C'est après la deuxième guerre mondiale que cet espace s'étend aux populations civiles victimes des conflits. Alors s'ouvre un registre de la scène internationale qui va subir une véritable explosion. Comment l'humanitaire a-t-il évolué ? Quels en sont les acteurs ? Après tant d'utilisation et de déformation, recouvre-t-il le même sens qu'à l'origine ?
Par conséquent, il est intéressant d'étudier dans un premier temps comment est apparu l'humanitaire sans-frontière et ses caractéristiques, pour analyser par la suite comment cet espace a été investi par de nouveaux acteurs et de nouveaux enjeux...
[...] Cet espace est grignoté de l'extérieur par de nouveaux acteurs et de l'intérieur par le rétrécissement de la marge de manœuvre des ONG. La présence d'ONG n'empêche plus les exactions, parfois même les exacerbent. Les ONG sont de plus en plus menacées, leur action est accusée d'avoir des répercussions néfastes. Ainsi, au Cambodge, le droit de visite a été savamment orchestré pour montrer une situation catastrophique. La mobilisation et l'afflux d'aide a surtout servi à consolider les objectifs politiques des protagonistes. De même, en ex-Yougoslavie, il a d'une certaine manière facilité la politique de conquête territoriale et de purification ethnique. [...]
[...] Ils ont alors décidé d'investir l'espace humanitaire pour des raisons autant pratique que diplomatiques, stratégiques et commerciales. Déjà dès la fin des années 80, les Etats et institutions internationales se dotent de structures adaptées pour tenir compte de cette évolution. En 1986, est crée, en France, un secrétariat d'Etat à l'action humanitaire, puis aux droits de l'homme, qui devient en 1990, un ministère. De même en 1992, les Nations Unies créent un département de l'action humanitaire. La communauté européenne se restructure en 1992 et crée l'ECHO (european community Humanitarian Office) qui est un bailleur de fonds pour les ONG. [...]
[...] Ces interventions présupposent aussi le consentement de l'Etat en cause dans le respect de sa souveraineté. Toutefois, cette vision neutre de l'humanitaire a subi quelques évolutions. Aujourd'hui, beaucoup d'acteurs de ce domaine n'adhèrent pas à cette neutralité. C'est avec le guerre du Biafra en 1967 que l'humanitaire perd cette caractéristique. Alors que les organisations classiques et le CICR sont guidées par le principe du respect de la souveraineté de l'Etat et de l'accord des parties au conflit, celles-ci sont bloquées par l'insuffisance des moyens d'action et se perdent en négociation. [...]
[...] Cet humanitaire est donc caractérisé par un rejet de la neutralité, une indépendance par rapport à la politique et une forte dimension médiatique. Dans cet esprit, le rôle des acteurs ou organisations n'est pas seulement l'assistance et les opération de secours mais aussi d'alerter l'opinion publique pour convaincre et déclencher l'aide des Etats riches et des organisations internationales. Militantes, elles veulent représenter une forme d'opinion publique mondiale. Le recours aux médias est donc systématique et dénonce les exactions comme on a pu le voir lors de nombreux conflits ou catastrophes humanitaires comme en Somalie, en Ethiopie ou en Bosnie. [...]
[...] Cela s'intègre dans le mouvement de remise en cause de la souveraineté et du déclin de l'Etat-Nation décrit par James Rosenau. L'Etat est donc soumis à la concurrence d'autres acteurs non- souverains tels que les ONG, mouvements religieux, ethniques et institutions internationales qui deviennent alors les rivales des gouvernements grâce au domaine humanitaire. Toutefois, c'est au moment où l'humanitaire se dote des outils qui pourraient lui permettre de s'imposer sur la scène internationale qu'il est dénaturé et perverti. Dénaturé car les pires exactions se passent sous couvert de l'humanitaire, perverti car les Etats s'en emparent et se l'approprient. [...]
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