Toute étude sur le dialogue arabo-africain doit tenir compte du long terme historique. La présence de l'islam au sud du Sahara est millénaire, même s'il n'y est devenu religion populaire qu'aux XVIII et XIX siècles. Les musulmans d'Afrique noire ont constamment été en contact avec ceux du Maghreb et du Marek. Le développement contemporain des échanges entre les deux ensembles doit être analysé comme la revitalisation, l'actualisation de liens séculaires que la colonisation aurait simplement occultées.
Assoupies pendant la période coloniale et la première décennie des indépendances, les relations avec le monde arabe deviennent une composante intégrale de la politique extérieure des Etats subsahariens au début des années 70. Dans un contexte de crise pétrolière et de montée récurrente des égoïsmes nationaux en occident, le monde arabe, fort de la nouvelle puissance financière qu'il tire de la hausse de ses revenus pétroliers, s'impose comme un partenaire idéal pour les Etats africains.
Le rapprochement arabo-africain consécutif à la guerre israélo-arabe d'octobre 1973 semblait en effet devoir modifier radicalement la configuration géopolitique de cette région du monde. Dans cette perspective, Arabes et Africains, réunis en sommet au Caire en mars 1977, mettaient en place les institutions destinées à promouvoir cette coopération. Parmi celles-ci, la plus importante était certainement la BADEA (banque arabe pour le développement économique en Afrique), institution multilatérale au capital de laquelle chaque Etat arabe contribua selon ses possibilités ; par ailleurs, individuellement, les pays producteurs du pétrole (notamment le Koweït, Abu Dhabi, l'Arabie Saoudite, Irak) créaient des fonds de développement nationaux ou des établissements bancaires (cas de la Libye) dont l'action était partiellement ou totalement orientée vers l'Afrique.
Dans l'euphorie des « retrouvailles », on se prenait à rêver d'un « nouvel ordre » politico-économique afro-arabe, creuset d'un ordre mondial moins inégalitaire, à l'abri de l'affrontement entre l'est et l'ouest et témoignage éclatant d'une coopération sud-sud qu'on voulait exemplaire. Quelque quinze ans après le sommet du Caire, le monde a effectivement changé : l'Afrique s'est bien dégagée de la logique bipolaire, mais parce que les blocs se sont dilués ; marginalisée, elle ne représente plus un enjeu international, malade économiquement, elle ne doit sa survie qu'aux thérapies de choc des institutions de Bretton Wood. L'ordre mondial qui se met en place après la guerre du Golfe consacre l'écrasante domination américaine. Le monde arabe, de son coté, n'a jamais paru aussi divisé. Israël, enfin, effectue un retour en force au sud du sahara.
[...] Ce qui le caractérise- le conflit du Golf l'a dramatiquement illustré - c'est la concurrence et la rivalité, au détriment d'un consensus, souvent obtenu par la contrainte lorsqu'il s'établit. Les actions arabes au sud du Sahara sont le reflet de ces divisions, et la transposition hors des frontières géographiques du monde arabe des conflits qui le minent : l'antagonisme entre progressistes et conservateur hostilité algéro- marocaine à propos du Sahara occidental ; rivalité entre panarabisme révolutionnaire libyen et panislamisme d'inspiration saoudienne etc. La prise en compte de cette hétérogénéité sape tout postulat qui défend l'existence d'une politique arabe en Afrique noire. [...]
[...] Or, ce transfert était plutôt un facteur de dépendance à l'égard des pays développés au service de l'endettement et de la crise. Concernant l'investissement intérieur Brut (I.I.B), une hétérogénéité flagrante des situations est à relever. Ainsi, si le taux d'I.I.B. est croissant pour certains pays comme le Cameroun (II est passé de 16,6 Milliards d'$us de dettes entre 1965 et 1973 à 21,8 Milliards d'$us durant la période 1973 - 1980), c'est le cas également du Kenya qui est passé de 22,6 Milliards (1965-1973) à 26,2 Milliards (1973-1980) et à 25,1 Milliards entre 1980 et 1987. [...]
[...] La crise à des explications stratégiques et psychologiques. En étant présent au Sahara occidental, le Maroc maintient ses liens séculaires avec l'Afrique noire et contrôle les phosphates de Bou Craa qui, ajoutés à sa production traditionnelle, lui permet de peser sur les cours mondiaux. En voulant imposer le Front Polisario au Sahara occidental, les Algériens espèrent avoir un accès direct à l'Atlantique et condamner le Maroc à rester un pays agricole. Ce blocage incombe aux généraux liés à la vieille garde arabophone du FLN, aujourd'hui en déclin, mais encore capables de brouiller les cartes. [...]
[...] Dams cette perspective, chaque Etat arabe s'efforce de s'imposer aux yeux des musulmans du monde entier comme le meilleur défenseur de l'islam, quitte, pour cela, à entrer en conflit avec les autres . Mais plus déterminant que tout a sans doute été le facteur libyen Dams le cadre de la rivalité qui l'oppose aux autres Etats arabes, la Libye, suite à ses déboires panarabes, a fait de l'Afrique noire l'espace privilégié de son affirmation tant que puissance régionale . Dans cette perspective, Tripoli s'engageait dès 1974-1975 dans une politique subsaharienne volontariste. [...]
[...] Les ONG présentent l'avantage d'être actives au niveau des masses populaires arabo-africaines, ce que le circuit diplomatique officiel ne peut pas assurer. En effet l'universalité de l'umma s'incarne en Afrique dans l'importante aide religieuse et culturelle arabe[27] depuis quelques années, iranienne). Il y bien sûr l'aide officielle, qui passe par les appareils étatiques. Ses manifestations les plus visibles sont ces centres culturels et /ou sociaux construits un peu partout par les Etats producteurs de pétrole. Leur existence témoigne de la dimension missionnaire de l'aide islamo- arabe, inséparable de la dimension économique et financière. [...]
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