Dans son introduction aux 2 numéros de « Culture et Conflits » consacrés aux « Pacifications et Réconciliations », John Crowley (chercheur au CERI) définit comme pacification « tout processus politico-institutionnel qui rétablit la paix au sein d'une collectivité déchirée (éventuellement, bien entendu, en en redéfinissant les fron-ti-ères, voire en la supprimant comme collectivité). Par réconciliation, il entend «tout processus politico-institutionnel qui offre à tous les belligérants la possibilité de se reconnaître dans la paix et de la considérer comme juste. » L'auteur part du constat d'une omniprésence de la rhétorique de la réconciliation dans les tentatives contemporaines de sortie de crises. Il rend ensuite compte de 2 thèses : la première considère tout compromis dans les modalités de sortie de crise, comme un facteur de déstabilisation pour une paix injuste, donc précaire ; le second courant s'inspire de John Rawls, qui fait la distinction entre un « consensus par recoupement » (moralement justifiable et accepté par tous) et un « modus vivendi » crée en fonctions des différents intérêts en présence, et radicalement instable. Crowley se démarque de ces 2 optiques en proposant une nouvelle articulation entre pacifications et réconciliations.
Comment sortir de la logique de l' « ennemi intérieur » qui a radicalisé l'affrontement passé ?
Telle est l'interrogation centrale de l'article de John Crowley, qui explicite cette notion, avant de constater l'ambiguité inhérente aux différents moyens employés pour sortir de cette logique (I). Dans une seconde partie, nous verrons plus concrètement quels éléments sont susceptibles de rendre possible le compromis, la coopération et la réconciliation (II)...
[...] A travers l'expérience de son histoire, et ses aides économiques, l'Union européenne cherche à favoriser la réconciliation, notamment en Afrique et dans les PECO, qui vont pour la plupart entrer dans l'Ue en 2004. [...]
[...] En effet, sans réelle volonté de réconciliation, alors la précarité de la paix semble inévitable. Or, on fait très souvent de la justice un préalable à toute forme de réconciliation. Après la barbarie, comment faire pour que les responsables reconnaissent leurs crimes, et pour que les victimes se tournent vers l'avenir ? La clé de la réconciliation se trouve-t-elle dans la justice ou le pardon ? On peut caractériser 3 grandes façons de régler les comptes avec le passé : le châtiment ; la restauration de la mémoire collective ; l'oubli. [...]
[...] Des ambiguïtés de la pacification A. La logique de l'ennemi intérieur A dessein, John Crowley place sa réflexion dans le cadre de conflits internes radicaux, non plus dans un cadre westphalien de guerre codifiée où on pouvait se faire la guerre sans être fâchés : l'emploi d'une rhétorique et d'une logique d'ennemi intérieur à éradiquer, semblent rendre impossible tout idée de réconciliation. L' ennemi intérieur se place à la limite entre les 2 notions de Carl Schmitt de l' inimicus (privé) et l' hostis (politique). [...]
[...] Parfois, la reconnaissance de l'autre et donc la réconciliation s'avère quasi-impossible, comme dans le cas algérien. En effet, le pouvoir algérien s'est forgé depuis la fin de la Guerre d'Algérie, en mythifiant cette lutte patriotique où tous les algériens étaient pro-FLN, et où le harki représentait la figure de l'ennemi intérieur. Ainsi, pardonner aux harkis, revient pour le pouvoir à remettre en cause le socle patriotique de l'identité algérienne post-coloniale, sur lequel se reposent toutes les autorités depuis 1962. Quant aux harkis, c'est précisément parce qu'ils ne sont pas reconnus qu'ils se fédèrent, et pardonner l'Etat algérien les menacerait de dissolution en tant que membres d'une communauté à la mémoire traumatisée. [...]
[...] Plus généralement, il faut rendre effectif un gain matériel qui compenserait la déstabilisation identitaire de chaque groupe. Or, ce facteur de coprospérité économique est rarement en place, par exemple en Ulster où le taux de chômage est 2 fois plus élevé chez les catholiques que chez les protestants. Hannah Arendt décrivait la tolérance nécessaire à une nouvelle vie communautaire viable, comme le fait de se réconcilier avec l'idée que dans l'Histoire de l'Homme de telles choses arrivent, qu'elles montrent l'incapacité passée à construire une histoire différente, non future. [...]
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