Dans un livre intitulé « Le Choc des civilisations », le professeur Samuel P. Huntington estimait en 1996 : « Si la Chine maintient son haut niveau de croissance économique au XXIe siècle, préserve son unité et ne se déchire pas dans des luttes de succession, […] tout l'invite à s'assurer une position hégémonique en Extrême-Orient ». Cette hypothèse s'inscrivait dans la perspective plus vaste d'une étude sur les risques de multiplication et de propagation de conflits un peu partout dans le monde, provoqués par des tensions de nature ethnique, tribale ou religieuse entre les différentes civilisations.
Bien que dix années se soient écoulées depuis la publication de cet ouvrage, les derniers conflits ont confirmé l'actualité de la problématique du choc des civilisations. A propos de la Chine, dont l'émergence sur la scène internationale se confirme, on peut se demander si le pays est perméable au « conflit des civilisations ». Aussi, deux des civilisations identifiées par Huntington retiendront plus
particulièrement notre attention car elles sont impliquées dans des tensions avec la Chine : l'Occident et l'Islam.
L'influence de l'Occident s'exprime principalement au travers d'une bipolarisation des relations entre la Chine et les Etats-Unis, dans un contexte de pressions récurrentes à propos de la démocratie et des Droits de l'homme. Cependant, le gouvernement chinois privilégie la stabilité intérieure et n'envisage une éventuelle évolution du régime que sur le long terme, c'est pourquoi l'influence européenne paraît mieux accueillie que l'approche plus directe et moralisatrice des Américains. Entre Chine et Islam, le séparatisme ouïgour constitue le principal point d'achoppement de type « civilisationnel » susceptible de se radicaliser en cas d'échec de la politique d'assimilation.
C'est pourquoi Pékin reste prudent dans ses relations avec les pays musulmans, même si la plupart de
ces minorités sont d'implantation ancienne et que leur ancrage historique tend à les préserver des
influences fondamentalistes extérieures. En définitive, les spécificités de la civilisation chinoise constituent autant de facteurs de cohésion et d'équilibre dans la période actuelle de transition dont les enjeux économiques et sociaux représentent un risque non négligeable de déstabilisation. Pour autant, Pékin ne paraît pas animé d'une réelle volonté de démocratisation et donne la priorité à une « émergence pacifique » qui semble écarter dans l'immédiat le risque d'un éventuel « conflit des
civilisations ».
[...] La perméabilité est donc contenue, aux frontières avec l'islam, par une garde prétorienne issue de l'ethnie chinoise dominante. Au bilan, même si la communauté musulmane chinoise présente une perméabilité potentielle sur le plan religieux aux influences extérieures véhiculées par l'Islam, les acteurs possibles d'un conflit civilisationnel que sont les États musulmans et les organisations islamistes ne semblent pas aujourd'hui disposés ou en mesure d'affronter la Chine sur ce terrain VAIRON Lionel, Défis chinois op. cit., pp. 260- TROISIÈME PARTIE : LES CONSTANTES DE LA CIVILISATION CHINOISE Comme la Chine est-elle gouvernée ? [...]
[...] Une société réussie protège la liberté par l'application constante et impartiale de la règle du droit, au lieu d'une application sélective des lois, destinée à punir l'opposition politique. Une société dynamique assure un espace aux institutions civiles : partis politiques, syndicats, journaux et médias audiovisuels indépendants. Une société réussie garantit la liberté des cultes : le droit de servir et d'honorer Dieu sans crainte de persécution. Une société prospère privatise son économie et défend le droit à la propriété. Elle interdit et sanctionne la corruption officielle et investit dans la santé et dans l'éducation de sa population. [...]
[...] L'économie constitue pour sa part un formidable moteur, mais elle n'est pas à l'abri d'un retournement de conjoncture. Sur le plan social, l'attente des populations défavorisées est réelle, qu'il s'agisse des paysans de l'Ouest touchés par la concurrence des produits importés, des chômeurs ou des tâcherons confrontés à la prospérité des métropoles du Sud- ZHANG Lun, «L'avenir de la Chine à l'épreuve des défis», pp. 21-32 in ASIE 21 FUTURIBLES Groupe d'étude prospective sur l'Asie, La Chine à l'horizon 2020, op. [...]
[...] Face à elle, les anglais réclamaient, au nom de leur puissance et de leurs intérêts, qu'il n'y ait plus qu'un monde afin que puissent circuler librement les marchandises. Aujourd'hui encore, l'économie et le commerce demeurent des enjeux primordiaux dans les relations entre États, mais le contexte a changé puisque le volume des échanges, l'interpénétration des marchés et les interactions monétaires conduisent à une globalisation au sein de laquelle le poids économique des acteurs est devenu déterminant : si un poids lourd vient à vaciller, ses partenaires doivent être prêts à en subir les conséquences sur leur propre économie. [...]
[...] C'est pourquoi la Chine s'emploie à mener une politique étrangère visant à l'apaisement des tensions avec les pays musulmans. Nous étudierons dans cette partie la problématique des minorités musulmanes chinoises au travers de l'exemple ouïgour, puis nous verrons plus globalement comment se traduit en Chine la résurgence de l'Islam pour terminer sur les actions intérieures et extérieures menées par le gouvernement face à ce phénomène LA QUESTION OUÏGOURE La question ouïgoure est le principal point d'achoppement civilisationnel entre la Chine et l'Islam (cf carte La Chine face à l'Islam en annexe même si elle revêt un caractère plus ethnique que religieux. [...]
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