Le 16 janvier dernier, la Cour constitutionnelle turque a décidé de dissoudre le Refah Partisi, parti islamiste fort de 148 sièges à l'assemblée et de plus de 6 millions d'électeurs (soit environ 18% de l'électorat). Cette décision n'est pas sans équivoque car elle apparaît à la fois comme l'application stricte du principe de laïcité, et en même temps elle marque une atteinte à la démocratie par l'exclusion de la scène politique d ‘un parti important. C'est donc une nouvelle étape dans le débat sur la compatibilité de la religion musulmane avec un régime démocratique, ce qui ne semble possible qu'au travers de la laïcité, entendue au sens d'une autonomie du politique et du religieux ainsi qu'une tolérance envers les différentes expressions de la religion.
Cependant si le terme de laïcité est prisé de tous, chacun en donne une interprétation conforme à ses ambitions - en tant que légitimation de l'existence d'un groupe religieux puis de la prise du pouvoir, par exemple - et pour que le concept ne soit pas vidé de tout contenu, il faut instaurer les conditions d'un consensus minimal de tous portant sur la nécessaire existence d'une pluralité d'expressions et le maintien des structures institutionnelles d'autre part.
Or en Turquie, il semble que les bases d'un tel consensus aient été posées par Mustafa Kemal Atatürk.
[...] On assiste alors jusqu'en 1980, une succession de réformes religieuses et de coups d'Etat de l'armée (restée fidèle aux principes kémalistes), ainsi et paradoxalement, l'arrivée au pouvoir de partis islamiques accroît la démocratisation, alors que l'armée tente de raffermir les bases de la laïcité. Le renouveau religieux Depuis l'arrivée au pouvoir du pari Démocratique en 1950, on observe un réel renouveau religieux et des concessions faites aux principes laïcs, comme l'enseignement religieux dans le primaire puis dans le secondaire, la multiplication des écoles et universités musulmanes, le développement croissant des mosquées. Cet effort a pour but de faire revenir l'Islam dans les sphères sociale et politique. [...]
[...] D'où une certaine ambiguïté Il y a donc coexistence de plusieurs messages religieux (de la simple opposition totalisante au soutien fervent). Ce mouvement contribue à la fois à une démocratisation par la pluralité des expressions et par le passage d'un affrontement simple entre l'Etat et les groupes religieux, à un débat public (notamment en 1987 avec l'affaire du Türban : on y remarquera particulièrement que les manifestants fondamentalistes étaient des femmes, et que les moyens de protestation étaient ceux de la démocratie, un appel à la Cour européenne des droits de l'homme a même été envisagé). [...]
[...] Sa volonté était de déraciner la religion des sphères politique et sociale pour la cantonner dans la seule sphère privée. Plus encore il s'agissait de soumettre la religion à la volonté politique, ce qui a été rendu possible par l'adoption de codes de comportement sociaux calqués sur l'occident, l'absence de concurrence politique (jusqu'en 1948) qui ferme l'entrée de la religion dans cette sphère, la légitimation de l'Etat par le peuple et non plus l'Islam, l'industrialisation, la laïcisation (par refus de la religion) de l'appareil d'Etat, le soutien d'une armée forte et laïque. [...]
[...] Pourtant il faudrait tempérer ces observations par des particularités Turques. Tout d'abord, le RP est un parti islamiste, et si la Turquie se réclame d'être un Etat laïque, ce ne signifie pas qu'elle est athée, car près de 99% des turcs sont de confession musulmane. Dans ces conditions, sa seule vocation à inclure des idées religieuses dans son programme est mobilisatrice ; le RP n'est pas un équivalent d'un parti chrétien occidental mais présente certaines ressemblances avec ce dernier. Le Refah est également un parti populiste, son électorat n'est pas exclusivement religieux, il porte en grande partie sur les idées de prospérité (en raison de l'exode rural, formation de banlieues pauvres) et de sécurité (notamment dans les provinces de l'Est Turque). [...]
[...] Cependant si le terme de laïcité est prisé de tous, chacun en donne une interprétation conforme à ses ambitions - en tant que légitimation de l'existence d'un groupe religieux puis de la prise du pouvoir, par exemple - et pour que le concept ne soit pas vidé de tout contenu, il faut instaurer les conditions d'un consensus minimal de tous portant sur la nécessaire existence d'une pluralité d'expressions et le maintien des structures institutionnelles d'autre part. Or en Turquie, il semble que les bases d'un tel consensus aient été posées par Mustafa Kemal Atatürk. [...]
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