Ces vingt dernières années, les Relations Internationales sont précipitamment rentrées dans le détail ; adieu au mur de Berlin ! Bonjour au mythe de la « société civile internationale » ! On est passé sans transition d'un monde dominé par des idéologies de groupes d'Etats à un monde guidé par des revendications (presque) individuelles ; les grands blocs se sont dissous pour laisser place à une ère de « turbulence », à l'intérieur de laquelle l'Etat ne dispose plus du monopole de l'action extérieure. Confronté au système multi-centré, c'est-à-dire aux acteurs non étatiques de la scène internationale, il perd petit à petit sa marge de manœuvre. On estime qu'il n'est pas le plus qualifié pour réfléchir sur les enjeux mondiaux, mis à l'ordre du jour par ces nouveaux acteurs : la défense des droits humains, l'action humanitaire, la protection de l'environnement, etc.
Evidemment, il faut se méfier des conclusions hâtives ; l'avènement des nouveaux sujets du Droit International ne sonne pas le déclin des Etats. Les observateurs de la scène internationale ont trop tendance à raisonner en termes de vases communicants : tout égal par ailleurs. Pourtant, la mondialisation opère une synergie. Si elle offre une tribune aux acteurs non gouvernementaux, ce qui limite le pouvoir étatique, elle exige aussi une intervention accrue des Etats pour dégager les nouvelles règles du jeu international et les faire respecter.
Il demeure une certitude : l'action internationale n'est plus le monopole de l'Etat, et encore moins du MAEE. Pour survivre à l'heure de la mondialisation, la diplomatie française a donc le choix entre la distinction et la collaboration avec les nouveaux acteurs internationaux. A la lecture de la Réforme, le Quai d'Orsay semble avoir choisi la coopération, rompant de ce fait avec sa tradition. Au-delà du discours, il faut évaluer la réalité de cette tendance.
[...] Aujourd'hui, les apparitions les plus célèbres de la Société civile sont des coups d'éclat comme les manifestations à Gênes ou à Seattle en 2001. Les ONG françaises ne s'intéressent pas aux enceintes de négociations internationales ; elles préfèrent briller dans l'action. Il n'est donc pas évident que la Société civile souhaite collaborer avec le Quai d'Orsay ; on a souvent tendance à penser que c'est l'Etat qui résiste à la promotion des échanges entre les deux secteurs mais il faut bien reconnaître que les individus ou les ONG n'ont pas nécessairement envie de fusionner ou de s'associer avec l'Etat. [...]
[...] Le problème n'est pas différent avec l'Agence Française de Développement ; il règne une méfiance extrême. Dans le cadre de notre Association (Bretagne International), nous essayons de nous engouffrer dans les brèches créées par la coopération, d'allier celle-ci au business[30]. Ce désintérêt profond pour le secteur économique se traduit malheureusement par une perte d'influence importante pour la France en termes de diplomatie politique : - Un autre exemple illustre bien la distance entre la Diplomatie française et ses entreprises : les appels d'offres publiques internationaux ! [...]
[...] Le partage d'une même formation donne l'impression aux diplomates d'appartenir à un groupe à part. En comparaison avec d'autres administrations, la propension à recruter des consultants extérieurs est extrêmement faible au Ministère des Affaires Etrangères et Européennes (MAEE). Par conséquent, l'expertise du Quai d'Orsay se voit concurrencer par celles des ministères techniques ; la Délégation des Affaires Stratégiques du ministère de la Défense par exemple fait preuve de plus d'ouverture que celle du Centre d'Analyse et de Prévision (CAP). Une fois rentrés, les agents sont peu enclins à quitter le Quai d'Orsay car les détours à l'extérieur sont perçus par les diplomates comme un frein à leur progression de carrière[14] Cela signifie que l'ouverture à la diplomatie multiple n'est garantie ni par le recrutement ni au cours de la carrière du diplomate. [...]
[...] V Nos rapports avec le Quai d'Orsay ne peuvent pas être d'ordre concurrentiel puisque nous ne sommes pas un Etat. Nous pouvons les critiquer en revanche. Pour parler franchement, depuis le départ de Jacques Chirac, nos relations avec le MAE se sont améliorées. Bien sûr, nous n'avons pas les mêmes réseaux, nous ne sommes pas animés par les mêmes raisons, nous n'avons pas non plus les mêmes stratégies sur le terrain mais nous échangeons des informations surtout lorsque nous sommes sur un terrain d'action donné. C'est rarement nous qui prenons la décision d'aider. [...]
[...] Un intérêt national alternatif Quoi qu'ils en disent, les diplomates ont perdu de l'influence au profit d'acteurs économiques et sociétaux. L'action des ONG est notamment révélatrice des carences de l'action gouvernementale ; plus sensitive, la Société civile dégage les enjeux de demain ; C'est souvent elle qui contraint les Etats à modifier leur agenda. - Comme beaucoup d'autres acteurs, ils pèsent sur les stratégies diplomatiques des gouvernements, seuls habilités à négocier des accords et à signer des traités.[40] Plus discrètes, mais pas moins actives, les entreprises créent leurs propres règles du jeu. [...]
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