Au niveau mondial, les fortes disparités régionales observées en matière hydrique sont inquiétantes, 10 pays se partageant 65 % des ressources en eau potable. Mais ces chiffres globaux cachent des situations excessivement contrastées et surtout évoluant très rapidement. Le volume d'eau disponible par habitant au Proche-Orient en 2025 aura diminué de 80 % depuis 1960, passant de 3400 m3 à 650 m3 alors que le seuil d'alerte fixé par la Banque Mondiale est de 2000 m3. Les besoins croissent 2 fois plus vite que les ressources faisant de l'eau un objet de convoitises. Pour son appropriation, les Etats se livrent une véritable bataille, qu'elle soit larvée ou ouverte. Le partage de l'eau dans ces régions est l'un des plus délicats, l'un des plus complexes à résoudre tant ses implications stratégiques, politiques, économiques et sociales sont multiples et enchevêtrées, notamment dans le cas des fleuves transnationaux. L'eau devient un facteur d'affrontement de par ses enjeux, et de ce fait, une arme et un instrument politique.
L'eau au Proche-Orient pose donc un double problèmes. Si à un premier niveau, il s'agit de dresser un tableau des rapports de force existants, il est aussi nécessaire de s'interroger sur la dynamique particulière introduite par le facteur hydrique. Celui-ci n'est pas une place figée dans la hiérarchie des facteurs déterminants de la géopolitique. C'est là toute la spécificité de cette région par rapport au reste du monde, celle de voir sa situation climatique et ses ressources en eau conditionner son développement, les relations interétatiques et par là modifier son équilibre géopolitique. Cependant le problème de l'eau vient s'ajouter à des problèmes plus profonds (territoriaux, religieux, culturels…) : l'emploi du terme de géopolitique de l'eau, « d'hydropolitique » peut-il se justifier ou bien est-ce que le facteur hydrique n'est qu'une composante parmi d'autres d'une géopolitique régionale, et dont le rôle serait de ce fait à relativiser ? La recherche d'une typologie qualitative du rôle de l'eau sera donc un des axes de réflexion à approfondir : l'eau comme élément suffisant à créer des conflits et une géopolitique propre qui échapperait en partie au contrôle des Etats car dépassant le seul cadre national, l'eau comme simple sous-catégorie d'une géopolitique parmi d'autres, ou l'eau comme caractéristique majeure de la géopolitique ? Ces distinctions peuvent se résumer à travers l'analogie suivante : le Proche-Orient s'inscrit-il dans une géopolitique de l'eau comme les pays du Golfe s'inscrivent - presqu'exclusivement - dans une géopolitique du pétrole ? Cette série d'interrogations porte en elle une autre problématique plus générale mais essentielle car posant la question de la place des négociations bilatérales et ponctuelles dans un processus de paix plus global : le problème de l'eau peut-il se régler seul ou doit-il s'intégrer dans un règlement général, politique des conflits pour être efficace, peut-il servir de préalable à la paix, de terrain d'entente de par ses spécificités ?
L'eau, ressource rare et déclinante est aussi irremplaçable, faisant d'elle un enjeu géopolitique majeur au Proche-Orient. A ce titre, les ensembles fluviaux du Jourdain, du Tigre et de l'Euphrate révèlent une importance essentielle de par leurs potentiels. Mais l'eau n'est pas seulement conflictuelle de par la nécessité de satisfaire les divers besoins vitaux ; elle l'est aussi intrinsèquement car chargée de symboles et significations dépassant la simple dimension de lutte pour la survie. C'est là toute la spécificité de l'eau au Proche–Orient car si l'eau rare n'est le seul apanage de cette région qui n'est pas la plus désertique du monde, elle prend toute sa dimension dans une géopolitique particulière, participant aux conflits régionaux, que ce soit l'affrontement israélo-arabe, les ambitions turques ou les problèmes minoritaires. Mais l'eau, arme politique dans une géopolitique de guerre peut l'être aussi dans une géopolitique de paix, pouvant favoriser une coopération régionale : une fois débarrassé de l'hypothèque des velléités d'autosuffisance hydrique et sous les pressions d'une nécessité dictée par les bouleversements de la donne internationale, les prémices d'une coopération régionales se dessinent.
[...] A ce titre, une remarque préliminaire d'importance s'impose : ni le Tigre, ni l'Euphrate, ni le Jourdain dans une moindre mesure ne prennent leur source en pays arabe. Cet état de fait prend toute son importance au regard de la situation hydrique des différents pays : un pays assoiffé aura d'autant plus tendance à revendiquer les avantages que peut procurer un fleuve. Aperçu géo-hydrologique des principaux fleuves - 2. La Turquie et le Liban, châteaux d'eau du Proche-Orient Deux groupes de pays sont à distinguer : ceux pouvant subvenir aux besoins de leur développement et ceux dépendant de ressources renouvelables externes venant de pays voisins. [...]
[...] Deuxième partie : Les zones de conflits, des guerres de l'eau ? L'eau prend toute son importance dans un Proche-Orient dépourvu de ressources pétrolières - si l'on excepte les puits turcs de l'est. La rareté de l'eau en fait à la fois un enjeu à conquérir pour les pays en manquant et un instrument pour ceux en possédant. Peut-on alors parler de guerre de l'eau dans un contexte déjà lourd de conflits et de rivalités ou est-ce que l'eau n'est qu'un théâtre d'opération secondaire ? [...]
[...] Or les contentieux ne manquent pas pour fournir un motif de guerre : l'eau en est un. Mais le risque majeur vient des relations turco-syriennes. Damas ne peut que difficilement accepter sa situation de dépendance hydrique à l'égard de la Turquie. Si la question kurde a pu être en partie résolue, elle reste toujours en suspens. Tant que la Turquie ne l'aura pas définitivement réglée sur son propre territoire, elle pourra servir de moyen de pression pour la Syrie dans les discussions sur l'eau. [...]
[...] La résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies, votée en mars 1978, appelle au retrait immédiat des forces israéliennes du Liban. L'opération se renouvelle en 1982 avec l'opération Paix en Galilée dirigée contre les Palestiniens et atteignant jusqu'à Beyrouth, sorte de tampon. Une des premières tâches effectuée par les Israéliens fut de saisir tous les cadastres fonciers et autres données hydrographiques de la région de Qasmiyeh où se trouve le coude du Litani. De nombreux rapports d'observateurs et un rapport du CESAO (organisme onusien sur le problème de l'eau) rapportent des travaux de pompages et de terrassements millions de m3 seraient ainsi acheminés par un tunnel de 3 kilomètres reliant le Litani à Israël, véritable piratage hydraulique. [...]
[...] Urbanisation, intensification de l'agriculture et industrialisation conduisent aussi à une surexploitation et à une pollution aggravée des eaux, diminuant d'autant le potentiel disponible. Ainsi les nappes phréatiques de la bande de Gaza sont infiltrées par de l'eau de mer, augmentant le taux de salinité des eaux. Cette distorsion croissante entre besoins et ressources est génératrice de conflits. Irremplaçable mais déclinante, l'eau en général et les fleuves plus particulièrement de par les potentiels et possibilités qu'ils offrent deviennent ainsi un enjeu majeur, une ressource stratégique intéressant directement la sécurité des pays. [...]
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