droit d'utiliser la bombe atomique contre le Japon en 45 ? Il s'agit d'une approche normative de l'entrée en guerre ? Tradition religieuse et même catholique en particulier qui est en partie discutée par Walzer. Tradition catholique qui est construite sur la notion de la guerre comme moindre mal et comme condition morale. La question du contrôle des armements se pose très tôt dans la tradition catholique : au XVe siècle il y a un concile pour l'interdiction de l'arbalète qui casse la pratique traditionnelle de la guerre.
Dans une autre tradition, il y a chez les musulmans toute une réflexion théologique sur la guerre : la question de la guerre juste, qui est juste à deux condition : 1) Pour défendre la communauté contre un envahisseur non musulman (jihad défensif). 2) Pour faire passer sous domination musulmane des populations non-musulmanes (jihad offensif). La question du jihad est un impératif, un devoir pour la communauté des croyants (il y a cependant des divisions profondes aujourd'hui entre les différents groupes religieux sur cette question en particulier). Contrairement à l'optique catholique nous avons ici une vision de la guerre comme un phénomène potentiellement bénéfique. Ces deux traditions s'opposent donc assez nettement.
La troisième tradition : c'est celle du refus de la violence, de la non-violence inspirée de Gandhi : cette position n'est pas un refus de la confrontation, de l'affrontement, de la lutte, mais il s'agit de faire que la lutte se produise sur le terrain qui ne soit pas celui de l'affrontement physique. Il s'agit d'être reconnu comme semblable par celui qui nous agresse, ce qui rend la lutte physique plus difficile, car cette reconnaissance entraîne des contraintes morales (si l'autre est considéré comme un inférieur, le soumettre à ma volonté, ça n'est pas un problème du point de vue morale, mais s'il est mon semblable, là ça change tout). Forme de lutte qui peut passer comme une guerre contre soi : immolation, grève de la faim… On n'est pas si loin de certaines formes d'attentats suicides ou la violence est en grande partie retournée contre soi. On a des questions communes dans ces différentes formes de violence contre soi : peut-on retourner contre soi la violence de la situation pour obliger l'adversaire à céder ? Ces pistes ne sont pas celles qui seront suivies au cours de l'année. On peut interpréter normativement des situations historiques.
2) LA STRATÉGIE c'est d'abord un discours qui a une forme rationnelle, un discours qui est construit, qui tend à faire émerger un homo-stratégicus et qui en ce sens fait volontairement l'impasse sur toute une partie du réel : les acteurs incohérents, la dimension sociale des questions militaires, la mauvaise information, ou la perception erronée de la situation qui entraîne des comportements non-rationnels. C'est la reconstruction abstraite d'un individu rationnel, et la reconstruction de règles qui permettent l'action. Forme hyper-rationalisée de la réflexion qui évacue, donc un certain nombre de phénomènes, c'est en outre, un discours qui repose sur un certain nombre de présupposés : unité de l'acteur, existence d'un État et d'un langage commun dans l'affrontement. C'est une position profondément normative : explique ce qu'il faut faire pour réussir. On va retrouver ces réflexions stratégiques chez Sun Tzu (figure classique), Clausewitz, Machiavel… On a deux façons d'interpréter ces auteurs. 1) Interprétation des stratèges (cf. le livre de Gérard Chaliand, Anthologie de la stratégie et celui de Couteau-Bégarie), quand on lit ces interprètes on se rend compte que ça fonctionne sur la constitution d'un champ spécialisé de réflexion. On établit une généalogie, des correspondances, des liens entre tous les stratèges, on considère qu'ils parlent de la même chose, la guerre et la stratégie et soulèvent en gros les mêmes problèmes : on travaille sur des invariants et on essaye d'établir des règles qui sont trans-historiques. 2) Mais, ça pose un problème pour le sociologue : ces stratèges traitent de l'art de la guerre à des époques très différentes, dans des contextes socio-historiques qui n'ont rien à voir et dans des formes littéraires très hétérogènes.
SUN TZU parle lui par aphorisme, il a été traduit dès le XVIIIe siècle et fut très utilisé dans les années 50-60, pendant la décolonisation de l'Asie. MACHIAVEL : lui pense la guerre en terme d'action politique. Est-ce que le Prince doit faire la guerre et comment ? Il aborde d'autre part des problèmes très techniques : comment disposer les troupes, quelle doit être l'ordre de marche d'une colonne ? Il est question de la logistique, du ravitaillement. Avec Machiavel on a une pensée qui celle de la stratégie au sens moderne : armée de citoyens ou une armée de professionnels ? Machiavel lui estime qu'il faut une armée de citoyens. C'est une pensée de l'État en train de se faire, on est au XVIe siècle, le modèle c'est la France de François Ier. On a ensuite JOLINI (Italien) qui va partir de ses expériences napoléoniennes en Italie : ainsi, publie-t-il une série d'ouvrages dont un Commentaire des campagnes de Napoléon : il prend acte de la Révolution, c'est-à-dire de la Nation en arme : il cherche des règles explicatives générales. C'est un de ceux qui avec Clausewitz vont penser la notion de concentration des forces, de guerre totale, de montée aux extrêmes. C'est quelqu'un d'important dans la tradition française. CLAUSEWITZ qui était dans le camp adverse, et qui a refusé de collaborer avec la France : a écrit un ouvrage importante et cependant inachevé, De la guerre : il tente de modéliser, de codifier la guerre napoléonienne, il part de l'idée que la guerre est un affrontement entre Nations, on a donc des armées de masse, on a pour lui une tendance à monter aux extrêmes, il propose un modèle fondé sur la mobilité et la concentration des forces (il est en train de penser la guerre moderne). C'est le fondement de toute la stratégie allemande jusqu'en 1945 qui est présenté chez Clausewitz. Les stratèges allemands vont tenter de traduire pragmatiquement la pensée de Clausewitz durant les deux guerres, volonté de mobilité qui va être testée en 1914, puis en 1940. Ensuite présence de Clausewitz dans l'ensemble des théories nucléaires (par exemple sur la question de l'accumulation des forces et donc de la montée aux extrêmes).
[...] C'est une arme qui a une vraie doctrine d'emploi, mais c'est d'abord une arme d'interdiction. Tout cela nous amène à l'idée que la théorie de Clausewitz, le fond de la doctrine militaire classique jusqu'en 1945 fait l'objet de remaniements importants du moins entre puissances nucléaires (ce n'est pas le cas pour la première et même la seconde guerre en Irak qui sont d'un point de vue stratégique assez classiques : Clausewitz s'y retrouverait parfaitement). Les trois phases du nucléaire (de 1945 à 1980) 1945-49 : phase de monopole des États-Unis. [...]
[...] Mais très vite début avril les Américains arrivent devant Bagdad détruisent toutes les défenses de la ville, c'est un carnage, ça va très vite c'est très facile et le 14 avril l'occupation officielle du pays est terminée. On est là devant une opération intéressante. Saddam Hussein n'a pas bien joué ses cartes, il aurait dû basculer tout de suite vers des stratégies d'insurrection. Pour les États-Unis on a une stratégie qui n'est pas très démonstrative et ça a été vu comme un succès attribué à la capacité des États-Unis de gérer l'information, avec des destructions automatiques. On est sur un nouveau mode de guerre, avec une rupture qui est très intéressante. [...]
[...] On a là aussi un processus de sanctuarisation. La nationalisation des acteurs politiques. Cette question est loin d'être simple, mais il faut prendre le contre-pied de ce qui s'est beaucoup dit : les États seraient dépassés politiquement par le transnationalisme. Pour contrer le transnationalisme, on peut partir d'un fait qui paraît extraordinairement stable : c'est la grande difficulté à faire fonctionner des mouvements politiques transnationaux. Il s'agit de s'intéresser à des mouvements politiques, des partis politiques et aux gens qui mobilisent pour ces mouvements transnationaux. [...]
[...] Politiquement, ça amène le souverain à nÉgocier avec les dÉtenteurs du capital économique pour lever des tributs dans des situations de guerre. Quand on veut mobiliser du capital si on agit seulement par la contrainte on tari le capital, la stratégie des souverains sera donc de négocier avec les détenteurs du capital et non de les contraindre. Le cas de Venise : née d'une conjoncture spécifique dans l'Adriatique, Venise est donc intégrée à l'Empire byzantin (par le traité de Vérone, de 982, Venise paie tribut à l'empire Ottoman). [...]
[...] Progressivement l'État national va devenir la forme dominante, centrale et donc s'exporter. D'où la nécessité de comprendre pourquoi l'État national a pu émerger spÉcifiquement en Europe. La plupart des auteurs s'accordent sur des éléments clés : - l'unité culturelle qui n'a aucun équivalent en dehors de l'espace chinois. Dans l'espace de la chrétienté on peut trouver des règles pour l'exercice de la guerre qui se mettent en place par l'intermédiaire de l'Église : ceci permet de bâtir des généalogies politiques qui s'entrecroisent. - Le maillage des villes d'Europe. [...]
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