Analyse stratégique, discours du Kremlin, conflit ukrainien, opération spéciale, Science Po Toulouse, agression russe, discours impérialiste, souveraineté limitée, menace occidentale, territoire séparatiste, Géorgie, Ukraine, Russie, Kyiv, politique étrangère, IEP Institut d'Études Politiques
Cette étude examine la décision russe d'agresser l'Ukraine en prétendant à une « opération spéciale » de libération des populations russophones alors que la réalité du terrain révèle tout l'inverse. Tout d'abord elle s'inscrit dans une perception historique de la Russie visant à nier l'identité ukrainienne et à assujettir le pays. Les motifs invoqués de protection des populations de leur droit à l'autodétermination et du principe de légitime défense correspondent en réalité à une volonté de contrôle de la Russie sur son voisin influencée par la crainte. D'un Occident diabolisé loin d'être la guerre éclair envisagée, l'opération en Ukraine a notamment été entravée par la réaction occidentale, des erreurs stratégiques sur le terrain et la résilience ukrainienne. En conséquence, l'invasion a affaibli la Russie dans ce qu'elle considère être une priorité, soit la mainmise sur son étranger proche généralement et l'Ukraine précisément.
[...] Cette stratégie s'est concrétise par des efforts d'intégration de facto. Une logique visant une intégration de facto étape par étape, s'alignant sur les intérêts du Kremlin Alors que les forces russes se concentrent sur la « restauration de l'intégrité territoriale » des deux républiques populaires dans le Donbass, un processus d'intégration de facto a été engagé dans les zones occupées de Kherson et Zaporijia. Dans les deux cas, l'intégration est politico-administrative, économique, culturelle, et associe les institutions et les régions russes. [...]
[...] Anne de Tinguy note que « la guerre, on le voit, a accéléré les fractures, les oppositions et les tensions au sein de l'espace postsoviétique »449. En d'autres termes, la guerre « précipite la mutation du rapport des Etats de la région à leur environnement extérieur dans des conditions d'autant moins favorables à la Russie que celle-ci risque de sortir de ce conflit durablement affaiblie et déstabilisée »450. En somme, l'agression russe en Ukraine marque une réelle rupture entre ces deux anciennes républiques soviétiques, en plus de signer un « échec flagrant de la politique d'alliance russe dans sa sphère d'influence » Goujon Alexandra, Op. [...]
[...] L'Ukraine comme la 100 Géorgie ont vu ces ingérences se concrétiser par des interventions militaires russes violant leur intégrité territorale. Toutefois, le caractère de guerre éclair mené en 2008 en Géorgie se différencie du conflit actuel en Ukraine qui dure depuis plus d'un an et demi. En outre, la politique étrangère russe présente des cohérences intrigantes, notamment une obsession persistante autour du précédent du Kosovo. Ce précédent est constamment invoqué et utilisé comme justification, tout en étant critiqué pour fustiger le comportement de l'Occident. [...]
[...] Cette démarche est justifiée officiellement par la volonté de faciliter les déplacements, mais elle contribue en réalité à une intégration de facto de ces territoires à la Russie. La politique de passeportisation consiste en un « mouvement de naturalisation extraterritorial de masse »256. La professeure de droit international Mélanie Dubuy s'interroge quant à l'« annexion voilée, larvée » que cela représente. Elle s'observait, avant le conflit de 2022, en Crimée et dans les provinces de Donetsk et Louhansk, avant d'être mise en place dans les territoires occupés de Kherson et Zaporijjia. [...]
[...] En somme, cette évolution a renforcé les tensions entre l'UE et la Russie, cette dernière analysant désormais les politiques européennes avec méfiance et scepticisme. La représentation de l'Occident comme instigateur d'un mouvement anti-russe en Ukraine s'est fortement manifestée lors du mouvement de protestation EuroMaïdan qui a émergé le 21 novembre 2013 et a continué pendant l'hiver 2014 sur la place de l'Indépendance à Kyiv. Il s'agissait de se mobiliser contre le refus du président Viktor Ianoukovitch de signer l'accord d'association avec l'Union européenne. [...]
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