En 1987, à l'initiative de Mario Bettati, professeur de droit, et de Bernard Kouchner, un colloque, tenu à Paris sur " Droit et morale humanitaire ", préconise le " devoir d'ingérence ". La formule est lancée, le débat ouvert. Des textes d'ambition fondatrices sont adoptés au sein de l'Organisation des nations unies (ONU) : résolution 43/131 du 8 décembre 1988 de l'assemblée générale sur l' " assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre " ; résolution 688 du 5 avril 1991 du Conseil de sécurité définissant les principes de l'organisation des secours à la population kurde frappée par la répression de l'armée irakienne…
Mais tout de suite, les controverses se déchaînent. La formule même de devoir d'ingérence se veut provocatrice, suggérant que la souveraineté des Etats, principe sacro-saint de l'ordre international, se trouve subordonnée à l'impératif de solidarité entre les hommes, celle-ci justifiant, dans des cas graves, l' " ingérence ", c'est-à-dire l'intervention extérieure pour aider les victimes. Pour les défenseurs sourcilleux de la souveraineté étatique, le mot " ingérence " est inacceptable, conférant à une hypothétique communauté internationale le droit d'agir à l'intérieur des Etats ; il ne saurait y avoir qu'assistance, celle-ci réclamant l'accord de l'Etat concerné. Ainsi, s'enchaînent les interrogations : peut-il être légitime d'intervenir au sein d'un Etat sans son consentement ? dans quelles conditions ? Pour quels buts ? Qui est habilité à parler et à agir au nom de cette communauté ? Ne serait-elle pas une fiction, sous le masque de laquelle se dissimulent les plus puissants ?
[...] L'humanitaire ne cesse de se heurter au politique et de négocier avec lui. Pour parvenir à leurs fins, les organisations humanitaires doivent donc passer, avec les pouvoirs en place, d'inévitables compromis, sans lesquels aucune action n'est possible. Dans certains cas, il faut accepter de " nourrir les bourreaux pour nourrir les victimes comme l'a crûment rappelé William Shawcross au sujet du Cambodge, et comme on l'a vu tout au long de la guerre en Bosnie. Ceci prive l'humanitaire de son aura messianique mais aussi lui confère la dignité profonde de toute action consciente de ses limites, de sa précarité. [...]
[...] Alors, l'action humanitaire peut rencontrer deux limites. Il s'agit de l'opposition déterminée du pouvoir, de l'Etat, sur le territoire duquel elles doivent travailler. La seconde est d'ordre intérieur, moral : où l'inacceptable commence-t-il ? A partir de quand intervenir ? Les Etats En 1991, Bernard Kouchner lance la formule " humanitaire d'Etat Il s'agit de " l'organisation du droit d'assistance codifié par les Etats Aujourd'hui émerge un droit d'ingérence pris en charge par les Etats et fondé sur une sorte de conscience morale internationale. [...]
[...] Pour les défenseurs sourcilleux de la souveraineté étatique, le mot " ingérence " est inacceptable, conférant à une hypothétique communauté internationale le droit d'agir à l'intérieur des Etats ; il ne saurait y avoir qu'assistance, celle-ci réclamant l'accord de l'Etat concerné. Ainsi, s'enchaînent les interrogations : peut-il être légitime d'intervenir au sein d'un Etat sans son consentement ? Dans quelles conditions ? Pour quels buts ? Qui est habilité à parler et à agir au nom de cette communauté ? Ne serait-elle pas une fiction, sous le masque de laquelle se dissimulent les plus puissants ? [...]
[...] Cet événement confirme la subordination de l'humanitaire au politique. L'humanitaire, pour accomplir sa mission, a besoin de conditions politiques et de règles du jeu. Par ailleurs, l'humanitaire ne remplace jamais un règlement politique. Conclusion Bref, toute ingérence est prise dans le politique, soit parce qu'elle a des objectifs politiques, soit parce qu'elle ne peut ignorer l'environnement politique dans lequel elle opère. Finalement, l'ingérence humanitaire doit être considérée comme toutes les autres formes d'ingérences. Son action, mue par la fraternité et l'entraide, fait qu'elle a la morale de son côté, mais son incapacité à s'affranchir de la politique, tant dans les raisons de son action que dans la conséquence de ses actes, rendent toute ingérence humanitaire très difficile et délicate (très récemment, avec le problème des réfugiés Kosovars, les ONG, pour pouvoir intervenir, ont demandé aux Etats européens de faire pression sur le gouvernement macédonien). [...]
[...] L'action humanitaire ne peut pas remplacer le politique. L'humanitaire concerne l'urgence, la survie ; il fait face à des difficultés " élémentaires " : la souffrance, la faim, le froid La politique est évidemment concernée par ces questions. Toutefois, le politique vise aussi et surtout les rapports entre les hommes. L'humanitaire et le politique relèvent bien d'ordres distincts. L‘Etat est le lieu d'une légitimité politique organisée, institutionnelle, fondée sur un territoire et une population. La légitimité de l'action humanitaire se réfère à la communauté des hommes. [...]
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