La Côte d'Ivoire a toujours été considérée comme un modèle de réussite en Afrique aussi bien au niveau économique qu'au niveau de la cohésion sociale. Cependant, la mort du fondateur de la république, Félix Houphouët-Boigny, a signé la mort de la stabilité et de la réussite ivoirienne, certains ironisant sur le « miracle ivoirien » devenu simple « mirage ». Le 24 décembre 1999, à la surprise générale, les militaires s'emparèrent du pouvoir. Les trois années qui suivirent furent marquées par un semblant de retour au calme. Le 19 septembre 2002, une partie de l'armée s'est à nouveau rebellée, prenant le contrôle de la moitié du pays. Pourquoi la démocratisation du régime et la mise en place de la compétition électorale qui s'en suit logiquement a t elle conduit à un tel désastre ? S'il existe bien une corrélation entre le début des troubles en Côte d'Ivoire et la fin du parti unique au pouvoir, la lutte pour l'accès au pouvoir des différents prétendants à la présidence ne peut expliquer à elle seule toutes les violences perpétuées en Côte d'Ivoire pendant la guerre civile, commencée le 19 septembre 2002 et reprise en novembre 2004 après une trêve, certains allant même jusqu'à parler, à tort ou à raison, de « génocide ivoirien », remémorent ainsi tristement les « conflits ethniques » ayant causé nombre de guerres civiles en Afrique. Par ailleurs, la diversité des ethnies en Côte d'Ivoire ne peut elle aussi expliquer à elle seule la crise ivoirienne : l'opposition Nord/ Sud (géographie, ethnies, religions, économies) n'est en effet pas propre à la Côte d'Ivoire. Etienne Balibar estime que la situation ivoirienne peut être rapprochée de celle des cinq autres états contigus : le Cameroun, le Nigeria, le Bénin, le Togo et le Ghana.
Une telle situation ne peut s'expliquer de façon simple, les causes d'un tel conflit étant multiples et complexes. Le déclenchement de la crise comporte des facteurs aussi bien endogènes qu'exogènes . La politique libérale du « vieux » favorable à l'intégration des étrangers, renforçant ainsi la cohésion de la société ivoirienne est, bien que paradoxalement, une des causes de la crise en Côte d'Ivoire. La crise économique et le processus de démocratisation des années ont eux aussi leur part de responsabilité. Cependant, ce qui a mis le feu au poudre, est l'instrumentalisation par des hommes assoiffés de pouvoir d'un concept à l'origine fédérateur : l'ivoirité. En utilisant des sujets aussi sensibles que peuvent l'être l'identité et l'ethnicité dans des nations encore trop jeunes pour être solides, soumises à une fragmentation ethnique causée par la délimitation artificielle des territoires issue de la colonisation, les hommes politiques de la Côte d'Ivoire ont abusé d'un terme qui a transformé la Côte d'Ivoire de Houphouët-Boigny, « une terre d'accueil », en un pays rongé par la xénophobie, la peur de l'autre et d'exclusion.
Comment est on arrivé à cette situation ? Comment un terme à l'origine fédérateur de l'identité ivoirienne a t il pu devenir la base de tant de violences exercées à l'encontre de l'autre et détruire tout esprit unitaire de nation ivoirienne ? Tout ce qui inclut exclut forcément en contrepartie : la notion identitaire de l'ivoirité inclut et renforce la cohésion de ceux qui ont la chance de faire partie de ce groupe, et donc, mécaniquement exclut ceux qui n'y sont pas admis. Tout dépend de l'usage que l'on veut en faire. L'ambiguïté fondatrice de l'ivoirité a donc été utilisée, creusée par des hommes prêts à tout pour le pouvoir, y compris à déclencher une guerre civile.
Ce mémoire a pour but d'essayer de comprendre comment la question identitaire en Côte d'Ivoire, alors que le pays a joui d'une stabilité exemplaire pendant plus de trente ans en dépit du caractère pluri-national de sa population, a conduit à la situation actuelle, une partition du pays entre le nord et le sud. La dégradation économique, l'incapacité de la classe politique à gérer l'après Houphouët-Boigny et la question de l'identité sont les trois causes majeurs du conflit en Côte d'Ivoire. Nous nous intéresserons ici tout particulièrement à la problématique identitaire soulevée par le concept d'ivoirité, les deux premiers n'étant considéré comme facteurs de la crise que dans la mesure où ils ont permis à l'ivoirité d'acquérir une dimension xénophobe et mortifère.
Nous analyserons donc dans une première partie l'évolution de la signification de l'ivoirité. Cette notion comporte en effet à la base une dimension uniquement culturelle. Elle n'a pris sa signification raciste que suite à l'instrumentalisation politique qui en a été faire par les hommes politiques à la mort de Houphouët-Boigny.
Nous verrons ensuite dans une deuxième partie comment et pourquoi le concept de l'ivoirité, excluant les « non-ivoiriens », s'est répandu dans la société, conduisant à la situation actuelle. Par quel moyens le concept identitaire d'ivoirité s'est il diffusé dans la société ? Comment est on passé d'une crise économique et politique à un contexte de guerre civile ethnique et religieuse?
[...] En séparant les ivoiriens de souche du sud et des étrangers du nord, l'ivoirité a divisé la nation en deux groupes auparavant unifiés. La manipulation de l'identité ivoirienne a conduit la population a s'entretuer, unie derrière les partis politiques censés les représenter. Partie 2 La crise ivoirienne : la dérive identitaire La fin du miracle ivoirien terreau favorable à la montée du repli identitaire 1 Les causes exogènes : crise économique et démocratisation La Côte d'Ivoire a dû faire face à l'épreuve de la démocratisation avec la fin du parti unique. [...]
[...] C'est alors qu'il se sensibilise au syndicalisme ; son enseignement, jugé "subversif", lui vaut deux ans de prison au début des années 70. Entré comme chercheur en 1974 à l'Institut d'histoire, d'art et d'archéologie africaine (IHAAA) de l'Université d'Abidjan, il en devient le directeur en 1980. Son engagement syndical reste actif et il est considéré comme le principal artisan de l'agitation estudiantine de 1982. Il part alors en exil en France et ne reviendra en Côte d'Ivoire qu'en 1988, pour se faire élire Secrétaire général du Front populaire ivoirien parti d'opposition dont il avait créé l'embryon en 1982. [...]
[...] L'instrumentalisation de l'identité dans un conflit africain et ses conséquences : L'ivoirité dans le conflit en Côte d'Ivoire Sommaire Introduction : Contextualisation 1. Carte de la situation en Côte d'Ivoire fin Chronologie 3. Introduction et problématique Partie 1 : L'évolution du sens de l'ivoirité. Entre dimension culturelle fédératrice et instrumentalisation politique : la dérive xénophobe La conceptualisation de l'identité ivoirienne, ciment fédérateur de la nation ivoirienne 1. Les fondements socio-culturels de l'ivoirité : une manifestation de la spécificité de la culture ivoirienne 2. [...]
[...] Les incitations à la violence, à l'exclusion et à l'intolérance, ainsi que les appels en faveur d'une reprise du conflit armé se sont poursuivis sans interruption dans les médias ivoiriens, en particulier dans ceux associés au parti au pouvoir Le discours de la presse, arme de guerre a abouti à la marginalisation des étrangers et des ivoiriens du Nord, incarnés dans la personne d'Alassane Dramane Ouattara. C'est au cours de l'élection présidentielle de 2000, dont a été exclu ce dernier, que la presse a particulièrement mobilisé le concept de l'exclusion. Les journaux des différentes formes politiques se sont alors lancées dans une surenchère, se transformant en véritable brûlot haineux. [...]
[...] Le lendemain, apparemment, une dizaine de personnes portant des noms dioula[48] ont été tuées en plein centre de Duékoué. De même, la publication du résultat des élections présidentielle en 2000 avait généré le déchaînement d'une violence extrême. Des affrontements eurent lieu, dans un premier temps, entre les partisans du FPI et l'armée, avant l'officialisation de la victoire de Laurent Gbagbo. Le lendemain le 26 octobre 2000, ce n'était plus une simple lutte pour le pouvoir qui avait lieu, mais de véritables règlements de comptes entre les ivoiriens de souche et les étrangers L'appel à la manifestation du RDR pour la tenue d'une nouvelle élection dégénéra en affrontements ethniques. [...]
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