Cette étude se structure en trois parties : après une brève introduction soulignant la difficulté de définir l'idée de nation, elle montre comment l'idée nation est aujourd'hui remise en cause par le développement de formes de citoyenneté et d'un espace public supranationaux, le triomphe d'allégeances identitaires alternatives (religion, microsolidarités) ou par la diffusion de l'individualisme. Toutefois, une brève spatialisation suffit à montrer que l'idée de nation continue à structurer l'espace mondial contemporain. Les causes sont à chercher du côté des développements du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes », de la dynamique même de la mondialisation, ainsi que du développement de nouvelles formes de nationalismes. Cela conduit à insister, dans une dernière partie, sur deux enjeux particuliers que suscite l'idée de nation aujourd'hui : celui de la stabilité des frontières et celui de la démocratisation.
[...] Aujourd'hui, l'idée de la nation ne serait donc plus aussi mobilisatrice qu'auparavant. Toutefois, si l'on accepte cette vue, comment expliquer la résurgence des revendications faites en son nom au cours des années quatre-vingt dix et deux mille ? Les faits sont significatifs : Ouzbékistan, Moldavie, Erythrée, Slovénie une vingtaine d'Etats a vu le jour au cours de la décennie quatre-vingt dix. De la même façon que la désagrégation de l'Empire d'Autriche et de l'Empire ottoman avait produit de nouveaux Etats, beaucoup des nouvelles nations indépendantes ont été le produit de la décommunisation de l'Europe de l'Est. [...]
[...] Au contraire, s'impose aujourd'hui l'idée que les petites nations coûtent moins cher que les grandes : plus une nation est grande, plus l'hétérogénéité est forte, plus les coûts pour gérer les différences sont élevés. Certains mouvements sécessionnistes obéissent autant voire plus à des logiques économiques qu'à une revendication nationale identitaire. L'idée de nation continue donc à être une clé d'analyse pertinente pour comprendre la dynamique de l'espace mondial. Elles soulèvent de nombreux enjeux dont deux seront développés ici. Le premier est celui de la déstabilisation des frontières. En effet, dans le modèle westphalien la juxtaposition d'entités homogènes et souveraines est un facteur de stabilisation d'ordre. [...]
[...] En bref, la place de l'idée de nation dans l'espace mondial et son rôle dans la structuration des grands enjeux mondiaux fait l'objet d'un vif débat. Celui-ci commence avec la définition même du concept. Une distinction célèbre travaille la littérature politique. D'un côté une vision de la nation, en termes ethnoculturels , c'est-à-dire perçue comme un groupement fondé sur des caractéristiques objectives origine de la population, occupation d'un territoire, langue, religion, mœurs etc. De l'autre, une conception, formulée par Renan dans sa controverse avec l'allemand Treitschke Qu'est-ce qu'une nation ? [...]
[...] En effet, l'idée de nation est une idée géographiquement et historiquement bornée. Or, celle-ci n'a pas toujours réussi à s'universaliser et a rencontré sur sa route d'autres formes de sacré desquels elle n'a pas toujours triomphé. L'idée de nation est ouvertement défiée, contestée et déstructurée comme modèle politique exogène, selon un processus qui favorise alternativement une dérive vers les microparticularismes et vers les reconstructions impériales écrit Bertrand Badie dans L'Etat importé (1992). Ainsi, en Afrique sub-saharienne Libéria, Zaïre, Rwanda, Burundi, Corne de l'Afrique l'échec de la socialisation nationale est patent comme en témoigne la prédominance des solidarités microcommunautaires village voire exploitation agricole. [...]
[...] Le désenchantement du monde toucherait ainsi l'idée de nation de plein fouet. Enfin, la dynamique de la mondialisation, c'est-à-dire des échanges et des flux planétaires, peut expliquer la remise en cause de l'idée classique de nation qui la liait au territoire. Par exemple, Bertrand Badie dans La fin des territoires (1995) note que les diasporas des communautés chinoises du Sud-Est asiatique ou la diaspora coréenne qui se répand dans toute l'Asie du Sud-Est, du Kazakhstan jusqu'au Japon, contribuent à déterritorialiser la nation chinoise et à l'adapter à une autre construction de l'espace. [...]
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