Le 30 mars 2004, S.E Doron Grossman, ambassadeur d'Israël et initiateur des échanges bilatéraux avec l'Ethiopie dans les domaines de l'eau et de la valorisation des terres agricoles, est retrouvé mort dans un hôtel d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. D'aucuns pensent que le plénipotentiaire pourrait être une des premières victimes d'une guerre régionale de l'eau.
« La politique d'un état est dans sa géographie » avait écrit Napoléon. La géographie de l'Afrique orientale est caractérisée par un climat aride et désertique qui fait de l'eau une denrée rare et prisée. Dans ce contexte, son accès acquiert un statut stratégique quand cette ressource peut être aussi bien la finalité des conflits qu'un simple instrument de puissance d'un Etat pour s'imposer comme leader régional.
A l'origine de la vie et de la sédentarisation, l'eau n'est ni énergétique ni minière, elle est tout
simplement indispensable. Au point que l'année 2003 a été proclamée « année internationale de l'eau douce » par l'UNESCO et par l'Assemblée générale de l'ONU qui vient de déclarer que l'accès à l'eau potable est un droit humain fondamental. Entre le sommet de la Terre à Rio en 1992 et celui de Johannesburg en 2002, il y a une prise de conscience croissante de l'enjeu vital qu'elle représente pour l'avenir. Pour les Nations-Unies, « … la situation [ndlr pénurie] peut entraîner une série de catastrophes locales et régionales et des confrontations pouvant conduire à une crise mondiale. Comme le pétrole, l'eau pourrait devenir un motif de guerre ou de paix ». Les ressources en eau sont rares, fragiles et inégalement réparties dans l'espace et entre les populations : en Islande chaque personne dispose annuellement de 600 000 m3 d'eau douce, au Koweït, chaque individu doit se contenter de 75 m3 ! Ces ressources sont en outre
assujetties à des usages conflictuels comme par exemple entre les besoins en eau potable domestique -qui ne feront que croître particulièrement là où la croissance démographique et l'urbanisation sont très rapides - et les besoins agricoles tels que l'irrigation. En ce début du XXI° siècle « l'or bleu » est en passe de devenir l'objet d'enjeux majeurs aussi bien qu'un facteur limitant essentiel à l'encontre du développement.
Depuis quelques années, le problème de l'eau occupe une place prégnante sur le devant de la scène du Proche-Orient. Le conflit du bassin nilotique fait partie des trois conflits majeurs dans le monde concernant le partage des eaux. Il intéresse plus particulièrement l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie alors que les pays en amont manifestent encore peu leur volonté de se lancer dans de grands aménagements hydrauliques même si quelques projets émergent. Cette préoccupation croissante est liée à la fois à la forte pression démographique de la région et corrélativement à la recherche de terres cultivables pour assurer l'alimentation de cette même population.
La problématique de l'eau est une question centrale en Egypte dont le territoire est implanté dans un des plus grands déserts du monde. L'utilisation des eaux du Nil par l'Ethiopie et le Soudan est devenue le prétexte à des désaccords en raison de l'explosion démographique, de la croissance urbaine, du développement d'activités industrielles et touristiques, du souci de la sécurité alimentaire de mise en valeur de terres agricoles nouvelles et du réveil de nationalismes sourcilleux. Autant de facteurs qui ne peuvent qu'aviver les conflits et rendre la pénurie de plus en plus difficile à gérer.
L'Egypte n'est pas encore dans une situation de pénurie hydrique puisqu'elle ne consomme pas toutes ses ressources et dispose d'autres approvisionnements que le Nil. Mais le problème est
posé. En effet, le fleuve représente le point nodal de la politique de sécurité de l'Egypte du fait de sa position géographique en aval du bassin et de la dépendance des pays amont qui pourvoient 97 % du débit. La meilleure réponse est certes la coopération régionale mais dans un contexte de crise civile au Soudan, il est difficile d'imaginer un consensus satisfaisant toutes les parties.
Ainsi, la politique de l'eau égyptienne doit jongler avec des paramètres complexes et opposés, tenaillée d'un coté par la pression extérieure des autres pays du bassin nilotique qui jusqu'à présent ont peu mis en valeur leurs ressources hydrauliques, mais aussi par une pression intérieure tout aussi vive qui doit prendre en compte la détresse humanitaire dans un paysage politique recomposé lié à la percée des Frères musulmans aux dernières élections législatives. La résolution des problèmes des uns se fera fatalement au détriment des autres. Alors que le
spectre d'une guerre de l'eau semble s'éloigner, le président Hosni Moubarak devra rendre des arbitrages s'il veut conserver son rôle de médiateur régional et se présenter comme l'interlocuteur privilégié des instances internationales au Proche-Orient. La paix est à ce prix.
Pour illustrer ce propos, il est nécessaire d'avoir à l'esprit quelques notions sur l'énorme capacité hydrique de l'Egypte qui dégage une sensation d'abondance (I) avant d'évoquer les conflits interétatiques (II) nés de l'histoire contemporaine du bassin nilotique pour finalement évoquer les grandes lignes des chantiers et projets de paix (III) dont la conception remonte pour certains à plus d'un demi-siècle.
[...] Pourtant, l'Egypte tombe successivement sous la domination de Rome, de Byzance de Bagdad et de Damas avant de redevenir du au XII° siècle une puissance indépendante sous les Fatimides. Son histoire est troublée par les Mamelouks, esclaves mercenaires qui dominent la vie politique du pays jusqu'au début du XVI° siècle, avant de passer sous la domination de la Sublime Porte10. En 1805, Mehmet Ali, général albanais téméraire, est nommé Pacha d'Egypte et s'affranchit peu à peu de l'Empire ottoman par les armes. [...]
[...] L'Egypte n'échappe pas à ce phénomène même si l'énorme débit du Nil, dont les crues nourricières ont rythmé le quotidien des paysans, semble procurer une sensation d'abondance. En apparence seulement. Chapitre 1 L'Egypte, un don du Nil (Hérodote) Section 1 - Un fleuve transnational qui draine un bassin monumental Plus long fleuve du monde il devance l'Amazone de près de 200 kilomètres le Nil draine sur ses kilomètres un bassin hydrographique imposant de (cf. annexe I). Imposant il l'est à deux titres : il représente d'abord quelque 10% de la superficie totale du continent africain soit six fois la superficie de la France et concentre ensuite, le long de ses rives, un ensemble de 185 millions d'habitants soit l'équivalent de 20% de la population totale de ce continent. [...]
[...] Le creusement du canal de Jongleï II est reporté, la situation actuelle empêchant de facto de terminer le premier ouvrage. Ni l'Egypte ni le Soudan ne possède aujourd'hui l'initiative et les moyens politiques pour relancer les travaux d'aménagements hydrauliques du haut Nil. Le soutien de l'APLS par l'Ethiopie, le Kenya et l'Ouganda implique une renégociation préalable des accords de 1959. Tableau 6 : caractéristiques du canal de Jongleï I Longueur totale Profondeur Largeur Vitesse d'écoulement Quantité totale d'eau récupérée Quantité d'eau utile après évaporation Gain net pour le Soudan à Khartoum Gain net pour l'Egypte à Assouan 360 kilomètres de 4 à 7 mètres de 28 à 50 mètres 3,5 kilomètres / heure 4,8 milliards de m3 du débit annuel du Nil) 4,2 milliards de m milliards de m milliards de m3 Source : L'eau au Proche-Orient - 2002 Chapitre 3 La réforme interne de la gestion de l'eau Selon les conclusions de la mission économique de l'Ambassade de France au Caire, la gestion de l'eau procède d'une compatibilité simple : les usages domestiques peuvent être calculés sur la base d'un besoin de 200 litres par jour et par personne, soit 5 km3, les besoins à usages industriels mobilisent u volume identique ; la navigation sur le Nil nécessite environ 2 km3 et les besoins pour l'irrigation environ 54 km3 sur la base d'1,34 m3 par hectare. [...]
[...] A l'ouest, la province du Darfour compte de nombreuses tribus ; toutes sont musulmanes mais l'arabe n'est pas la langue maternelle. En Ethiopie, environ 20 millions d'Amharas, de langue afro-sémitique, vivent dans les montagnes près de la source du Nil bleu, cœur historique de l'ancienne Abyssinie. Au siècle, le royaume d'Ethiopie se convertit au christianisme orthodoxe, confession modérée qui tolère les survivances païennes. Environ Nuers, pasteurs nomades de langue nilotique vivent dans la plaine, chassés du sud du Soudan par la guerre civile. [...]
[...] André Dulait et François Thual Le Moyen-Orient et l'eau Centre de réflexion et d'études sur les problèmes internationaux Juin Le forum mondial de l'eau a eu lieu à Kyoto en 2003, le aura lieu en 2006 à Mexico croissante est liée à la fois à la forte pression démographique de la région et corrélativement à la recherche de terres cultivables pour assurer l'alimentation de cette même population. La problématique de l'eau est une question centrale en Egypte dont le territoire est implanté dans un des plus grands déserts du monde. L'utilisation des eaux du Nil par l'Ethiopie et le Soudan est devenue le prétexte à des désaccords en raison de l'explosion démographique, de la croissance urbaine, du développement d'activités industrielles et touristiques, du souci de la sécurité alimentaire de mise en valeur de terres agricoles nouvelles et du réveil de nationalismes sourcilleux. [...]
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